La Guerre éternelle

[Spoilers] Pour sa première série TV à longue durée, Star Wars aura marché par inadvertance dans les pas de sa "rivale" Star Trek : il lui aura en effet fallu plusieurs saisons avant de vraiment trouver ses marques, une tendance généralement associée à la franchise de Gene Roddenberry. Et à l'instar de The Next Generation ou Deep Space Nine, l'attente en aura valu la peine. À présent que l'aventure The Clone Wars s'est achevée, je me suis dit qu'il était temps de revenir sur les montagnes russes qu'elle aura constitué en termes de qualité et d'émotions.

En effet, c'est peu dire que la série a manqué son départ, par la faute même du Big Boss George Lucas en personne, puisque c'est lui qui décida, un peu à la dernière minute, que les trois premiers épisodes seraient regroupés en un seul film, sorti sur les écrans en 2008. De l'aveu même de plusieurs membres de l'équipe créative, ils n'étaient tout simplement pas prêts. Il en résulta une purge d'une heure et demie, infantile et soporifique. Pour être honnête, la quasi-totalité de la première saison souffre des mêmes défauts, à savoir un humour puéril, une animation encore incertaine (les batailles, surtout spatiales, sont belles mais les personnages ressemblaient à des statues de l'Île de Pâques) et un manque de cohésion flagrant.

The Clone Wars opta dès le début pour un mode de narration non linéaire : les épisodes ou les arcs ne se suivent pas toujours dans l'ordre chronologique et traitent d'une multitude d'événements et de personnages pas forcément connectés les uns aux autres. Ici, Yoda en négociation sur la planète Toydaria ; là, une prise d'otages par l'épatant chasseur de primes Cad Bane sur Coruscant, ou encore le duel entre Kit Fisto et le général Grievous, ou la capture du comte Dooku par des pirates weequay, et ainsi de suite... la qualité varie grandement d'épisode en épisode, souvent en fonction de leur écriture.

Il faut cependant noter que dans leur souci de faire le lien entre L'Attaque des Clones et La Revanche des Sith, les scénaristes se concentrent essentiellement sur Obi-Wan Kenobi et Anakin Skywalker, ainsi que sur l'apprentie de ce dernier : Ahsoka Tano, adolescente togruta à la peau orange et au caractère bien trempé. Ce nouveau personnage allait devenir le symbole même de The Clone Wars, pour le pire et pour le meilleur, j'y reviendrai.

Généralement mise sur le même plan que la première, la saison 2 vit selon moi la qualité faire un bond substantiel, notamment au niveau de l'animation, comme en attestent les épisodes sur Géonosis, premier arc vraiment épique et ambitieux de la série. L'introduction de la planète Mandalore et de sa souveraine Satine, ancienne idylle d'Obi-Wan, contribue également à conférer plus de lustre et d'enjeux à l'ensemble, tandis qu'avec des épisodes comme Les Envahisseurs mentaux et Le sabre-laser perdu, Ahsoka gagne en capital-sympathie. Mais tout cela reste très décousu et souffre de la comparaison avec les romans, comics et jeux vidéos des années précédentes, ainsi qu'avec la série animée de G. Tartakovksy consacrée à la même période.

De l'aveu de tous, la saison 3 fut celle du renouveau. Le showrunner Dave Filoni savait désormais ce qu'attendaient les fans, tout en n'hésitant pas à prendre des risques pour les surprendre. Ainsi de l'arc dit "de Mortis", quasi-éthéré, consacré au mysticisme de la Force, ou de celui dédié aux soldats clones de l'escouade Domino. Mais ce qui fit véritablement la différence, ce fut le coup de poker que constituèrent les épisodes Les Sœurs de la Nuit, Le Monstre et Les Sorcières de la Brume en réalisant un coup double audacieux : initier la transformation de la méchante Asajj Ventress en anti-héroïne tragique (ce que le roman Sombre Disciple portera à son apogée suite à l'annulation de la série)... et ressusciter le célèbre Dark Maul, coupé en deux dans La Menace Fantôme. Ce qui ressemblait à l'époque à du racolage désespéré s'avèra, grâce à la finesse de l'écriture et au jeu du voice-actor Sam Witwer, une idée de génie qui apporta enfin SON grand méchant à The Clone Wars.

La tendance allait perdurer sur les deux saisons suivantes, lesquelles ne contiennent presque plus aucun déchet (si ce n'est un ou deux épisodes "gueule de bois" consacrés à Jar-Jar Binks par-ci par-là). Les épisodes indépendants sont de plus en plus délaissés au profit de trios ou quatuors à l'animation désormais unilatéralement somptueuse (Mon Calamari, Umbara, Onderon...), tandis que les tribulations de Maul et Ventress deviennent la véritable colonne vertébrale du show. La qualité de l'écriture est à l'avenant, qui gagne constamment en maturité, en particulier à l'occasion de l'arc "d'Umbara" centré sur les soldats clones, probablement le plus abouti de la toute la série, à tous les niveaux.

Maul, Ventress, Obi-Wan, Anakin, les clones Rex et Fives... autant de personnages, originaux ou non, auxquels le spectateur s'est grandement attaché au fil des épisodes, mais que Filoni et ses collègues n'hésitent plus à malmener, chose impensable les deux premières saisons, orientées vers un public très jeune. Mais comme je le disais tantôt, personne ne symbolise mieux l'évolution de The Clone Wars qu'Ahsoka Tano, interprétée par la talentueuse Ashley Eckstein. Peu à peu, la gamine insolente des débuts s'est muée en une jeune femme mûre et anticonformiste, et d'exécrée par les fans, elle est devenue l'une des figures les plus populaires de tout Star Wars. C'est bien en vertu de cette évolution incroyable que son renvoi de l'Ordre jedi, à l'issue d'un magnifique arc de clôture de la saison 5, en fit littéralement pleurer plus d'un, moi compris.

Puis ce fut le rachat de Lucasfilm par Disney, qui mit The Clone Wars au placard, même si les premiers épisodes de la saison 6 furent montrés au public sous l'appellation équivoque de "Lost Episodes". Histoire de retourner le sabre-laser dans la plaie, leur qualité globale était plus excellente que jamais, en particulier l'arc consacré au soldat clone Fives, qui passa tout près de révéler la supercherie diabolique de Palpatine, ainsi que ceux dédiés à Yoda et Sifo-Dyas, qui vinrent répondre à certaines questions laissées en suspens par L'Attaque des Clones et La Revanche des Sith. Puis plus rien... jusqu'à 2018, lorsqu'à la surprise générale, Dave Filoni profita de la convention Star Wars d'Anaheim pour annoncer les douze épisodes finaux de la saison 7. Les fans, dont beaucoup étaient en plein divorce avec la saga suite au film Les Derniers Jedi, avaient été entendus.

La saison 7 commence par un arc dont l'animation inachevée avait été mise en ligne plusieurs années auparavant, le "Bad Batch". Puis les quatre épisodes suivants montrèrent le retour d'Ahsoka, pour un résultat très mitigé. L'ultime saison serait-elle un pétard mouillé ? Non pas, car le "siège de Mandalore" dépeint par les épisodes 9 à 12 fait partie de ce que Star Wars, pas seulement The Clone Wars, a à offrir de meilleur. Retrouvailles déchirantes, bataille aérienne splendide, duel époustouflant en motion-capture, intrigue bien ficelée, dialogues inspirés, imbrication parfaite avec les événements de La Revanche des Sith, bande-son blade-runneresque signée Kevin Kiner... j'en ai le tournis. Si seulement CELA avait été le film The Clone Wars !

Quoiqu'il en soit, je ne saurais imaginer meilleure manière de terminer la série ; la scène finale, glaçante et émouvante au possible, n'a pas cessé de me hanter... bravo, The Clone Wars, ton héritage est assuré, du moins à mes yeux : il t'aura fallu deux saisons pour vraiment trouver ton identité, puis tu t'es imposée, lentement mais sûrement, comme l'un des meilleurs chapitres de la saga située il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine...

Saison 1 : 5/10
Saison 2 : 7/10
Saison 3 : 8/10
Saison 4 : 9/10
Saison 5 : 9/10
Saison 6 : 9/10
Saison 7 : 9/10 (mais 10/10 aux quatre derniers épisodes)