Bon, dans la série des petits enfers Baudelairien, je voudrais... LA MERE, LA FILLE, LE PERE, & L'AUTRE FILLE, MERCI
4 ans après "le phénomène", je me décide à voir ce "chef-d'oeuvre". Je sors du visionnage très mitigée et je regarde quelques vidéos "Sharp Objects Explained" et "Analyse de la série" pour voir si je ne suis pas passée à côté de quelque chose. Dans l'analyse que j'écoute, très bien réalisée, les commentateurs disent "C'est génial parce que c'est pas une série qu'on regarde comme un thriller : on ne regarde pas pour savoir qui a tué, mais qui sont les personnages et ce qu'ils vont faire". Et bien pour moi, c'est justement là que le bas blesse. D'un point de vue de l'ambiance, de la mise en scène du syndrome post-traumatique, de la dynamique familiale dysfonctionnelle, oui, c'est un succès. C'est bien opéré. C'est à la fois subtil et non censuré. Le regard sur les troubles du comportement est juste : sans complaisance, sans pathos exagéré. Le ton est bon et le sujet n'était pas facile.
Tous les personnages sont traités comme des individus complexes et intéressants (le patron qui veut la pousser à aller mieux, tantôt en étant autoritaire, tantôt paternaliste, tantôt bon copain... - le père dont on croit qu'il est un vrai paillasson mais qui s'avère extrêmement directif et dur par moment - la "bonne amie" qui oscille entre femme authentique appréciable et personnalité narcissique et toxique...). Bref, sur la psychologie, OK.
Mais l'enquête...
Mais la résolution.......................
Vous considérerez peut-être ça comme un spoiler mais :
20 minutes avant la fin, j'ai regardé ma montre en me disant "...Comment ils vont résoudre ce nid de vipères en 15 minutes ?! Comment ils vont faire ça de manière SATISFAISANTE ?!"
Eh bien pour moi, ils ne l'ont pas fait. La fin est bâclée. Se tartiner 7,99 épisodes de pure misère humaine avec ZERO réel indice, ZERO travail policier, etc. pour finir là-dessus... On ne comprend même pas comment tout arrive. D'un côté, je trouve très bien que la série ne se sente pas obligée de TOUT nous expliquer mais il y avait un juste milieu à trouver. Là on n'a RIEN. Les flics arrivent : pourquoi ? Ils font une perquisition : pourquoi ? sans mandat ? avec mandat ? Si avec, pour quel motif ? Où est le téléphone de la protagoniste à la fin ?
Comme il restait 20 minutes et que la série se termine quasiment en huis clos dans la maison, ça laissait peu de places à autre chose qu'un twist saugrenu. Voilà qu'on découvre que la mère, en plus d'empoisonner ses propres filles, prend plaisir à se balader en forêt pour étrangler et arracher les dents de ses protégées. Logique. Imparable. Merci la tenaille d'avoir tout révélé.
1. C'est débile. Pourquoi elle aurait en parallèle 2 modes opératoires aussi différents ? Elle souffre d'un syndrôme précis, avec une perversion très précise. C'est une empoisonneuse qui aime qu'on ait besoin d'elle sur le long terme. Pourquoi elle s'amuserait à faire ça ? A tuer aussi brutalement et rapidement ? Elle veut qu'on la plaigne et qu'on l'admire à la fois. Qu'est-ce qu'elle tirerait d'un meutre aussi gore ? Bref, une enquête bâclée de bout en bout. Non seulement, avec des conclusions hâtives mais en plus c'est incohérent par rapport au fil conducteur binaire des enquêteurs : les hommes blancs étaient considérés comme les suspects idéaux depuis le début ; ils auraient dû arrêter la mère pour le poison mais à minima interroger le père pour les fillettes édentées, puisque pour arracher des dents il faut énormément de force etc. Mais tout ça passe par la fenêtre parce que la dame donne de la mort aux rats à ses gamines.
2. En terme de réalisation, cette fin aurait pu être bien plus. J'aurais aimé voir des regards échangés entre Amma et sa mère, car c'est finalement son seul vrai acte d'amour : tomber pour ces meurtres-là à la place de sa fille. Si son attitude pendant son arrestation et son procès avaient été mis en lumière, la chute n'en aurait été que plus forte et ça aurait donné une autre dimension à son personnage. Une dimension sacrificielle, presque rédemptrice et en même temps malsaine : elle laisse un monstre dans la nature en prenant sur elle ses fautes. Là cette dimension, cette réalité, sont effacées. Et je trouve ça extrêmement dommage.
3. Pour finir, la résolution... On nous raconte donc qu'une jeune fille de 14-16 ans (je crois) a étranglé une fille de son âge dans la forêt, a arraché ses dents, l'a transportée sans être vue sur des kilomètres, puis a mis en scène son cadavre de 40-55kg sur le rebord d'une fenêtre en plein centre ville, sans être vue. OK. Mais en fait, non. C'est poétique comme histoire, mais non. Désolée.
Bref, c'est remarquable d'un point de vue esthétique mais ça n'aboutit clairement à rien. Et puis c'est d'une tristesse... J'espère que peu de gens endurent vraiment ce genre de vies. La série montre très bien que malheureusement, le trauma appelle le trauma, que quand on est sur un chemin sombre, on a plus de chance de croiser d'autres personnes elles aussi sombres qui nous blesseront d'une manière ou d'une autre... Que c'est un cycle infernal, très difficile à rompre. Et encore une fois, là-dessus, l'exercice était réussi et crédible. C'est vraiment l'enquête qui est foirée (mais ça pour moi, ça vient principalement du livre - que je n'ai pas lu)
Créée
le 19 juil. 2022
Critique lue 21 fois
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