A première vue, South of Nowhere ressemble à tous les teen-shows américains façon 90210 : une bande de lycéens, jeunesse dorée brillant sous le soleil ardant de la Californie, entre bal de promo et répétitions de cheerleaders vulgaires et condescendantes, gueules d'anges aux corps bodybuildés et silhouettes féminines préformatées (même si la candeur physique de Spencer échappe aux canons de beauté usuels).
Et c'est vrai, la série n'évite pas certains stéréotypes redondants, ni les tics agaçants de ce type de programme : histoires de cœur parfois lourdingues (on en vient presque à se demander quel personnage n'a pas couché avec l'autre), conflits adolescents désuets et terriblement clichés, et questionnements existentiels en manque de profondeur... Rien de nouveau à l'horizon sur ce point-là, donc. On a l'impression d'avoir déjà-vu ça ailleurs, trop souvent.
Non, le point fort de la série se situe dans son point de départ peu commun et honorable : une adolescente de 16 ans, personnage type – elle est discrète, brillante et absolument innocente – se découvre lesbienne auprès d'une nouvelle amie. Pendant les trois saisons (ou presque), Spencer se questionnera, puis s'acceptera, et finalement, vivra sa vie, telle qu'elle est et sans débâcle, à travers un parcours touchant et réaliste. Et ça, ça me plaît, pardonnez mon indulgence que je conçois trop grande !
Ce qui apporte un vent de fraîcheur bienvenu, c'est que la série parvient à intégrer des poncifs inhérents à son genre, tout en s'en écartant habilement, défaisant aux passages quelques clichés qu'elle s'était au départ empressée de mettre en place.
Le rêve américain, si souvent prôné – et mise en évidence ici à certains moments – se déconstruit peu à peu : la famille américaine parfaite de l'héroïne, à qui ni la réussite professionnelle ni le bonheur ne semble manquer, se révèle progressivement comme le constat désillusionné de sa progéniture.
La mère, fervente chrétienne qui ne manque pas un seul bénédicité le repas venu, est aussi une fervente homophobe que le coming-out de sa fille rend ingérable. La parfaite maman annoncée au début de la série se dépêchera d'appeler à l'aide un « professionnel » pour soigner sa fille, au grand dam d'un père progressiste.
En fait, tout du long, South of Nowhere a le mérite de s'éloigner du genre dans lequel il s'ancre pourtant profondément, tentant d'apporter de la profondeur à l'ensemble, à renverser les codes établis. Si les intrigues tarissent parfois de leur absence d'originalité ou de véritables intérêts (à quelques exceptions faites), les portraits dressés demeurent intéressants et se voudraient presque peinture sociale de la jeunesse multiculturelle du Los Angeles du début du XXIème siècle, mettant en lumière les inégalités sociales et ethniques – l'un des frères de Spencer est un afro-américain adopté ; et le meilleur ami de celui-ci un érudit désabusé et révolté par le racisme banal qu'il subit au quotidien – ainsi que divers problèmes adolescents : drogues, avortement, dépression, deuil, et même massacre de masse.
De plus, les personnages parviennent à à leur tour faire tomber les masques premièrement posés pour s'ouvrir à des reconsidérations plus humaines, et je me suis même prise d'attachement pour certains d'entre eux (les pics d'Ahsley font sourire, et Madison se voudrait Cordelia Chase).
En soi South of Nowhere n'est pas une révolution (c'est même carrément plat à certains moments), mais l'on sent un respect des personnages plus intense qu'à l'habitude, et certains de ses aspects interpellent par leur nouveauté. Dommage alors que la série ait tendance à se renfermer sur son format sans essayer d'outre-passer des codes formels irritants et se contentant parfois de tourner en boucle, alors qu'on aurait souhaité quelque chose de jusqu'au-boutiste et moins timoré, si bien que l'innovation finit par côtoyer le politiquement correct.