Elémentaire mes chers lecteurs
Et si Sherlock Holmes vivait parmi nous, en 2010 ? Une question que seuls des anglais pouvait se poser... et à laquelle seuls des anglais peuvent répondre tant l'idée semble aussi folle.
Pari casse-gueule donc mais pari pleinement gagné puisque le principal est assuré : le personnage de Sherlock Holmes n'est pas dénaturé, il est même parfaitement en accord avec l'individu excentrique, asocial, misogyne et génial décrit dans les livres de Conan Doyle. Tous les traits de caractère sont respectés et bénéficient d'une mise-à-jour bien sentie (comme tous les éléments de l'univers d'ailleurs). Ainsi si Sherlock est accro aux patchs de nicotine (jusqu'à 3 sur le même bras !) c'est pour rappeler son addiction à toutes formes de tabac existantes. S'il ne consomme plus d'Absinthe on fait référence à des substances illicites qu'il consommerait. Si notre détective est accro aux smartphones c'est parce que communiquer en SMS lui permet de rester à distance et qu'il peut y trouver toutes les informations qu'il veut en un rien de temps, Watson n'est plus vraiment son biographe mais un il écrit un blog sur les enquêtes, il est toujours vétéran de l'Afghanistan mais évidemment du conflit contemporain, etc....
Seule la partie athlétique et martiale du personnage est en retrait pour le moment même si elle est utilisée furtivement au détour d'une séquence.
On notera aussi quelques apports qui donnent encore un peu de sel à ces actualisations comme le running gag sur l'homosexualité du couple Holmes/Watson.
Mais il reste avant tout un personnage à l'intelligence exceptionnel, aux facultés de déductions incroyables et au sens de l'observation aiguisé. En clair il ne résout pas les enquêtes avec des spectromètres ou des logiciels improbables mais toujours grâce à son intelligence (largement) supérieure. Dans la peau du détective on a Benedict Cumberbatch qui est simplement parfait, avec son air hautain et son interprétation froide il restitue à merveille le personnage et contribue grandement au pouvoir d'attraction du show.
A ses côtés Martin Freeman campe un Watson tout à fait juste, relais parfait du spectateur dans l'histoire, partagé entre fascination et incompréhension vis à vis de Holmes.
Le tableau ne serait pas complet sans Moriarty, némésis du détective, qui est, lui aussi, parfaitement restitué dans la série. Son intelligence, sa cruauté, son omniprésence et son omnipotence. Le duel à distance qui se dessine entre les deux supers cerveaux est lui aussi parfaitement réjouissant.
Sherlock ce n'est pas qu'un casting impeccable, des personnages fouillés et un matériau de base parfaitement assimilé, c'est aussi une mise en scène et la série se révèle très inventive avec un montage nerveux et tout un tas d'idée qui s'enchaînent pour retranscrire visuellement les processus mentaux qu'élaborent Holmes. On y trouvera par exemple les SMS qui s'affichent à l'écran ou des séries de superpositions d'images à priori chaotique.
BBC oblige la série possède un ton très anglais qui, évidemment, colle parfaitement à Sherlock Holmes puisqu'on y oscille entre tension dramatique et humour noir mais jamais glauque. Il est bon de noter que la musique est elle aussi très réussie.
Après cette avalanche de compliments on finit par se demander si Sherlock a des défauts ? Malheureusement, elle en a. Un défaut assez curieux d'ailleurs mais qui n'est pas imputable à la nature même du projet.
Sherlock c'est une première saison de 3 épisodes (de 90 minutes chacun) et le soucis vient du fait que le second épisode est... raté, tout simplement. Rythme mal géré, histoire un peu plate et rebondissements moins inspirés. Cet épisode n'est pas honteux (bien des shows aimeraient arriver à ce niveau) et toutes les séries connaissent des coups de mou mais lorsque le coup de mou représente un tiers de la production, forcément, ça fait un peu mal.
Néanmoins il faut bien avoir à l'esprit que le pilote est vraiment excellent et que le 3ème est une véritable perle, c'est l'épisode le plus dense, le plus fou. L'épisode qui transcende toutes les qualités de l'oeuvre. Un tel niveau de qualité se révèle d'ailleurs passablement frustrant lorsque tombe le générique final. Série moderne s'il en est, Sherlock nous sort le gros cliffhanger aussi rageant qu'excitant.
Malgré un second épisode boiteux Sherlock a tout d'une grande série. La saison 2 a continué dans la droite lignée de la première avec des épisodes toujours aussi bien écrit, des acteurs toujours au top. On sera ravi devant la transposition parfaite du personnage d'Irène Adler et de sa curieuse relation avec Holmes. Si la relecture du Chien des Baskerville souffre de quelques soucis de rythme elle témoigne d'un soucis de modernisation bien vu. L'épisode final enfin est à nouveau parfaitement bien réglé. Affinant encore sa recette cette seconde saison de Sherlock gomme les errements de la première saison et nous offre 3 épisodes de grande tenue, à faire pâlir de honte beaucoup d'autres adaptations du détective. Amateurs de bonnes séries, amateurs de séries qui dépoussièrent certains codes vous avez là une oeuvre de choix pour jeter votre dévolu.