Découvert inopinément par l’intermédiaire de sa BO, dont l’un des morceaux est interprété par Meaningful Stone, ce petit drama diffusé sur Kakao TV (une chaîne coréenne de streaming en ligne) a de quoi déjà séduire par son format réduit (13 épisodes d’une durée de 20 mins) et son excellent rythme. Mais c’est surtout que Shadow Beauty propose une histoire à la fois alambiquée et traversée de thèmes intéressants. Légère sur la forme, la série révèle peu à peu une surprenante profondeur dans la manière dont les personnages sont amenés à interagir les uns avec les autres.
Gu Ae-sin est une lycéenne harcelée quotidiennement pour sa supposée laideur. Mais le soir, en rentrant chez elle, elle « devient » Genie, une influenceuse sur Instagram suivie par plusieurs centaines de milliers de personnes. Genie est en fait une personnalité entièrement fictive, qui prend vie grâce aux talents de graphiste de Ae-sin, laquelle photoshope habilement des photos d’elle-même grimée avec une perruque et du maquillage. La combine traduit en vérité le profond mal-être de la lycéenne, qui trouve une forme de réconfort dans cette sociabilité alternative. Elle lui permet en effet de discuter avec des inconnus qui l’apprécient et font preuve d’affection… toujours à travers le masque de sa beauté imaginaire. Mais éventuellement son secret va être su de quelqu’un, ce qui va entraîner Ae-sin dans un terrible engrenage de mensonges…
C’est durant cette première partie consacrée à la « défense » du secret de l’héroïne que la série est la plus savoureuse. On retrouve dans Shadow Beauty des caractères et une impression d’entourloupe permanente qui n’est pas sans rappeler l’excellent Extracurricular. La série partage d’ailleurs avec ce dernier quelques points communs. Les personnages en apparence caricaturaux ont en vérité chacun leur secret, leur fardeau. Il est presque surprenant de voir émerger successivement toutes ces nuances dans un drama adapté d’un webtoon. Certes, des situations sont parfois tirées par les cheveux, mais la série parvient dans l’ensemble à toujours retomber sur ses pattes pour nous encourager à voir la suite.
Le drama est bien réalisé (peu de coupures, ça fait du bien), bien qu’il manque un peu de caractère visuellement parlant. C’est du côté du jeu d’acteurs que le bât blesse. Certains rôles secondaires sont en réalité assumés par des idols, comme Lee Na-gyung du groupe de k-pop Fromis_9 ou Yang Hong-seok du groupe Pentagon. Cela n’empêche pas l’actrice de la protagoniste, Shim Dal-gi, de faire un excellent boulot et de rayonner de crédibilité dans le rôle de la lycéenne paumée et abusée de tous (ou presque) : une belle révélation pour ma part !
Même si les 4-5 derniers épisodes tombent un peu trop dans le makjang à mon goût, cela n’empêche pas Shadow Beauty de poser des questions intéressantes sur notre société du paraître ; aspect d’autant plus exacerbé dans la culture coréenne contemporaine, particulièrement chez les jeunes filles. L’obsession de la beauté, de la perfection du corps et du visage, la considération et l’estime de soi-même uniquement à travers le regard des autres, sont autant de problématiques que Shadow Beauty met en relief de façon originale, grâce à ce double regard de l’icône virtuelle adulée de tous la nuit et de la lycéenne moquée et rejetée pour son physique « disgracieux » le jour. Le harcèlement scolaire est également bien traité, avec plus de gravité que le ton général de la série ne l’aurait laissé croire. Enfin, il est aussi question du statut social et des barrières qu’il pose entre les individus, d’autant plus dans un pays aussi cloisonné socialement et mentalement que la Corée du Sud : là encore, les retournements de situation recèlent leur lot de surprises ; tempèrent les jugements un peu trop hâtifs sur tel ou tel personnage.
Shadow Beauty est en fin de compte un drama surprenant et rafraîchissant, aidé par son format « pop-corn » dont devraient peut-être s’inspirer d’autres producteurs, tant il convient bien pour raconter une histoire sans prise de tête et rythmée. Une petite pépite à découvrir, d’autant plus si vous appréciez les teenage dramas et autres récits de bobards qui tournent au vinaigre.