Mettre en image et suivre dans son déroulé la réalité d'une situation vécue, permet par le documentaire et sa proximité de ressentir les émotions et les questionnements de ceux qui sont impliqués, sans artifice, même si ici on frôle la science fiction.
En miroir de son précédent travail Un coupable idéal, The Staircase suit Michael Peterson, écrivain reconnu, accusé d'avoir assassiné son épouse, en 2001, et Jean Xavier Lestrade propose deux visions particulières, pour le même constat. Que l'on soit noir et pauvre ou blanc et riche, la vie s'arrête dès la mise en accusation, quel que soit le verdict. La seule différence étant que riche on dépensera toute sa fortune.
C'est bien grâce à son précédent succès, qu'il aura convaincu tous les acteurs de cette histoire de participer à son tournage et c'est bien grâce encore à Un coupable idéal, que ce type de documentaire est désormais produit avec succès. Making a murderer, débuté en 2005 a bénéficié de l'aura de son prédécesseur.
L'enquête sur presque deux ans pour la première partie - 17 ans dans sa totalité - revient sur le drame d'une famille unie qui du jour au lendemain ne devra compter que sur la pugnacité d'un avocat et de détectives privés, fortement impactés par les manipulations et autres raccourcis de l'accusation.
La mise en évidence du travail de la défense entourée d'experts, mettant en place de nombreux meetings, d'interrogatoires et contre interrogatoires, suivant les étapes de la reconstitution, filmant au grès des interventions et des déplacements, permet une immersion fascinante dans une bataille juridique qui n'apportera aucune réponse sur la culpabilité de l'homme, mais nous éclaire encore une fois sur les volontés opaques de la justice à lutter contre la criminalité pour un portrait édifiant du système judiciaire américain et de son impact social.
Peu étonnant finalement, quand on sait que Peterson a écrit quelques pamphlets dévastateurs sur sa petite ville du nord, raciste et corrompue et les interventions du procureur et de l'expert scientifique, subjectifs et dangereux par leur incompétence, posent question. Se rajoutent pour notre plus grand agacement les retournements des proches ou témoins inconnus, médecins légistes et autres correspondants des médias qui mettent à profit leur partialité et leur goût du spectacle.
Et même si la mise en scène est abrupte avec une caméra à l'épaule, des passages rapides et de discours peu clairs qui rendent difficiles la lisibilité et renforcent le malaise, le savoir-faire du cinéaste permet de souffler par des discussions hors sujets ou des situations cocasses de soutien familial, de doutes et de fous rires salvateurs.
Tourné en 8 épisodes en 2004, 2 supplémentaires en 2013, les 3 derniers en 2018 se terminent par un portrait actuel de Peterson démuni et diminué, autant atteint psychologiquement que désinvolte pour un personnage qui restera une énigme.
Il n'est jamais évoqué la prise en charge par l'Etat de réparations tant financières que psychologiques, qui détournera ses fautes par le plaidoyer Alford et s'évitera ainsi, de possibles et conséquents, dommages et intérêts.
Mais le pire est bien cette faculté à retourner les faits et stigmatiser la différence, cherchant à noircir le tableau par des exemples hors contextes, mettant à nue la vie privée de l'homme, et trouvant là le mobile improbable et pourtant idéal, nous rappelant que l'on doit bien veiller à ne pas sortir des cases que l'on nous assigne et que nos velléités de liberté ne sont que pur fantasme.