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Sons of Anarchy
7.2
Sons of Anarchy

Série FX (2008)

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Après sept saisons à avaler le bitume, à multiplier les morts, à faire des tapes dans le dos et à déjouer complots et tromperies, on peut dire que Sons of Anarchy, la série de Kurt Sutter (scénariste et producteur sur The Shield) s'est planté dans les grandes largeurs, en tout cas d'un point de vue narratif. Sons of Anarchy c'est l'histoire Jax Teller, fils du fondateur du club de motards, tiraillé entre les obligations criminelles de SAMCRO (pour Sons of Anarchy Motorcycle Club Redwood Original) et les dernières volontés beatniks de son défunt père... et c'est sans doute le principal problème de la série.

C'est un problème parce que Jax Teller est sans doute le personnage le moins intéressant de tout le show, pas le plus insupportable, mais le moins intéressant. Joué par un Charlie Hunnam inconstant, Jax c'est quelques moments de génie perdus au milieu de caprices incompréhensibles et de décisions prises à l'emporte-pièce. Petit jeu : prendre un shot de tequila à chaque fois qu'il dit "I'll make things right, I promise", il ne faut qu'une poignée d'épisodes pour finir aux urgences pour coma éthylique. Le charme de Kurt Cobain, la carrure de Dolph Lundgren mais au final il fait penser à Jean Sarkozy, un grand benêt de cuir.
Problème amplifié par son entourage proche à savoir Gemma Teller-Morrow, sa mère et Tara Knowles, son amour de jeunesse. La première est une manipulatrice perverse tellement dans l'excès qu'on arrête d'essayer de comprendre. La seconde aurait pu être un contrepoint formidable à cette famille dégénérée mais elle devient trop vite une chieuse hystérique. D'une manière général on remarque que les personnages féminins sont les plus pauvres de la série. Outre les deux brailleuses déjà cités, les autres ont le choix entre être pornstars, escort girl, boniches ou chair à canon. Heureusement il reste le personnage de Wendy, joué par la toujours charismatique Drea de Matteo, pour sauver les meubles avec son numéro de fille perdue, cheveux gras.

Du cuir, des motos, des gros mots, on ne regarde pas Sons of Anarchy pour son apport au combat féministe. On regarde Sons of Anarchy pour voir des hommes, des vrais, des tatoués, des qui grillent des feux rouges et qui font des doigts d'honneur aux patrouilleurs. SOA c'est de la virilité primaire, des bourrins à bécane qui pleurent de temps en temps quand ils se font une bosse sur le réservoir (les motards savent). Après une première saison de haute volée, tendue, bourrée de promesses et de moments forts malgré quelques maladresses (le personnage ridicule du pourtant génial Jay Kames) la série se perd dans des longueurs et des rebondissements saugrenus. Le drame shakespearien espéré, le Hamlet sur gros cube, patauge et s'essouffle. Les baisses de régime sont régulières mais il y a toujours des moments frappadingues, parfois carrément malsains, qui méritent le détour. La série ne prend pas l'expression "White Trash" à la légère et cette liberté de choquer son monde offre au show sa saveur si particulière. Si la saison 2 fini en eau de boudin et que tout le budget de la 3 est passé dans un voyage en Irlande aussi inutile qu'interminable, la saison 4 reste le point d'orgue du show avec 13 épisodes tendus comme le string de Claudette Wyms. Les saisons 5 et 6 restent d'une qualité tout à fait honorable avant que le show ne se vautre sur la septième et dernière saison. Une saison 7 dont le principal ressort scénaristique est la connerie sans borne de Jax, à se demander comment il lasse ses chaussures le matin. On regrette que la série n'ait pas embrassé une fois pour toute son côté débilo-machiste pour nous offrir un final viscéral.

On en revient toujours à Jax et à son histoire décousue qui plombe l'ensemble. Les motivations se perdent et les conséquences se noient dans une boulimie de rebondissements. Exemple frappant : Le père de Jax et les mystères qui l'entourent sont complètement sous-exploités, on lance des pistes qui n'aboutissent sur rien. Lorsqu'arrive la fin, les portes laissées ouvertes par les scénaristes se referment de façon bancale, on nous propose du mélo mou et larmoyant au lieu d'un drame sec et hardcore. Pire, les scénaristes tricotent par dessus tout ça des métaphores bibliques aussi embarrassantes que déplacées. Qu'il est loin le temps de The Shield où chaque élément venait s'imbriquer dans les autres pour former une implacable et saisissante mécanique de la fatalité.

On a le sentiment que Kurt Sutter ne savait pas où aller, pour masquer cela il densifie son fil narratif principal de façon absurde. Les noirs, les mexicains, les nazis, les irlandais, les autres noirs, les noirs à moto, les mexicain en cuir, les latinos des villes, les flics, les fédéraux, les autres nazis, les latinos des champs....les alliances se font, se défont, parfois au sein d'un même épisode, à grand coup de retournements de veste obscurs, parfois grotesques. Sutter confond profondeur et complexité et à l 'arrivée, une seule chose est sûre : il a réglé ses comptes avec la gent féminine, ces salopes voraces et manipulatrices. Puisqu'on est au rayon psychanalyse il est également amusant de voir à quel point le personnage qui connait les pires souffrances, de façon récurrente et répété, est Otto Delaney. Un personnage joué par... Kurt Sutter lui-même. Le show runner essaye clairement d'exorciser des trucs personnels mais pour ce qui est de raconter une histoire, c'est beaucoup plus flou.

Mais il ne faut pas limiter la série à un Jax Teller aussi intéressant qu'une savonnette dans un égouttoir. La grande force de Sons of Anarchy réside dans sa galerie de personnages secondaires, à commencer par Clay Morrow, beau-père ivre de pouvoir et de rancoeur campé par un Ron Perlman savoureux. Mais il n'y a pas que Clay, il y a tout le club. De Chibs à Happy, de Bobby à Tig, ils laissent tous une emprunte sur le show, certains plus encore que d'autres comme l'inoubliable Opie. Même chose du côté des antagonistes et alliés du Club. On est rarement dans la subtilité, certes, mais on est rarement dans l'ennui. On y trouve aussi bien des raclures totales comme Jimmy O ou June Stahl que des mecs touchants comme Unser ou Chuck. Cette science du personnage secondaire se traduit aussi par un sens du casting aiguisé, que ça soit pour les personnages récurrents (on pense à Kim Coates, Tommy Flanagan ou Dayton Callie) ou pour les guest stars (Marylin Manson, Henry Rollins ou Stephen King).
A ce petit jeu du casting qui claque Sutter prend un certain plaisir à inviter les anciens de The Shield. La première apparition de Walton Goggins reste un passage mémorable et si le temps de présence de Michael Chiklis n'excède pas 10 minutes, ce sont des minutes très bien utilisées.

Le MC lui-même est un personnage fascinant, c'est bien plus qu'une "simple" famille dysfonctionnelle et attachante. Le fantasme du Biker, personnage crucial de l'Amérique post Vietnam, prend donc corps avec toutes ses dérives et ses excès. Quelque part entre le far-west motorisé et la féodalité en lunette de soleil, le MC propose une mythologie moderne avec ses codes, ses interdits, ses hiérarchies, ses rituels. SAMCRO ce sont aussi des hommes qui s'aiment, ce sont des gros durs qui fendent des crânes au marteau avant de se faire des câlins en se jurant un amour à la vie, à la mort. Un amour que l'on découvre sincère, une sincérité telle que certains trouveront qu'il y a du refoulement dans l'air. Peut-être mais au fond, quand un lien est aussi fort, qu'importe sa nature : ça impose un certain respect. Il faut reconnaître qu'ils ont fier allure sur leurs bécanes, surtout avec un logo aussi chouette cousu sur des cuirs sales et usés. Si on ajoute à cela une sélection musicale souvent très agréable (merci à la série pour la découverte White Buffalo), SAMCRO acquiert très vite un statut iconique puissant, comme dans certains comic book : on a parfois du mal à y croire mais, au fond, qu'est ce que ça à l'air cool.

Sons of Anarchy ça sent la bière, le cambouis et le poil de couille, ce sont des trognes improbables qui se complaisent dans la violence et le embrassades viriles. SOA aurait clairement mérité d'être allégé de deux ou trois saisons, nous épargnant ainsi les longueurs et certains retournements de situations débiles. Une fois l'arc Jax Teller bouclé on se dit qu'on peut enfin passer aux choses sérieuses et voir tous ces personnages qu'on aime se foutre sur la gueule dans un joyeux bordel. Las, le show s'arrête là. Les grandes séries criminelles en "The" (The Shield, The Sopranos, The Wire ou le fameux The Breaking Bad) peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Sons of Anarchy a beau essayer de péter plus haut qu'une selle de Harley, elle n'arrive jamais à la hauteur de ses ambitions. Mais en temps que plaisir coupable régressif, elle est assez incontournable.

Sons of Anarchy c'est comme roter sans s'excuser tout en se grattant les burnes, ce n'est pas d'une élégance extrême, mais ça fait du bien.

Créée

le 1 janv. 2015

Critique lue 16.5K fois

125 j'aime

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