La montagne accouche d'une souris

Cette critique contient des spoilers majeurs

J'ai suivi cette série chaque semaine pendant deux mois et demi avec impatience et intérêt, et beaucoup de choses m'y ont plu. Un casting convaincant pour commencer, même si je connaissais peu les acteurs (de vieux souvenirs de Lauren Ambrose dans Six Feet Under, un épisode de Black Mirror pour Toby Kebbell, Myrcella Baratheon V2 dans Game of Thrones pour Nell Tiger Free et rien du tout pour Rupert Grint, n'ayant jamais été tenté par Harry Potter). Les rôles secondaires sont aussi excellents, notamment l'oncle de Leanne.

Ensuite, un format court que j'aime à une époque où de plus en plus de séries s'étalent sur cinquante minutes à une heure. Et, point qui m'a le plus accroché, une vraie ambiance instaurée à partir de rien ou presque : un bruitage discret, une note de musique discordante, un gros plan sur un visage, un mouvement de caméra... De nos jours où le moyen le plus utilisé pour tenter de faire peur au spectateur est le gros jump scare bien putassier, une approche plus fine, psychologique, voire bizarre par moments aura toujours ma faveur.

En lisant le synopsis pour la première fois, je me suis dit que cette histoire de couple qui perd son enfant et le remplace par une poupée pour affronter son deuil se devrait d'être extrêmement maîtrisée sous peine de tourner rapidement au ridicule. L'écriture des premiers épisodes m'a rassuré : malgré quelques points discutables sur lesquels je reviendrais, la série est crédible dans son ensemble. Rapidement, le scénario s'épaissit et de nouveaux mystères apparaissent. Sur le couple, sur les circonstances de la mort de leur enfant, sur le "bébé de remplacement", sur Leanne, sur sa famille... Chaque épisode amène son lot d'interrogations qui se cumulent les unes aux autres et on arrive au six ou septième en se disant qu'à un moment dans cette saison, il faudra bien répondre au moins à une partie de ses interrogations, et de façon pertinente, sous peine de voir le soufflé retomber et que tout le reste n'ait été que mise en place futile. Ma note traduit ma déception face aux réponses qui nous ont étés apportées à l'issue du dernier épisode de la saison, mise en rapport avec le gros intérêt qu'avait suscité en moi toute la partie construction de l'histoire et buildup des 8 premiers épisodes.

Première chose qui m'avait dérangé au niveau scénaristique : ce fameux "vrai bébé", qui vient remplacer très tôt celui en plastique, et surtout la réaction du père à cette arrivée. Je ne suis pas père moi-même, mais je ne peux pas trouver crédible qu'il accepte de conserver cet enfant juste pour ne pas aggraver les traumatismes de sa femme (et de ce fait, la conforter dans une illusion qui ne peut avoir aucune fin heureuse). J'avais justifié ça intérieurement par le fait qu'il était dans l'impossibilité d'aller voir la police car il y avait un secret inavouable derrière la mort de son enfant (peut-être en était-il même responsable), et dans ce cas, ça se serait tenu, mais même pas : la cause de la mort est tragiquement banale, et en aucun cas un motif suffisant pour ne pas aller voir la police (qui est d'ailleurs déjà au courant) et accepter cette substitution d'enfant. Ça a donc été le premier coup de frein à mon enthousiasme concernant la série, alors qu'on on nous laissait miroiter quelque chose de complexe et de tordu. Néanmoins, l'excellente performance de Lauren Ambrose dans cet épisode 9 a contribué à faire un peu passer la pilule. Pilule avec laquelle j'allais définitivement m'étrangler peu après.

Autre chose : à quel moment un chef culinaire qui perd brutalement le sens du goût (qui est quand même son gagne-pain) ne va pas voir un médecin pour savoir de quoi il en retourne ? N'importe quel être humain normalement constitué le ferait. Quand à la soudaine épiphanie de l'épisode 10, selon laquelle Leanne, qui est arrivée dans la maison juste au moment du début de ce trouble, est peut-être responsable... Elle était ridicule. Episode 10 qui reprend les habitudes du reste de la série en apportant plus de questions que de réponses : on ne sait toujours pas de qui est ce bébé, comment il a été substitué, pourquoi Leanne aime bouffer des perles ou se flageller, voit le sol de la cave à vins s'ouvrir, comment les membres de son culte arrivent à se volatiliser d'une ruelle le temps qu'un flic fasse une marche arrière (c'est peut-être une secte de ninjas en fait ?), j'en passe et des meilleures.

Evidemment, j'ai bien conscience qu'une série doit savoir ménager ses mystères pour durer : mais rajouter une couche de nouvelles questions et de bizarrerie à chaque épisode sans jamais jeter un os à ronger au téléspectateur finit par donner l'impression que la série est bâtie sur des effets de manche sans réel fond derrière.

Alors, peut-être que je me trompe. Peut-être que la seconde saison répondra à ces interrogations de façon cohérente. Mais en attendant, je ne peux que laisser pendant l'année d'attente à venir une note en rapport avec la déception que m'a procuré l'épilogue qu'on nous a fourni, alors que j'ai longtemps vu en Servant un sérieux prétendant à mon top 3 séries 2019.