It's a lonely fight
Yonkers, petite ville de l'état de New York. Fin des années 80. La salle du conseil municipal semble être le lieu d'une véritable guerre de tranchée. D'un côté, une population en état de...
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le 17 nov. 2015
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Il y a parfois des œuvres qui s’imposent instantanément, qui révèlent une telle richesse, pertinence, virtuosité, qu’on en sort changé.
Nouvelle création de David Simon, intégralement mise en scène par Paul Haggis, Show me a hero, inspirée de faits réels, est une série hors norme, six épisodes ou trois blocs de deux heures d’une densité incroyable, ancrée dans la ville de Yonkers, Etat de New York, s’intéressant à la politique municipale lors de la création d’habitations à loyer modéré à la fin des années 80.
La série fait surtout le portrait d’un homme (Nick Wasicsko, interprété par l’excellent Oscar Isaac) et de quatre femmes. Sept années mouvementées du futur maire élu puis bientôt sortant avant qu’il ne devienne simple conseiller et sombre dans la frustration et l’oubli. Ainsi donc que celui de plusieurs familles pauvres des cités environnantes, qui vont pour certain avoir accès à des murs neufs dans des quartiers plus sécurisés ; Ainsi qu’une femme de classe aisée vivant dans ces mêmes quartiers qui vit deux batailles soit d’abord contre cette construction future qui, comme beaucoup de ces voisins, y voit une chute de leur niveau de vie, montée de violence et baisse de leur bien immobilier avant qu’elle ne plonge corps et âme dans le partage et la compréhension d’une chance offerte aux plus démunis. Pour ce personnage (interprété par la géniale Catherine Keener) la série vaut déjà largement qu’on s’y penche.
Manifestations diverses, assemblée de vote, conseils municipaux et rencontres politiques en tout genre, la série s’engouffre dans un matériau riche, fouillé, passionnant et fourmille d’idées et possibilités sans jamais tomber dans le démonstratif. C’est un The Wire plus ramassé, plus intime (au sens où s’il met en scène de nombreux personnages, il se penche minutieusement sur peu d’entre eux) mais tout aussi riche et passionnant dans ce qu’il aborde de l’échec du système politique et social américain, des inégalités qu’il engendre, les tensions qu’il nourrit, la peur qu’il installe. Le format et l’amplitude du récit convoque pêle-mêle les Carlos, Mildred Pierce, JFK, Erin Brockovich. Rien que ça.
Fort d’être un édifiant portrait d’une période américaine, puisque c’est aussi l’adaptation du livre de Lisa Belkin, Show me a hero impressionne surtout dans sa confrontation avec les problématiques modernes. Il y a en effet beaucoup d’aujourd’hui dans ce conte d’hier. Beaucoup de chez nous dans cette histoire outre-Atlantique. Ne serait-ce que dans cette affaire de création de logements. Aparté personnel : Il se trouve que notre immeuble affronte aussi cette réforme, puisque beaucoup de gens distribuent des tracts, frappent aux portes, affichent leur mécontentements sur des banderoles, pour ne pas que l’on construise un « foyer » sur le terrain vague d’en face. Je pense que la série m’a beaucoup parlé aussi pour ça : sa façon d’évoquer frontalement cet embourgeoisement urbain, la haine du pauvre, le racisme ou tout simplement ce refus de l’autre sous prétexte qu’il ferait baisser la valeur de nos biens. Hier et Aujourd’hui, ici et là-bas, même combat.
Ces six heures brassent surtout énormément de l’absurdité politique en nous conviant à suivre le personnage de Nick, petit arriviste et fier d’arborer le blason de plus jeune maire des Etats-unis, qui coiffe d’abord le maire sortant en s’opposant à la mise en place des « Projects » avant qu’il ne soit plus tard dans l’obligation, pour s’en sortir et pour ne pas se faire démolir par la législation, de les défendre voire de s’allier à d’anciens adversaires ou de se présenter contre son propre parti.
Il y a bien entendu des choses qui auraient pu être condensées, d’autres moins explicitées. Mais bon, me lançant dans un récit de politique du logement, j’avais quelques craintes. Surtout lors d’un premier épisode assez ingrat (autant que pouvait l’être le premier de The Wire) dans sa peinture foisonnante et excessive. Puis plus aucun doute après la première heure. Ça pouvait durer deux fois plus longtemps, j’y étais installé, bien. C’est tellement fort, tellement dense et précis, hyper ancré géographiquement, avec un cast ahurissant, des instants de grâce, des personnages fascinants, une sensibilité inouïe que toutes les réserves s’amenuisent jusqu’à disparaitre. D’autant que la série n’hésite pas à user d’ellipses ni à simplifier la moindre situation avec un œil avisé, lucide sur la reconstitution historique et une mélancolie quasi permanente renforcée par de très beaux choix musicaux – Bruce Springsteen, essentiellement.
Précision, qui n’est pas non plus le scoop de l’année : J’ai beaucoup pleuré. Sérieusement j’ai fini dans un état indescriptible. Et puis c’est la première fois qu’Oscar Isaac me fait une aussi forte impression. Et puis il y a Carla Quevedo, aussi. Surtout. Ravi aussi de revoir Alfred Molina, qui campe avec brio une ordure modéré, politicard en pantoufle. Ravi de retrouver Clarke Peters, qui jouait Lester Freamon dans The Wire. Et puis parce que David Simon, évidemment. Showrunner de première classe.
Bref, il faut s’y ruer illico. C’est un monument. Un manifeste politique et fin observateur des rapports sociaux en milieu urbain, sur la question de la mixité sociale. Humain malgré la violence qu’il charrie qui n’est autre que celle du réel. Six heures pleines, lucides, cruelles, bouleversantes.
Créée
le 4 févr. 2016
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7 j'aime
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