Une série qui écoute (surtout ses personnages secondaires)

Comme souvent avec les séries qui font beaucoup parler d’elles, j’ai pris mon temps avant de me plonger dans Sex Education, par peur d’être déçue. A tort finalement, la série combine avec intelligence légèreté et profondeur, en parlant des méandres de l’adolescence, de la sexualité et de l’identité, avec en prime une bonne dose d’humour et d’émotion.

La série s’articule autour d’Otis et Maeve, deux adolescents que tout semble opposer : lui, fils de sexologues renommés, vit dans un cocon culturel et matériel ; elle, brillante et rebelle, porte sur ses épaules les stigmates d’un milieu difficile marqué par la précarité et la drogue. Leur initiative commune – une clinique sexuelle clandestine au lycée – sert de prétexte à explorer une multitude de sujets : relations familiales, pressions sociales, religion, identité de genre, consentement, et bien sûr, le sexe sous toutes ses coutures. Mais c’est également une manière pour eux de trouver leur place, d’exister dans une société anonyme.

Ce point de départ permet à la série d’explorer des thématiques universelles, tout en restant ancrée dans le quotidien. Il permet également d’aborder un grand nombre de sujets à la suite sans tomber dans un effet soap où tout tomberait sur les mêmes. Sex Education arrive à traiter de sujets sensibles avec justesse, sans tomber dans le prêchi-prêcha ou le cliché.

Sex Education arrive également à intégrer de l’humour et une certaine ironie, comme dans sa revisite très sexuée de Roméo et Juliette. Cependant, la série montre progressivement les limites de son format, particulièrement dans une quatrième saison où la surenchère d’inclusivité frôle la caricature. Ce nouveau lycée presque utopique, débordant de moyens improbables, semble déconnecté de l’ambiance réaliste des débuts, et la multiplication des arcs narratifs dilue la cohérence de l’ensemble. Pourtant, certains arcs restent solides, notamment du côté des adultes. La mère d’Otis, incarnée par Gillian Anderson, est toujours impeccable, et la série n’hésite pas à montrer que les "grands" aussi doivent affronter leurs erreurs.

La série prend aussi soin de ses personnages secondaires, dont les parcours sont parfois plus intéressants que ceux d’Otis et Maeve. Adam, par exemple, démarre comme un "bully" typique, mais on découvre peu à peu le poids de son éducation : un père autoritaire et rigide, incapable de transmettre autre chose que la peur. Leur relation, qui évolue sans raccourcis faciles, montre qu’on peut briser certains schémas. Et Adam lui-même, qui n’avait aucune estime de lui, finit par s’ouvrir au monde, avec beaucoup de pudeur. Ce qui ne veut pas dire là aussi que tout se résout magiquement. Il y a aussi Aimee, un personnage que la série traite avec une délicatesse rare. Après une agression sexuelle dans un bus, on suit toutes les étapes de sa reconstruction : choc, déni, colère, dépression, puis acceptation. Ce n’est jamais simplifié, jamais résolu trop vite. La série ose prendre le temps d’explorer des sujets sensibles comme le traumatisme et la résilience.

Visuellement, la série est une belle réussite, avec des paysages britanniques qu’on ne voit pas souvent. Ce n’est pas révolutionnaire, mais c’est soigné, et ça sert bien son propos. Ce qui fait la force de Sex Education, c’est qu’elle parle de sexe sans tabous, mais sans voyeurisme non plus. Elle reste drôle, émouvante, et surtout accessible. Malgré une dernière saison en demi-teinte, elle parvient à capturer une période de vie avec authenticité, offrant à chacun la possibilité de se reconnaître dans l’un de ses nombreux personnages.