K K continue à scruter le japonais aliéné en milieu urbain, pantin sage enclos dans des intérieurs blafards, mort-vivant possédé par les fantômes.
Je n'aurais jamais réussi à regarder un épisode par semaine. Si j'étais allé voir les trois premiers segments au cinéma, je ne serais jamais retourné voir la suite, car le film devient plus intriguant à mesure qu'il avance. L'étude des femmes cas par cas est laborieuse, les situations peu réalistes, et le film aurait profité d'une durée diminuée de moitié.
Grâces soient rendues à la lecture rapide.
N'ayant trouvé aucune critique approfondie de ce film, je me suis lancé dans une plate analyse, inélégante et schématique, de sa signification. Pour votre plaisir.
Spoilers ahead.
(ah, et shokuzai signifie pénitence)
La fabrique de la culpabilité
Les émotions négatives existent. Elles affectent la santé de l'individu, le réduisent, le fragilisent. Elles ont pour finalité paradoxale sa mort.
Les sentiments, comme les émotions, sont sociaux : mais leur mise en forme, leurs cadres d'expression, et ce qui les provoque, varie selon les cultures.
La culpabilité est élaborée sur la base du sentiment de honte. La honte est plus "pure", car la culpabilité est articulée à des notions de morale et de droit. Mais autant sinon plus que les autres émotions, la honte est un lien social. Elle est soumission à une oppression morale (au sens de "harcèlement moral"), intériorisation d'un jugement dépréciatif, auto dénigrement.
Il résulte probablement de ce rapport de soumission que la honte est plus souvent ressentie par les victimes que par leurs tortionnaires. Mais ces tortionnaires peuvent manipuler leurs victimes au point de leur faire croire que cette honte est justifiée, et leur transférer LEUR culpabilité.
Dans ce film, une femme fait d'un groupe d'enfants ses victimes, en leur infligeant un sentiment de honte qu'elle leur fait prendre pour un sentiment de culpabilité.
Certaines cultures favorisent ce genre de manipulation. Selon le même principe paradoxal, elles opèrent un lavage de cerveau de masse, qui impose un fort sentiment de responsabilité à leurs membres.
Ce sentiment est bon et mauvais. Il peut rendre peu disposé à nuire volontairement au bien commun et à autrui, et stimuler les luttes en vue de l'amélioration de la condition humaine et animale (oui, je pense notamment aux Allemands).
Et il conduit au sacrifice. L'individu s'annihile au service de la famille et de la patrie.
Ce qui peut nuire à autrui aussi.
Dans l'impossiblité de répondre directement à la violence retorse des sociétés "civilisées", les comportements d'automutilation restent presque l'apanage des femmes. Scarifications, anorexie...Il semble qu'elles continuent à mieux intégrer les injonctions autodestructrices de leur culture, et répondent à la violence subie par la violence auto-infligée.
Heureusement, toutes les femmes ne sont pas de bons petits soldats.
Dans ce film, trois des quatre fillettes auxquelles est infligée l'injonction de payer pour la mort de leur amie (dans laquelle elles n'ont aucune responsabilité), vont s'y soumettre et y gâcher leur vie. Autour d'elles, le reste du monde est animé par des intérêts égoistes qui se manifestent par une malveillante duplicité. Laquelle présente un exutoire alternatif et stratégique à l'automutilation, les sports extrêmes ou le vandalisme (pour les garçons).
life is hell (copyright Matt Groening)
Faute de connaître le coupable, la mère de l'enfant assassinée se venge sur les amies de la fillette. Leur amnésie collective, alors qu'elles ont parlé au tueur juste avant son crime, peut certes provoquer les soupçons. Mais comme le rôle de victime de la mère, c'est une fausse piste. Le spectateur est pris dans l'entrelacs de manipulations. Si les enfants ont oublié le visage du coupable, c'est parce qu'elles sont les jouets d'une vengeance d'outre-tombe. Le criminel lui-même, poussé par la jalousie et le besoin de vengeance, est une marionnette. Ils sont tous enfermés dans une inévitable spirale de vengeances, s'agitant de génération en génération dans les cercles de l'enfer, la mort n'apportant même pas la paix aux victimes qui perdurent comme fantômes et rancune désincarnée.
Si les individus sont manipulés par des spectres, et ne peuvent pas échapper à un cycle karmique transgénérationnel, la notion de responsabilité a-t-elle un sens ? Le simple fait d'être vivant condamne à souffrir et à faire souffrir.
La quatrième fille, dont l'absence de scrupules et l'état de future mère reproduisent le schéma de la mère éplorée (qui, dans la limite de nos connaissances, a ouvert la ronde), ressent les réactions de son enfant à naître alors qu'elle commet des injustices et des crimes. Peine perdue, foetus! Comme la mère, elle "vole" l'homme de sa soeur/son amie, et s'expose à une vengeance d'un mort.
Le spectacle du bonheur d'une personne proche les ont enfermées dans une jalousie destructrice. Mais leurs calculs égoistes font leur malheur via celui d'autrui.
Morale : l'amour provoque l'envie et la souffrance.
Il semble qu'un seul personnage trouve le bonheur, dans l'annihilation d'une mort juste, dans le 2e segment (celui qui enchaîne les situations les moins réalistes). Le don de soi jusqu'à la mort, voilà qui sonne par trop catholique.
Les autres sont enfermés dans la ronde de la haine et du malheur.