Juste après convoqué un serial killer lorsqu’ils ont la grosse flemme, les scénaristes adorent aussi envoyer leurs petits enquêteurs dans des patelins paumés. Ce doit être le second genre favori de l’écrivain en panne d’inspiration, avec ses variantes folkloriques, genre confrontation du flic urbain chez les pécores, l’accident en rase campagne qui oblige à remuer le fumier en attendant, etc.
Là, avec Sharp Object, c’est carrément l’éculé retour de la scribouillarde dans son bled natal.
Ca promet du vieux shérif désabusé, des repas dans un « diner » en formica et de l’ancienne copine qui est restée chez les bouseux alors qu’elle était la chef des majorettes, etc.
Et évidemment les lourds secrets d’enfances refoulés, les gros traumas de la mort.
Dans ce genre de bouquin, scénario, disserte de sixième, il n’existe aussi que trois sortes d’orientation professionnelle possible, flic, privé ou journaliste, car l’important étant d’avoir à faire une sorte d’enquête entre deux cuites qui auront pour dénouement de trouver ce qui a merdé dans son enfance. Le héro, forcement torturé par son passé, a sombré fatalement dans l’alcool car d’une part, c’est bien pratique pour gagner quelques chapitres, épisodes, avant de pointer du doigt le coupable, et d’autre part, ça te caractérise fastoche un personnage s’il se torche de la vodka tiède au petit déjeuner, c’est qu’il va pas trop fort, même le lecteur, auditeur, le moins attentif pourra le comprendre.
La petiote Amy Adams nous fait un bon coma éthylique dans sa bagnole dès le pilote, ce qui ne l’empêche pas du tout de se réveiller toute pimpante, aucun nœud dans sa luxuriante chevelure et en odorama, son haleine sentirait la douce brise d’un printemps fleuri.
Tous ces magnifiques poncifs sont ici filmés par le petit malin, Jean-Marc Vallée qui nous avait déjà gratifiés du discutable Big Little Lies. Je ne conteste pas sa haute technicité, juste un peu blasé par les tics de montages faciles, modèle clip pop, je t’inserts de l’images flash-back par paquet de douze qui doivent nous faire oublier la vacuité de l’ensemble.
En cinquante minutes, la fabuleuse scénariste Gillian Flynn (qui a déjà commis le mécaniquement froid « Gone Girl ») rajoute dans ce boulion tiède, maintes fois réchauffé, un bel enquêteur (forcement célibataire, forcement hétéro et ayant le même âge que l’héroïne comme par hasard), une maman pas très équilibrée (mais chez qui notre poche à vodka a la bonne idée d’aller loger, mais bien sûr), une frangine décédée avec sa chambre qui a été laissée en l’état et pour faire bonne mesure le fameux serial killer(1), etc.
Vivement prochains épisodes qu’on rencontre son ancien amour d’enfance, qu’on visite une ferme isolée où il s’est passé de drôles de trucs, son lycée, la vieille qui sait tout, mais ne dira rien avant le dernier épisode, etc.
Voilà,
(1) C'est pas que je veux que le show se mette à dégommer de la mouflette, mais techniquement pour avoir un serial killer (un quoi ? Un Serial Killller !), il faut trois meurtres, pas deux.