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Saison 1 :Dix mille personnes vivant dans un silo vertical de 144 étages, enterré dans le sol et coupé du monde – présenté par les autorités gérant le silo comme toxique, mortel -, dix mille...
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le 5 juil. 2023
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Saison 1 :
Dix mille personnes vivant dans un silo vertical de 144 étages, enterré dans le sol et coupé du monde – présenté par les autorités gérant le silo comme toxique, mortel -, dix mille personnes qui n’ont aucun souvenir, aucune idée même de ce que la vie était avant, à l’extérieur : tout ce qui pourrait faire office de mémoire a été détruit lors d’une révolte écrasée dans le sang, et la loi est régie par un texte quasi religieux, qu’il est interdit de remettre en cause, « le Pacte ». Rompre le Pacte, défier les règles, c’est s’exposer à être expulsé, et donc condamné à une mort inévitable, rapide. Un jour, l’épouse du « shérif » (le patron de la police du silo) déclare vouloir quitter le silo, une demande qui la condamne immédiatement à l’exil pour « nettoyer » la vitre – et les capteurs – qui permet de voir le monde extérieur. Et la condamne donc à mort. Accablé par le chagrin, mais soupçonnant que la réalité n’est pas telle qu’on la décrit, le shérif mène l’enquête…
Ce résumé du sujet de la dystopie postapocalyptique Silo, adaptation de Wool (soit « la laine »), un roman en cinq parties de l’écrivain US de Science-fiction Hugh Howey, n’est que le point de départ des dix épisodes de la première saison d’une nouvelle série « de prestige » Apple TV+ (la seconde saison est déjà validée, grâce au succès rencontré par ces dix épisodes). Car, très vite – pas de spoilers ici – les protagonistes changent. Ce démarrage audacieux, ce basculement initial déconcertera sans doute les téléspectateurs peu habitués à de la SF ambitieuse. De la même manière, la minutie des recherches menées par Juliette Nichols (Rebecca Ferguson, excellente comme toujours, dans un rôle plus complexe qu’il ne semble), justifie la longueur de la saison, mais pourra sembler excessive à ceux qui préfèrent l’action à la réflexion.
C’est que Graham Yost, le show runner, a compris qu’’il était indispensable que le téléspectateur s’imprègne de la « culture » du silo, ou plutôt de son absence, – par exemple de l’ignorance totale des habitants vis-à-vis de choses qui nous semblent « naturelles », comme les étoiles, la mer… – pour pouvoir appréhender la difficulté de se libérer d’un gouvernement totalitaire qui a plongé la population dans l’ignorance complète de son passé. De la même manière, des technologies qui nous paraissent évidentes, comme le fait de filmer ou d’enregistrer, n’existent pas dans le Silo, ce qui crée une béance dans la société permettant un contrôle absolu de la part d’un Département de la Justice tout-puissant.
A l’image de nombreux chefs d’œuvre de la grande SF des années 70, Silo est avant tout une réflexion politique et sociale sur les mécanismes du totalitarisme, s’appuyant sur une annihilation de toute culture et de toute mémoire historique : réduite à de simples mécanismes de survie, l’humanité s’enfonce dans une médiocrité docile qui sert les desseins de ceux qui la contrôlent. L’une des grandes réussites de la série TV (qui devait être au départ un film de Ridley Scott, projet abandonné lors de la reprise de la 20th Century Fox par Disney !) est le réalisme de ce monde enterré, avec une esthétique mélangeant les codes du steampunk avec ceux d’une architecture orwello-soviétique : cet univers est profondément claustrophobique, sombre et déprimant (attention, Silo est tout sauf une série réjouissante, elle peut même s’avérer accablante…).
La mise en scène est au diapason, prenant son temps pour nous faire ressentir profondément le trouble profond de ses personnages : on regrette un moment que le Norvégien Morten Tyldum (Headhunters, Imitation Game, Passengers, Défendre Jacob) n’ait pas réalisé la totalité de la saison, tant ce qu’il fait au troisième épisode (Machine), peut-être le meilleur de tous, est remarquable, mais la conclusion de cette saison 1 est superbe de toute manière.
Silo est certes une série plus exigeante que la moyenne des « produits » SF qui encombrent désormais aussi bien les plateformes de streaming que les écrans de nos cinémas, mais c’est une belle réussite, bénéficiant en plus d’une conclusion remarquable, qui donne très envie de voir la suite. Un an à attendre, et pour une fois, c’est malheureux !
[Critique écrite en 2023]
https://www.benzinemag.net/2023/07/05/apple-tv-silo-les-mecanismes-du-totalitarisme/
La première saison de la série Apple TV+, Silo, a été un beau succès critique et apparemment même – ce qui n’est pas si fréquent chez Apple TV+ – commercial. Au point que la poursuite de la série a été, fait exceptionnel, confirmée pour un total de 4 saisons. On peut donc tranquillement réfléchir à la manière dont Graham Yost, le show runner, va déployer son adaptation d’une trilogie régulièrement qualifiée de « culte » (quoi que ce soit que ce terme galvaudé signifie de nos jours) de la littérature de Science-fiction, Wool, Silo – Origins et Silo – Generations, de l’écrivain US Hugh Howey. La première saison couvrait environ la moitié de Wool, et la seconde nous amène plus ou moins à la fin, avec quand même des modifications notables de l’intrigue, comme par exemple la création de personnages tels que Salvador Quinn ou Meadows, capitaux dans le scénario de la série, qui n’existent pas dans les livres ! Plus important, cette seconde saison dévoile, à la fin de son dernier épisode, Into The Fire, que la suite consistera en un retour en arrière, qui devrait nous permettre de comprendre le contexte de la construction des « silos » (donc, logiquement, être une adaptation de Silo – Origins).
Bien reçue en général par la critique, aussi bien aux USA que chez nous, cette seconde saison est pourtant, à notre humble avis, moins attrayante que la première… Même s’il est vrai que, comme le défendent ceux qui l’aiment sans retenue, elle réussit à ouvrir le monde « fermé » de la première saison sur de nouvelles perspectives, et à augmenter significativement la complexité de l’univers futuriste ou dystopique qui nous est présenté…
La saison 2 de Silo démarre donc de manière quelque peu chaotique, ou tout au moins frustrante : s’il est logique que nous allions et venions entre les deux silos que nous connaissons désormais, cette alternance entre les efforts de Juliette (Rebecca Ferguson, convaincante de bout en bout), prisonnière dans le silo 17 en compagnie d’un bien étrange individu (Steve Zahn, rarement dans la subtilité dans les scènes qui lui sont consacrées), pour retourner « chez elle », et ceux de la population ouvrière du silo 18 pour renverser de manière violente la tyrannie du maire (Tim Robbins, formidable d’ambigüité, tour à tour haïssable et bouleversant) et pouvoir « sortir » du silo comme Juliette, s’avèrent contre-productifs du point de vue tension. A mi-course de la saison, il y a des moments où l’on a le sentiment que, des deux « côtés » de la double histoire qu’elle raconte, on piétine : comme si, et c’est désormais fréquent dans la majorité des séries TV, les scénaristes s’ingéniaient à « tirer à la ligne », à rajouter du contenu inutile. En sachant que l’intégralité de la trilogie devrait être couverte dans les 4 saisons, il y a bien ici 3 ou 4 épisodes dont on aurait pu se passer.
A la fin de la saison 2, le téléspectateur a indéniablement progressé dans sa compréhension de cet univers étrange des silos, mais sa satisfaction est limitée par le fait que de nombreuses nouvelles énigmes sont venues remplacer les anciennes : comment fonctionne le dernier recours ? Quelle est la cause de la mort à l’extérieur de la population du silo 17 ? Et surtout, qui est « l’algorithme » et quel est son but ? On imagine qu’on en saura plus l’année prochaine.
Concluons quand même sur un point qui nous semble capital : la première saison racontait de manière finalement assez traditionnelle comment les mensonges d’un pouvoir totalitaire, basés sur la crainte d’un danger « extérieur », servent à maintenir un peuple dans la docilité ; la seconde saison diverge radicalement par rapport à cette narration "orwellienne", et adopte au contraire un commentaire beaucoup plus contemporain, en illustrant la façon dont des idées réellement dangereuses (complotistes...) se diffusent au sein d'une population et ravagent la société. Ce n'est pas rien.
[Critique écrite en 2025]
https://www.benzinemag.net/2025/01/28/apple-tv-silo-saison-2-le-ventre-mou-de-la-serie/
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le 5 juil. 2023
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il y a 6 jours
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