Durex Education

Traditionnellement, dans les séries US et anglaises, les ados sont joués par des adultes, c’est ainsi. Souvent, les acteurs ou actrices ont 4 à 8 ans de plus que l'âge de leur personnage. Ainsi, il est courant qu'un homme de 22/24 ans joue le rôle d'un ado de 16 ans.
Dans sa saison 5, la série Riverdale a même dû faire un bond de 7 ans pour effacer l’écart entre l’âge réel et l’âge des personnages.
Sex Education n’échappe pas à la règle. Nos lycéens sont plus proches de la trentaine que de la vingtaine : Adam a 25 ans, Otis a 24 ans (un gamin), Jackson 27 ans, Ola a 27 ans et Éric, l’ami gay d’Otis sensé avoir 17 ans est âgé en fait de 29 ans (!!!).
Voir des adultes bientôt trentenaires jouer aux ados, parfois avec des vrais ados, c’est gênant, limite malaisant.

Sex Education fut une série aussi provocante que désopilante mais qui s’est assoupie quelque peu dans sa 3ème saison.

Souvenons-nous de la problématique de la 1ère saison : le fils d'une sexologue aussi libérée qu’extravertie, subit un véritable blocage qui l'empêche même d'éjaculer auj point de devoir, de temps en temps, verser sur ces draps un liquide blanc pour rassurer sa mère.
Ce jeune homme est par contre un expert théorique en matière de sexualité, en s'inspirant des travaux de sa mère. Il s'est improvisé sexologue dans son lycée, moyennant rétribution. Avec Eric, son ami gay, les deux garçons formaient une paire pour le moins détonnante. Ajoutons Adam, le mâle alpha qui finira par faire son coming-out à Eric qu'il agressait mais dont il était amoureux.
La mère castratrice, interprétée par Gilian Anderson, était formidable.

La trame de la 1ère saison permettait donc des tas de situations drôles, parfois gênantes. La seconde saison était peut-être mieux écrite que la première même si elle en avait perdu la fraicheur.
C'est un problème que l'on rencontre souvent dans les séries actuelles. Beaucoup d'entre elles reposent sur un concept original et fort. Malheureusement, dès qu'on déborde de ce concept, la série se répète ou perd ce qui faisait son succès.
Cela rappelle Handmaid's Tale qui avait tout dit dans sa première saison (qui fut un véritable coup de poing) mais qui, hélas, fut reconduite pour une 2nde, 3ème et 4ème saison.

Sex Education a évolué au fil des saisons. Otis le héros a perdu sa virginité et séduit même de très jolies filles. Eric et Adam se promènent au lycée main dans la main.
C'est d'ailleurs une obsession chez les anglo-saxons. Il faut absolument que des relations gays soient normalisées. Au point de donner l'illusion que le monde n'est plus homophobe et que dans les lycées, il y a autant de couples gays qu'hétérosexuels (voyez la série Thirteen Reasons Why, édifiante sur ce plan là).
Derrière son humour potache, la saison 2 avait su aborder la question d'une agression sexuelle sous un angle intéressant : un obsédé s'est masturbé contre une jeune fille dans le bus, souillant son vêtement. La lycéenne ne pourra pas effacer le traumatisme occasionné.

La saison 3 s'est donc éloigné de son concept de base. Mais c’était certainement inévitable pour éviter un surplace stérilisant. Elle reste amusante. Même si certains gags sont trop appuyés : le lycéen à poil dans la cour du lycée qui court dans tous les sens, Éric qui ne cesse de se maquiller, de gesticuler et de surjouer la folle, Éric et Adam qui bataillent pour être le partenaire passif dans leur prochaine relation sexuelle... Tandis que la mère d’Otis, enceinte, n’a plus grand chose à nous dire, elle passe d'ailleurs son temps à péter....

Devenu un homme ayant résolu ses blocages sexuels, Otis ne sert plus à rien. Il a couché avec une fille, il s’est instantanément banalisé. Mais comme il est la vedette du show, on ne peut pas le jeter. Alors, on lui crée une pseudo-aventure avec une petite peste, possessive et tyrannique. Il faut le dire, Otis est devenu fade. Il n’est plus qu’une guimauve.

En fait, à bien y réfléchir, tout a été résolu dans la saison 2. La saison 1 posait les problématiques. La saison 2 les a résolu. La saison 3 peine à se réinventer. Les situations sont convenues.

Sex Education a certainement pour ambition d’être la série la plus inclusive qui soit. Il sera difficile de la dépasser.
Nous avons toutes les couleurs de l'arc-en-ciel et toutes les sexualités : des gays extravertis, des gays intravertis, des lycéennes lesbiennes, les deux mères lesbiennes de Jackson, des transgenres, un handicapé, des arabes, des voilées, des asiatiques et bien sûr des noirs.
Notez que parmi les acteurs et actrices noirs, nous avons deux sous-catégories : les noirs à peau claire et peau foncée. Préciser la différence n'est pas inutile car il faut savoir qu'au USA, des noirs se sont plaint qu'on choisissait beaucoup trop d’acteurs et d'actrices noirs à la peau claire et aux traits fins. Les séries actuelles ont tendance à rééquilibrer les choses en nous proposant des noirs, très noirs de peau et aux traits physiques qu'on n'avait pas l'habitude de voir il y a encore quelques années.

Au final, Sex Education est devenu le pays des bisounours sans homophobes, racistes, bagarreurs, racketteurs, etc. La série perd tout lien avec le monde réel. Ce n’est pas spoiler la saison 3 que dire que tout finit bien. Tous les problèmes et les conflits sont résolus. Les couples séparés se reforment. Les enfants renouent avec leurs parents. Maintenant, Adam écrit des poèmes.
De subversive, la serie sombre dans le grotesque. Je pense en particulier à cette scène où Éric avoue à Adam qu’il a embrassé un autre garçon quand il était au Nigeria. Adam est choqué !
On tombe dans un pathos ridicule et mal joué.

Mais comme il fallait un enjeu, on crée une proviseure crypto-fasciste (blanche cela va sans dire). Elle impose des sens de circulation dans les couloirs (???). On la verra même humilier publiquement 3 élèves en les obligeant à porter des pancartes sur lesquelles sont écrit leurs crimes. Cette scène qui emprunte à la Révolution Culturelle est traitée sur un mode dramatique, réaliste.
Mais qui peut croire une seconde qu’une telle scène puisse exister dans un lycée ? Que des lycéens l’accepteraient sans broncher alors qu’ils sont si sourcilleux du respect de leur différence ?

La 3ème saison était longue et chiante. Certainement parce qu’elle n’avait pas grand chose à raconter. Le dernier épisode n’en finissait pas. J’étais à deux doigts de mettre à la place un épisode d’Hélène et les garçons !

Succès oblige, il y aura certainement une saison 4.
Éric aura alors trente ans. Il serait peut-être temps qu’il quitte le lycée et cherche un boulot… avant d’être poursuivi pour détournement de mineur !

Je mets une note de 7, en souvenir de la première saison.