Adaptée du comics éponyme par son propre créateur Todd McFarlane cette série animée produite par HBO en 1997 se démarque clairement d’autres formats télévisuels américains de l’époque, beaucoup plus sombre et résolument trash, il est vrai que le ton est donné très rapidement avec ce côté ultra violent et verbalement cru. Je n’étais pas nécessairement en terrain inconnu ayant moi même eu entre les mains le comic-book d’origine étant gosse et également vu la version cinéma nanardesquement kitsch de Mark A.Z. Dippe, ce héros (ou plutôt anti-héros) m’a toujours plu autant par sa personnalité que son style, ainsi que l’univers et la mythologie qui en découle.
C’est dans les faubourgs crasseux d’un New York crépusculaire qu’agit Spawn, justicier démoniaque vêtu d’une imposante cape rouge sang, éliminant brutalement les voyous de la ville au prix d’un nouvel ordre; il fût autrefois Al Simmons un marine des services secrets brûlé vif et laissé pour mort lors d’une mission au Botswana. En Enfer il pactise avec le seigneur Malebolgia pour revenir sur Terre et revoir son épouse Wanda, à la seule condition d’y préparer l’Apocalypse, acquérant au passage d’énormes pouvoirs, le tout sous la surveillance d’un démon à l’apparence clownesque. Mais ce contrat s’avère cruel puisque cinq longues années se sont écoulées, le laissant amnésique, il tentera alors de reconstituer les fragments de son passé avec l'aide d’un mystérieux sans-abris nommé Cogliostro. Son premier souvenir étant le visage de sa bien aimée il se met à sa recherche en se rendant à son ancien domicile, mais malheureusement pour lui elle l’a oublié, se remariant avec son meilleur ami et donnant naissance à une petite fille; rongé par les remords et empli de fureur Spawn se met alors en quête de vengeance et de rédemption.
Je dois dire que d’entrée le premier épisode m’a conquis, l’ambiance est palpable et le récit instaure un degré de mystère fortement intéressant, la patte graphique est également présente même si il faut avouer que l’on reste assez loin de celle du comics, mais j’ose imaginer qu’une commande de 18 épisodes en un temps réglementé a du rendre la tâche passablement inconfortable pour un rendu optimal, cependant la qualité des animes évoluera positivement au fil des trois saisons, la dernière contient d’ailleurs des fulgurances visuelles impressionnantes. L’univers lui est très fidèle à sa matière d’origine : obscur, sanglant et torturé; Spawn n’est donc pas forcément ouvert au très jeune public (à noter qu’il y a aussi du sexe), sans doute pour cela que la série n’ai pas marché en son temps, trop clivante et anxiogène pour un dessin animé, elle s’adresse principalement aux adeptes de contes horrifiques, voire tout simplement aux curieux ou aux orphelins de Batman : The Animated Series (la seule qui puisse un chouia soutenir la comparaison à ma connaissance).
Les enjeux du récit sont clairs, abordables et passionnants même si leurs évolutions pourront paraitre plus ou moins déroutantes, il est vrai qu’à force de placer au fur et à mesure des sous-intrigues ajoute malheureusement des longueurs évidentes, mais tout cela reste au profit d’une ligne directrice où réside sa principale importance : la psychologie du personnage du Spawn. C’est par delà son regard spectral et sa réminiscence (auto)destructrice que cette histoire renferme de réelles ambivalences, à quel prix l’âme humaine peut elle s’absoudre de ses pires pêchers ? Jusqu’où doit s’engager cette rage légitimement dévastatrice pour s’offrir sa propre rédemption ? Simmons/Spawn est guidé par des désirs opposés, son amour pour Wanda et sa vengeance envers ses meurtriers, comme un poison qui fermenterait dans ses artères sans qu’il n’en connaisse l’antidote, un éternel chemin de croix en somme. La mythologie de McFarlane englobe des thèmes intéressants et profondément anti-manichéens, la vie est ainsi faite, personne n’est foncièrement bon ou mauvais et tout acte entraine ses conséquences, le but étant d’amnistier sa colère et ses remords pour acquérir la sagesse ultime.
Spawn est une série animée sérieuse, appliquée et fidèle à l’esprit des comics, ses qualités graphiques remarquables recèlent un fond d’une maturité autant jouissive que fascinante, le rythme garde néanmoins ses défauts, la faute à certaines extrapolations narratives en plus d’un final abrupte et décevant, mais globalement l’efficacité du format est difficilement réfutable. En ce qui concerne l’avenir de la franchise Todd McFarlane himself aurait achevé un nouveau script pour une seconde relecture cinéma, il ne reste plus qu’à ce qu’un studio hollywoodien réponde à cet appel du pied, la hype Deadpool aidant certainement à lancer une mode de blockbusters classés R.