Servant
6.8
Servant

Série Apple TV+ (2019)

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Dorothy's Baby [Critique de "Servant" saison par saison]

Saison 1 :
Le nom de notre très cher M. Night Shyamalan à la production et à la réalisation de deux épisodes (le premier et le neuvième, de loin les meilleurs grâce à l'élégance absolue de leur mise en scène) rend évidemment le visionnage de "Servant" indispensable. Ce qui ne veut pas dire que cette première "grande série" de la nouvelle plateforme Apple TV+ soit un chef-d'œuvre. "Servant" travaille de manière plutôt subtile des thèmes plutôt déjà bien explorés dans de nombreux films : une jeune maman sombrant dans la psychose, une secte mystérieuse, une nounou établissant peu à peu son ascendant au sein de la cellule familiale, une maison-monde dont on ne sort quasi jamais,... on ne peut pas dire que tout cela soit très original, et ce d'autant que l'accumulation, épisode après épisode, des points de vue contradictoires et le foisonnement des incidents mystérieux peut fatiguer le téléspectateur espérant forcément trouver une sorte de fil conducteur de la fiction, fil qui lui échappera toujours. Jusqu'aux deux derniers épisodes fournissant, sinon des explications, du moins une perspective plus claire sur les événements à l'origine de la série.

Finalement, c'est plutôt dans les détails et dans la qualité de l'exécution que pourra se nicher le plaisir du téléspectateur : l'excellente idée, superbement exécutée, de la (spectaculaire) préparation de plats sophistiqués par un chef, peut justifier a elle seule le visionnage de cette première saison, tandis que l'interprétation est globalement convaincante, entre une Lauren Ambrose (que l'on retrouve avec plaisir 15 ans après la fin de "Six Feet Under") convaincante en mère ayant perdu pied, et un Rupert Grint jouisseur alcoolique bien plus subtil que sa triste prestation chez "Harry Potter" aurait laissé prévoir.

Bref, dix épisodes qui se laissent regarder sans ennui, ce qui n'est pas si courant de nos jours, en attendant une seconde saison qui devrait voir l'ouverture de cette histoire claustrophobique sur de nouveaux horizons.

[Critique écrite en 2020]

Saison 2 :
Même si l'on est malheureusement coutumiers des séries TV qui se délitent lentement saison après saison, il est plus rare d'assister à un effondrement aussi radical que celui de "Servant" dans une seconde saison que l'on ne peut guère que qualifier de lamentable.

En partant thématiquement dans tous les sens (possession, secte, folie schizophrène, tout semble bon aux "scénaristes" pour nous "impressionner"...) tout en faisant un irritant surplace au long de ses 10 épisodes interminables (malgré leurs pauvres 30 minutes...), Tony Basgallop détruit radicalement toute la crédibilité acquise au cours d'une première saison qui nous avait bien accrochés... Avec des acteurs en surjeu permanent (en particulier Lauren Ambrose et Rupert Grint, insupportables...) pour tenter d'animer des personnages dont plus personne ne comprend les motivations, et surtout pas les scénaristes, une accumulation d'effets horrifiques banals, "Servant" engendre désormais plus la consternation que l'angoisse ou même le simple malaise.

Ce qui nous fait quand même tenir jusqu'à la fin, et à sa menace d'une amplification des enjeux dans la prochaine saison, c'est la mise en scène, qui reste uniformément soignée et même, curieusement, stylée. C'est peu quand on n'a plus rien d'intéressant à raconter !

[Critique écrite en 2021]

Saison 3 :
Démarrée sur les chapeaux de roue avec un sujet formidable (la psychose d'une jeune maman ayant perdu son bébé contamine non seulement son entourage - mari et frère - mais également la réalité) et avec la signature de Shyamalan – qui n’est cette fois que réalisateur du premier épisode, en ayant confié par ailleurs deux à fille Ishana - pour nous promettre quelque joli twist, la série "Servant" s'est peu à peu enlisée en multipliant les sujets : entre une pincée occasionnelle de fantastique horrifique assez gratuit et la menace beaucoup plus tangible d'une secte de bigots fêlés, on ne savait plus vraiment ce qu'on regardait. La seconde saison, franchement mauvaise, témoignait de la déroute du showrunner et nous amenait à nous demander pourquoi Tony Basgallop ne s'était pas contenté d'une mini-série courte et efficace, au lieu de nourrir son scénario par de nouvelles pistes narratives, plus confuses qu’autre chose.

Il faut admettre que cette troisième saison - et en espérant que la quatrième sera la dernière - est meilleure que la précédente, mais ne change pas fondamentalement le problème de Servant : chaque épisode ou presque est consacré à un personnage ou à un sujet différent, sans qu'on comprenne bien où on va. Au centre, il y a cette fois de manière claire l'affrontement de plus en plus radical entre Dorothy, la mère, et Leanne, la drôle de nounou qui a échappé à l'emprise de la secte, mais reste curieusement garante de l'existence réelle de Jericho. Ce qui nous vaut le meilleur moment de la saison, avec la réapparition pour le coup franchement effrayante de la poupée/ faux bébé.

Si les menaces restent multiples, trop nombreuses en fait (la momie dans le mur, les termites dans les fondations, les promeneurs mystérieux, le retour d’Uncle George, l’étrange communauté de SDFs dans le parc voisin, etc.), au moins Servant s'est recentré sur le sujet pertinent de l’opposition entre deux femmes désirant le même enfant, manifestant toutes deux de sérieux problèmes psychologiques. Une fois de plus, l’excellente Lauren Ambrose constitue le moteur central de la série, avec un vrai talent à figurer de graves dérèglements mentaux… même si on ne peut se retenir d’éprouver aussi de la sympathie pour son frère Julian, avec un Ruper Grint très drôle, même s’il continue, comme dans Harry Potter, avec un jeu excessif, relativement en roue libre. Il faut aussi avouer que ni Toby Kebbel, dans le rôle du mari dépassé qui tente tant bien que mal de maintenir un peu de stabilité dans son foyer, ni surtout Nell Tiger Free, qui échoue à incarner de manière crédible une personnalité aussi complexe que celle de Leanne, n’aident la série à transcender ses problèmes de scénario.

Le dernier épisode, dirigé donc par Ishana Shyamalan, se clôt sur une scène choc qui donne, comme il se doit, envie de connaître la suite. En espérant que ce sera aussi la fin.

[Critique écrite en 2022]

https://www.benzinemag.net/2022/03/28/appletv-servant-saison-3-les-plaisanteries-les-plus-courtes/

Saison 4 :

The Servant, c’est fini. D’ailleurs Basgallop est déjà passé à autre chose : The Consultant, dans un registre finalement assez similaire, où il répète le même genre de mécanisme qui fait à la fois l’attrait (c’est original et surprenant !) et les limites de son style (l’accumulation produit un fatigant effet de grand n’importe quoi). Quant à Shyamalan, peu impliqué ici – a priori, seulement la réalisation de l’avant-dernier épisode, Awake, plutôt réussi d’ailleurs en termes de tension créée à partir de peu de choses – on sait bien qu’il se consacre à la difficile réhabilitation de sa crédibilité cinématographique.

Rappelons que Servant, c’est l’histoire de Dorothy, une jeune femme (Laurie Ambrose, irrégulière, parfois impressionnante, d’autres fois caricaturale) dont la raison a basculé à cause du décès de son bébé. Et de l’irruption au sein d’une famille bancale (Dorothy, Sean son mari, chef très médiatique, et Julian, son frère toxicomane incontrôlable et pusillanime) de Leanne, une nounou aux pouvoirs mystérieux qui va entraîner la maison, puis le quartier, et peut-être bien la ville de Philadelphie toute entière dans un chaos croissant.

On pourrait se contenter de faire un copié-collé de tout ce que l’on a déjà écrit sur la saison 3 de Servant, tant qualités et défauts restent inchangés au long de ces 10 derniers épisodes. Dix épisodes qui vont du meilleur, comme le premier, Pigeon – réalisé par l’inconnu Dylan Holmes Williams – brillant exercice de terreur hitchcockienne, citation des Oiseaux comprise – au pire, comme, malheureusement, le dernier, Fallen, dont on promet qu’il générera la colère de quasiment tous les téléspectateurs, tant il brade les pistes possibles d’interprétation de l’histoire contée dans toute la série au cours d’un final convenu, digne d’un film d’horreur de série Z…

Malgré cette déplorable conclusion, qui garantit que nous ne garderons pas un bon souvenir de la série, on pourra prendre un certain plaisir devant certains délires, régulièrement assez drôles, proposés par Basgallop et son acolyte scénariste Laura Marks : le sommet est atteint au cours de Zoo (6ème épisode) décrivant une fête d’anniversaire particulièrement désastreuse.

On aura aussi dressé l’oreille durant Myth, un septième épisode intéressant, puisque proposant, par la voix de l’oncle George (Boris McGiver, qui a fait du bon boulot à chacune de ses apparitions) une relecture rationnelle de toute l’histoire… Relecture qui finalement ne s’avère qu’un truc de scénariste, malheureusement. On dit malheureusement parce que c’est bien là que se loge le problème fondamental de Servant : en ne choisissant pas entre surnaturel « classique » (les démons, la possession, tout ce genre de choses) et thriller réaliste (Leanne comme stalker – perturbée par une enfance abominable – de Dorothy), Servant n’est pas intelligent, juste confus.

Il est bien temps de passer à autre chose. Et de laisser la fin ridiculement ouverte (mais sur quoi ?) du dernier épisode rester définitivement sans suite.

[Critique écrite en 2023]

https://www.benzinemag.net/2023/03/20/appletv-servant-saison-4-les-plaisanteries-les-plus-courtes/

EricDebarnot
6
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2020

Créée

le 20 mars 2023

Critique lue 2.7K fois

15 j'aime

Eric BBYoda

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