D’ordinaire je déteste ce type de formule, mais je ne pense pas trop abuser en disant que SSSS.Gridman est le Neon Genesis Evangelion de Trigger. Au-delà des parallèles de mecha existentiel, il y a de véritables similitudes dans les choix de mise en scène ; une certaine manière de poser la caméra et la laisser fixe autant de temps qu’il le faudra, une façon d’atteindre une forme d’hyper réalisme dans les relations sociales (les dialogues, texte et rythme ; les regards, les gestes, bref), un montage incisif… Amemiya, le réalisateur, est décidément impressionnant d’éclectisme (sachant qu’il peut passer de Killer Cop et Ninja Slayer à ça), même si ce sont souvent d’autres réals qui se chargent des épisodes individuels.
On pourrait presque dire que, comme dans NGE, le mecha n’est que le contexte (voire le prétexte) d’une étude humaine, mais ce serait oublier que, comme on pourrait s’y attendre de la part de Trigger, la partie « bastonnade de robots vs monstres » est si brillante et transpire tant d’amour pour les jouets et leur animation à l’écran, qu’on ne doute pas un instant qu’un des mobiles (au sens criminel) de la création de Gridman est le pur plaisir d’animer des monstres et des robots se tapant sur la figure. Pour ce faire ils font appel à un studio spécialisé dans la 3D, et ça se voit : les scènes d’action irradient à l’écran, en dehors du studio Orange (L’ère des cristaux, Beastars) j’ai jamais vu d’aussi beaux modèles CGI animés.
Je dois bien admettre que malgré toute l’admiration que je porte à Trigger et aux gens qui y sont associés, je n’aurais jamais cru le studio capable d’une telle subtilité et d’une telle profondeur. Même Kill la Kill, déjà étonnant de profondeur et de complexité, se laissait volontiers aller (et tant mieux) à des grosses ficelles jouissives. Il y a une telle force tranquille dans cet animé, dans son refus du sensationnel – en dehors des batailles – chaque élément de l’intrigue est intégré comme s’il s’agissait d’éléments du quotidien. La routine, dans l’univers Gridmanien, est une force surpuissante qui aplanit les choses (grâce au sortilège élaboré par l’antagoniste qu’on-aime-détester-qu’on-déteste-aimer-vous-connaissez-la-chanson et son copain alien) jusqu’à transformer les péripéties en étrange contemplation, et les gags burlesques en piques pince-sans-rire (je ne me serai jamais lassé de voir la petite tête de Gridman apparaître sur le PC). On voit ainsi un petit trio à la composition étrange (dès le premier épisode c'est bizarre, ils n'ont rien à se dire, pas de personnalité…) s'animer sous nos yeux, devenir "crédible", vivant, par la simple force de leurs interactions simples et justes, de la même manière lorsque d'autres "membres" s'y ajoutent, tout en naturel - alors que les éléments de scénario les amenant à se rencontrer invitent précisément à en faire des caisses. Caisses qui ne viennent pas, car SSSS.Gridman est effectivement une série ambitieuse mais qui refuse le spectaculaire, le sensationnel. Move très peu triggerien mais si fort qu'on ne peut que se féliciter de cette sortie hors de ce qui semblait délimiter leur zone de confort.
Un sortilège tel qu’il a contaminé la Trigger-team pour lui faire pondre son plus fascinant artefact. Et on sait déjà que l’exploit a été renouvelé car à l’heure où j’écris ces lignes, SSSS.Dynazenon, sequel sans l’être, est à 1 épisode du finish.
PS : ça ne coûte rien d’ajouter que la bande son est extra, et que les doubleur.ses font un job de malade (particulièrement celle d’Akane)
PS 2 : l’épisode 9 c’est un des plus beaux trucs de l’histoire de l’animation olala