Six pieds sous terre (Six Feet Under), c’est un peu comme si tu avais pris une famille typique et que tu l’avais plongée dans un bain de formaldehyde, avec une pincée de mélancolie et un soupçon d’humour noir. Bienvenue chez les Fisher, une famille qui gère une entreprise de pompes funèbres à Los Angeles, où la mort n’est pas seulement un boulot, mais une présence quasi-omnisciente qui plane au-dessus de chaque conversation familiale, chaque dîner, et chaque dispute. Ici, la mort n’est jamais bien loin… mais au lieu de plonger dans le drame larmoyant, la série te fait naviguer entre la comédie grinçante et la réflexion existentielle profonde. Autant dire que les Fisher ne sont pas exactement la famille avec qui tu passes des dimanches tranquilles autour d’un barbecue.
Dès le premier épisode, tu comprends que Six pieds sous terre ne joue pas selon les règles habituelles des séries familiales. Nathaniel Fisher, le père de la famille, meurt dans un accident de voiture (on te l’a dit, ici la mort ne prend pas de congé), laissant à ses deux fils, Nate et David, le soin de reprendre l’entreprise familiale. Nate (Peter Krause), le fils prodigue qui avait fui cet univers morbide pour une vie plus libre à Seattle, est contraint de revenir et de replonger dans l’horreur quotidienne des cadavres et des cercueils. David (Michael C. Hall), le fils introverti et coincé, est déjà dans le métier mais lutte contre ses propres démons, notamment sa sexualité qu’il cache à sa famille. Tu vois le tableau ? La série te prend à la gorge dès le début, mais avec un sourire en coin.
Et puis il y a Brenda (Rachel Griffiths), la partenaire un peu borderline de Nate, dont la famille est aussi dysfonctionnelle que les Fisher (peut-être même pire), et Ruth (Frances Conroy), la matriarche un peu perdue, qui passe sa vie à essayer de garder tout le monde à flot, même si elle-même tangue dangereusement. Ajoute à cela Claire (Lauren Ambrose), l’adolescente rebelle qui se débat avec sa propre identité dans une maison où la mort est la colocataire invisible, et tu as un cocktail explosif de drames familiaux et de crises existentielles.
Mais la vraie star de Six pieds sous terre, c’est la mort elle-même. Chaque épisode s’ouvre sur un décès – parfois tragique, parfois absurde, parfois profondément ironique. C’est un rappel constant que la vie est fragile, imprévisible, et que tout peut basculer à tout moment. Mais au lieu de sombrer dans le pathos, la série te surprend constamment avec son humour noir et ses réflexions décalées sur la mort, la vie, et tout ce qui se trouve entre les deux. Oui, tu vas pleurer devant Six pieds sous terre, mais tu vas aussi rire de manière nerveuse, te demandant pourquoi tu trouves ça drôle alors que quelqu’un vient de mourir d’une manière complètement absurde.
Les personnages, eux, sont loin d’être parfaits. Et c’est ça qui les rend si attachants. Nate, avec son faux air de "je veux vivre ma vie à fond", se retrouve vite pris au piège entre ses responsabilités familiales et ses envies de liberté. David, qui veut être le bon fils et le parfait professionnel, cache ses propres failles et finit par exploser sous la pression de son identité refoulée. Ruth, la mère, est une boule de contradictions, toujours prête à donner des conseils maternels maladroits mais terriblement sincères. Et Claire, l’adolescente, incarne cette quête permanente d’identité dans un monde qui semble s’effondrer autour d’elle.
Ce qui fait la force de Six pieds sous terre, c’est aussi sa manière de traiter des sujets lourds sans jamais tomber dans le misérabilisme. Les relations amoureuses, la sexualité, la maladie, les addictions, les trahisons… tout est abordé de front, mais toujours avec cette capacité unique de la série à trouver un équilibre entre le drame et le grotesque. Les moments où les personnages discutent avec des "fantômes" ou des projections de leur propre inconscient sont autant de fenêtres ouvertes sur leur psyché, et ces scènes t’apportent un éclairage subtil sur leurs peurs et leurs désirs.
Visuellement, la série est un régal. L'esthétique est à la fois sombre et belle, les images soignées, et les scènes de mort sont souvent filmées avec une ironie mordante. C’est une série qui sait utiliser le contraste entre le calme mortuaire des salons funéraires et le chaos émotionnel des vies des personnages. La bande sonore, quant à elle, est à l’image de la série : poignante, mais capable de surprendre avec des morceaux qui te font réfléchir à deux fois sur le ton de la scène que tu viens de voir.
Au-delà du traitement de la mort, Six pieds sous terre est une série profondément humaine. Elle explore les relations familiales avec une acuité qui fait souvent mal, et elle te met face à tes propres angoisses existentielles. La série te pose cette question simple mais terriblement lourde : comment vivre quand on sait que la mort est inévitable ? Et les réponses que te donnent les personnages ne sont jamais simples, ni claires. C’est ça la beauté de la série : elle ne te donne pas de solution, mais elle te montre que, même dans la morosité, il y a des moments de beauté et de grâce.
En résumé, Six pieds sous terre est une série unique, qui traite la mort avec une légèreté perverse et la vie avec une profondeur qui te marque longtemps après le générique de fin. Entre humour noir, réflexions philosophiques, et moments de pure émotion, elle te fait passer par toutes les phases du deuil… et te rappelle que, même sous six pieds de terre, la vie continue d’une certaine manière.