C'est celui qui le dit qui y est!
Pour bien appréhender Shokuzai, il vaut mieux connaître un peu le bonhomme qui est derrière la caméra, Kyoshi Kurosawa. Ce-dernier était déjà l'auteur de Kaïro, surement l'une des pellicules les plus terrifiantes du cinéma nippon, avec une histoire de fantôme qui hante encore les mémoires des années plus tard. Mais ce qui fait la patte Kyoshi Kurosawa, c'est qu'il parvient à donner sa vision de la société japonaise contemporaine, une société dont les individus vivent, se côtoient, se croisent, mais ne tissent pas de véritables liens entre eux. Et on retrouve le même procédé dans Shokuzai.
Un groupe de jeunes filles assiste à l'enlèvement d'Emiri, une des leurs qui est retrouvée assassiné quelques minutes plus tard. Elles sont marquées par l'événement et ne parviennent pas à dresser un portrait du suspect aux policiers chargés de l'enquête. La mère d'Emiri ne l'accepte pas et leur fait jurer la pénitence tant que l'assassin ne sera pas retrouvé. Ce drame originel va définir la vie de tous ses protagonistes car l'intrigue se situe 15 ans plus tard, quand les petites filles deviennent de jeunes adultes, dans leurs premières années dans la vie active, mais dont le trauma reste profondément ancré en elles. A travers ses personnages, Kurosawa dresse un portrait glaçant d'une société déshumanisée et désincarnée. Son travail de l'image sur le cadrage, la gestion du hors-champs, le timing du montage, sur les intérieurs des logements immaculés, à la propreté clinique, et aux relations humaines tout simplement absentes. La gestion des ombres est particulièrement ingénieuse, on a souvent l'impression qu'elles prennent plus d'importance que les êtres de chair, comme s'ils étaient sans vie, absent, et que leurs ombres avaient pris le dessus sur leur enveloppe corporelle. Comme un air de déjà vu avec Kaïro.
Au fur et à mesure des épisodes, on découvre que derrière chaque drame, il y en a encore pire en-dessous, remontant les différents drames dans le temps, jusqu'à découvrir le péché originel. Et c'est à ce moment que le titre Shokuzai qui veut dire pénitence en japonais prend tout son sens, avec une ironie certaine : ce chemin de croix de 15 ans est la pénitence de celle qui la réclamait aux autres. Un final tétanisant qui conclue sur un ton nihiliste un péché finalement assez banal.
Une certaine forme de la déliquescence d'une société à la dérive.