Le chat fait «maaou». Un double a pour l'accent un peu traînant, presque blasé. Le chaton, lui, dit «miu, miu». Sa voix plus aigue exprime l'innocence et l'impatience de sa jeunesse. «Maaou» : j'ai faim. «Miu, miu» : moi aussi, moi aussi !
La retranscription de ces onomatopées est le fruit d'une réflexion particulièrement intensive. Il s'agit d'un enjeu de toute première importance pour présenter les protagonistes de Simon's Cat, cette série d'animation en noir et blanc qui cartonne sur YouTube depuis 2008, et dont les miaulements, bruités par un humain, sont un ressort comique essentiel. Les films sont tous calibrés sur le même modèle ultra-efficace : entre 40 secondes et 3 minutes, ils mettent en scène les palpitantes aventures de la vie féline, entre grandes découvertes — une boîte en carton, une mouche, la neige — et petits tracas — cette gamelle désespérément vide.
L'anglais Simon Tofield, créateur de la série, dit s'inspirer de la vie réelle autant que possible. C'est d'ailleurs ainsi qu'est née l'idée de Simon's Cat. Harcelé par son chat alors qu'il tardait à se lever, un matin, Tofield, formé à l'animation traditionnelle, a choisi de redessiner la scène pour faire ses premiers pas sur ordinateur, avec le logiciel Flash. Le petit film de test est récupéré par un studio partenaire. Et fait tomber leurs serveurs informatiques sous le poids des 35 000 visites qui accueillent sa mise en ligne.
Simon Tofield prend alors la sage décision de créer d'autres épisodes («ne serait-ce que pour mettre mon nom à la fin de la vidéo, car personne ne savait qui j'étais !»). Les derniers en date introduisent un nouveau personnage, un chaton-trop-mignon excité et insolent, prétexte à d'hilarants échanges entre les deux fauves. Toutes les anecdotes ou presque sont véridiques.
«Miu, miu» et «Maaou» sont deux des quatre chats de Tofield. «Le personnage de Simon's Cat est basé sur mon chat Hugh, mais il n'a pas de nom à l'écran car beaucoup d'internautes aiment penser qu'il s'agit de leur propre chat.» Difficile en effet de ne pas reconnaître sa propre boule de poils dans ce chat de pixels, tant sa gestuelle et son caractère semblent universels. Le petit trémoussement du derrière avant de sauter sur une chaise, le roucoulement inquisiteur pour attirer l'attention de son maître, le délicieux écartement des coussinets quand le chat «patoune» un coussin... Tous ces mouvements caractéristiques, finement observés et reproduit par Simon Tofield, font de Simon's Cat «une sorte de chat générique». «L'animation permet cette appropriation. Si vous avez un chat qui s'appelle Tiger, alors Simon's Cat devient Tiger, et vous craquez encore plus !»
Mon chat à moi s'appelle Samouraï, et je suis effectivement persuadée que Tofield a pompé toutes ses idées sur ses frasques quotidiennes !