On ne compte plus les versions successives de Scooby-Doo. Quand la seule originalité possible est que Véra/Velma parte avec Scooby et Sammy/Shaggy quand ils décident de se séparer pour chercher le monstre, on se dit qu'il y quelque chose qui cloche. Scooby-Doo a déjà basculé dans le fantastique, la préquelle, la parodie. Que reste-t-il à raconter ? Après avoir regardé Mystery Inc., la dernière mouture de Scooby-Doo, la réponse est: tout.
En décentrant l'action des mystères aux personnages, la série réussit un double pari: proposer une série pour enfants avec mystères idiots (mais assumés) et monstres ridicules ainsi qu'une rupture du quatrième mur et un ton assez sombre qui plaira beaucoup aux adultes. La formule usuelle - un monstre, un mystère, un démasquage est reprise et retournée dans tous les sens, parodiée et moquée.
Les personnages sont ceux que l'on connaît déjà, d'ailleurs la série se veut être une suite de celles existantes. Le personnage qui subit le plus de changements est celui de Fred, décrit ici comme un naïf obsédé par les pièges, ayant des difficultés à faire face à ses propres sentiments. Il est clairement le point focal de la série et est extraordinairement réussi, à tel point qu'il est mon personnage préféré, alors que d'habitude c'est plutôt entre les deux filles que ça se joue.
Mais c'est parce que la série se focalise sur les personnages qu'elle tire son épingle du jeu. Les mystères passent finalement au second plan. Si la série n'est pas exempte de maladresses ou de facilités, elle ne fait pas l'impasse sur des sujets plus difficiles: l'amour de Daphné pour Fred, incapable d'admettre ses sentiments, Shaggy, incapable de choisir entre Velma et Scooby, la relation de Fred avec son père... toutes sont traitées avec une finesse assez inhabituelle pour une série jeunesse. Le final de la première saison est extraordinairement sombre, au point que ça en devient gênant.
L'autre grande réussite de la série est d'avoir choisi une structure narrative continue. Chaque petit mystère s'insère dans une structure plus importante, nécessitant de regarder tous les épisodes dans l'ordre. De très bonnes idées sont introduites comme l'existence d'une équipe d'ados précédant de 20 ans celle que l'on connaît déjà. On voit également bien plus les parents des personnages qu'auparavant. En bref, Mystery Inc. est une réinvention réussie de la série Scooby-Doo, un véritable vent de fraîcheur pour une franchise qui a marqué la jeunesse de beaucoup. La seule chose qui manque au final, c'est l'animation et les bruitages des personnages quand ils courent.
La seconde et dernière saison poursuit l'intrigue de la première. L'arc narratif est assez bien écrit même si l'on quitte assez rapidement le rationnel et l'explicable (quoique farfelu) pour basculer dans le surnaturel. J'ai eu un peu de mal avec ça, mais j'ai accepté les choses puisque mes réserves étaient partagées par Velma. La série finit sa course en étant vraiment sombre, assez choquante (des personnages principaux meurent - on est toujours chez Scooby-Doo, hein) et bascule dans le Nightmare fuel (http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/NightmareFuel). Les derniers épisodes sont proprement épiques - et non, j'utilise ce mot à bon escient parce que c'est vraiment intense. Malgré tout, ça passe, assez bien, en raison de la multiplication des références (à Twin Peaks notamment) et aussi parce que les personnages sont sacrément attachants. Est-ce encore une série pour enfants à ce niveau-là ? On est en droit de se le demander. Il n'en reste pas moins que la série est très réussie.
Un personnage secondaire (ou tertiaire) de la saison 1 prend une grande importance dans la seconde saison et à ma grande surprise capture le cœur d'un des membres de Mystery Inc - le même membre que beaucoup soupçonnent d'être homosexuel. Vous voyez sûrement de qui je parle. La plupart des pages Internet semblent copieusement ignorer cette relation peut-être pas complètement consciente mais qu'il est impossible de nier. Heureusement qu'il y a Deviant Art en somme.
SPOILER SPOILER SPOILER
SPOILER (NE LISEZ PAS SI VOUS N'AVEZ PAS VU LA FIN DE LA SÉRIE)
SPOILER
JE NE PLAISANTE PAS !
En y repensant un peu, je n'ai pas aimé la fin. La série, qui pendant une cinquantaine d'épisodes été ancrée dans le réalisme avec des méchants qui portaient toujours des masques en latex, des jetpacks ou utilisaient des toxines de méduse n'aurait pas dû basculer dans le fantastique à ce point. J'admets volontiers que les moments de bravoure de la fin étaient très réussis - le sacrifice de Marcy (petite larme à l'œil), le baiser de Fred et Daphne, la déclaration d'amour de Daphne à toute la bande... tout ça était très bien. Mais en sus de la violence incroyable, du méchant qui dévore les habitants de la ville, cette fin détonne beaucoup trop avec le reste. Il était inévitable d'en arriver là, sans doute. Transformer Prof. Pericles en un perroquet nazi mégalomane et psychopathe, Brad et Judy en des criminels endurcis ne pouvait conduire qu'à une issue aussi violente. Mais tout de même, l'innocence un peu bête des premiers épisodes n'est plus là. Est-ce qu'une telle fin était vraiment possible si on regarde les épisodes du début ? C'est ce contraste qui me gène en fin de compte. L'évolution est somme toute logique, mais je ne m'en rendais pas compte et je ne suis pas d'accord avec elle. Où se place la série si elle fonctionne à la fois comme une préquelle et une suite des aventures originales ? Le fait que tous les personnages aient le droit à leur happy ending, que Marcy revienne à la vie permet de panser un peu le plaies. Et à bien y réfléchir, il vaut mieux ne pas trop regarder les coutures de cette série. Néanmoins, je suis un peu déçu, en y repensant. La série reste néanmoins une grande réussite et est parvenue à faire ce que toutes celles avant n'arrivaient pas : me faire m'intéresser à Fred.