Quand les fantômes sont moins flippants que les décors et que les couloirs semblent ne jamais finir

Shining : Les Couloirs de la peur, diffusé en 1997 sur ABC, est l’adaptation télévisée qui reprend l’intrigue du roman de Stephen King en version plus fidèle… mais un peu moins terrifiante. Ici, on retrouve l’histoire de Jack Torrance, un écrivain en mal d’inspiration et papa un brin instable, qui emmène sa famille passer l’hiver dans l’Overlook Hotel, un endroit aussi accueillant qu’un frigo vide. On est là pour ressentir l’angoisse, mais la peur semble, elle aussi, s’être perdue dans les couloirs sans fin de cet hôtel aux fantômes légèrement moins percutants.


Là où le film de Kubrick jouait sur l’ambiguïté et l’atmosphère étouffante, cette version prend le parti de nous montrer un peu tout, avec un Jack Torrance beaucoup plus verbeux et expressif. Steven Weber, qui interprète Jack, passe en mode "grand jeu d’acteur" : entre les regards fous, les cris de colère et les monologues inquiétants, il livre une performance bien appuyée, mais sans l’intensité glaciale de Jack Nicholson. Ici, Jack est un homme en proie à des conflits intérieurs évidents, mais peut-être un peu trop explicites, comme si le mystère de sa folie était résumé à "je suis méchant parce que j’ai des ennuis".


Quant à l’ambiance de l’hôtel, elle se veut inquiétante, mais les effets spéciaux et les apparitions fantomatiques rappellent davantage les fantômes d’un parc d’attractions que ceux d’un lieu vraiment hanté. Les couloirs de l’Overlook sont longs, très longs, mais on peine à sentir l’oppression ; c’est comme si l’hôtel était inquiet pour ses invités, allant jusqu’à éclairer chaque recoin avec soin, par peur qu’on rate le moindre détail de son architecture kitsch. Les apparitions, bien que nombreuses, manquent d’impact : elles se montrent clairement, parfois en costume d’époque ou avec un maquillage un peu trop voyant, ce qui atténue l’effet de terreur.


La série mise sur une fidélité au roman, notamment avec le personnage de Danny, le jeune fils aux pouvoirs psychiques, qui semble un peu plus actif que dans le film. Danny joue un rôle central, naviguant entre les visions et les avertissements cryptiques, mais les effets pour représenter ses visions paraissent un peu datés, comme si le réalisateur voulait insister, mais que le budget lui disait "doucement, hein". Le fameux "Redrum" est bien là, mais son impact psychologique est affaibli par des mises en scène plus sages, moins immersives. Le pouvoir de "shining" de Danny est omniprésent, mais il est parfois illustré de manière si explicite que le mystère s’évapore un peu.


L’ensemble de la mini-série cherche à expliquer les ressorts psychologiques des personnages, et même des fantômes, ce qui retire une part de mystère et de terreur. Ce sur-décorticage du surnaturel peut donner l’impression de suivre une sorte de "guide explicatif des esprits", plus scolaire qu’effrayant. L’ambiance est lourde, certes, mais elle manque souvent de cette touche d’étrangeté ou de silence angoissant qui rendrait vraiment le tout terrifiant. En d’autres termes, Shining : Les Couloirs de la peur tente de nous faire peur en expliquant trop, là où le silence aurait été plus efficace.


En fin de compte, cette adaptation est idéale pour les fans du roman de Stephen King qui veulent voir une version fidèle mais légèrement édulcorée, avec des fantômes trop visibles et un Jack Torrance qui ne cache rien de sa folie. Pour ceux qui cherchent l’effroi à l’état pur et le sentiment oppressant d’un hôtel qui semble respirer, cette mini-série pourrait manquer de mordant. Bref, une adaptation qui veut faire frissonner, mais qui, entre couloirs interminables et effets un peu kitsch, peine à vraiment nous perdre dans les méandres de la peur.

CinephageAiguise
6

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le 13 nov. 2024

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