Stranger Things
7.6
Stranger Things

Série Netflix (2016)

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The Things [Critique de la série "Stranger Things" saison par saison]

Saison 1 :
La fascination toujours vivace de nombre de cinéphiles pour le cinéma fantastique et de science-fiction de la fin des années 70 et des années 80 demeure généralement un mystère pour ceux qui, comme moi, ont vécu cette période alors qu'ils étaient déjà adultes. Certes, nous eûmes droit à de bons films de l'ami Spielberg alors au sommet, et nous découvrîmes un John Carpenter bien pugnace, mais pourquoi donc vénérer jusqu'à l'esthétique crapoteuse de ce cinéma dont la seule vraie qualité était en fait l'innocence des premières fois ?

Or, s'il y a bien quelque chose qui fait totalement défaut à "Stranger Things", c'est l'innocence : il ne s'agit ici guère que de recyclage de personnages, de situations et d'ambiances emblématiques, destinées à exciter certaines réactions pavloviennes chez le téléspectateur pas trop regardant. "Super 8" labourait déjà le même sillon, mais le faisait au moins avec un talent complètement absent ici : "Stranger Things" pourrait même être l'exemple parfait de tout ce qui va mal dans l'univers de la série TV, enfant gâté de notre époque qui se croit tout permis : une écriture sans aucune rigueur, le format long permettant la redite et les scènes inutiles, une grande négligence quand il s'agit de la cohérence des personnages et des situations, et un manque de talent total de la mise en scène des Duffer Brothers, en particulier, qui n'ont visiblement rien appris de leurs maîtres en termes de gestion de l'espace et de création d'une ambiance anxiogène. Si ce sont souvent les acteurs qui rachètent les mauvaises séries, ce ne sera malheureusement pas le cas ici, entre les enfants et ados tout juste passables, et le retour d'une Winona Ryder et d'un Matthew Modine (quelqu'un se souvient ici de "Birdy" ?) tous deux caricaturaux et improbables.

Bref, on s'ennuie ferme (et on s'irrite régulièrement) durant 5 épisodes qui nous font douter du bon goût de ces milliers de fans extatiques qui ont créé le buzz autour de "Stranger Things", avant que l'histoire finisse par prendre et se conclure de manière à peu près acceptable, sans néanmoins que rien ne vienne fondamentalement nous faire changer d'avis sur l'incompétence générale et le manque d'imagination qui caractérisent cette première saison. Spielberg, Carpenter (et Stephen King...) méritent décidément de meilleurs héritiers...
[Critique écrite en 2018]

Saison 2 :
Curieusement, cette seconde saison de la série-buzz "Stranger Things" m'a paru, à moi qui avait ragé et pesté contre la première, plus digeste, plus fun... Et surtout beaucoup moins prétentieuse, en fait plus près d'une série B jouissive car sans complexes. Le baston final entre Eleven et les demo-dogs complètement risibles en images de synthèse crapoteuses, avec son fond rouge volcanique, m'a rappelé les bons moments où Big John se laissait aller à ses instincts "bad ass", et je me suis dit, d'un coup, que là, on arrêtait d'être dans la citation nostalgique bien rance, pour se lancer dans une véritable continuation bon enfant de ce cinéma singulier que nous aimions tant.

Ceux, nombreux, qui s'étaient pris au jeu de la série et détestent cette seconde saison "cheap" se plaignent non sans raison que les scénaristes ont fait un copié-collé sans imagination de la première (ils ont même osé refaire le coup de la décoration psychédélique de la maison des Byers !) : "Oui, et alors ?" leur répondrais-je ! Ce n'est quand même pas comme si "Stranger Things", c'était de l'Art, ou même du grand cinéma ! C'est juste une série un peu pourrave pour les geeks qui aiment les monstres baveux et les scènes gore (et il y a beaucoup plus de monstres baveux et de scènes gore dans cette seconde saison !).

En pompant franchement cette fois leur inspiration (car les Duffer Brothers n'ont aucune idée originale, ça c'est certain !) dans "Alien" et "ça", les scénaristes nous ont fait une vraie faveur : moins de Spielberg, plus de Stephen King et de franche horreur. Et cette fois, peut-être parce que le personnage d'Eleven, intéressant mais trop "singulier", est mis de côté, le groupe d'enfants fonctionne formidablement bien, avec la redoutable Mad Max en pièce rapportée : cette notion (certes idéalisée), si bien développée par King d'amitié devant l'épreuve, qui transcende races, classes sociales et même différences d'âge (voir le personnage vraiment passionnant une fois de plus de Steve, sans doute l'un des plus complexes et ambigus de la série) permet d'apporter une énergie positive à la saison, qui transcende joliment les invraisemblances et les lourdeurs du sujet "fantastique".

Reste qu'il convient que la future saison emporte la série ailleurs, suffisamment loin de ce petit terrain déjà bien arpenté. Croisons les doigts !
[Critique écrite en 2019]

Saison 3 :
… Et la troisième saison de "Stranger Things", qui déclenche encore plus de polémiques entre ceux qui se désespèrent du ressassement d’une formule déjà usée et ceux qui savent jouir au premier degré d’une forme bien dégénérée du cinéma fantastique « de papa », poursuit allègrement sur la voie ouverte par la seconde…

Si nous ne prendrons pas la peine de faire l’interminable liste des citations et hommages ("Terminator" ? "Zombie" ? "Red Dawn" ? sérieusement…), nous ne cacherons pas notre plaisir devant les outrances franchement crétines d’un scénario qui n’hésite plus du tout devant le « too much » : cette base soviétique installée sous la petite ville de Hawkins, c’est quand même du nanan pour tous ceux qui sont nostalgiques des films américains crétins sur la guerre froide, les savants fous et leurs hommes de main sadiques, non ?

Certes, les premiers épisodes sont lents, mais ils ont le mérite de s’intéresser aux personnages (affrontant le délitement de leur monde enfantin pour affronter leurs premiers émois sexuels et amoureux – que du classique…) et surtout à la ville (avec cette arrivée d’un gigantesque mall clinquant, ouvert grâce à la corruption des élus, et mettant radicalement fin au petit commerce local). Mais ensuite, nous avons droit à un impeccable tour de montagnes russes, bien simpliste et bien sanglant, qui ne peut, pour peu que nous levions les bras en l’air tout au long du trajet, que provoquer des cris d’excitations. Rires en rafale devant des situations délicieusement grotesques et devant ce monstre ressorti bien commodément de l’univers parallèle une nouvelle fois encore ré-ouvert, qui ressemble surtout à une pile nauséabonde d’excréments, gloussements de dégoût devant les nombreuses scènes gore, on est ici dans un plaisir franchement régressif.

Nous regretterons quand même le dernier épisode, fastidieux et donc pas au niveau du délire qui l’a précédé, et qui se termine sur de longues scènes qui se veulent lacrymales autour de la disparition d’un personnage central de la série (l’effet "Game of Thrones" ?), et sur la séparation de nos jeunes héros. Séparation à la quelle on ne croit pas un instant, une quatrième saison étant en chantier.

[Critique écrite en 2019]

https://www.benzinemag.net/2019/07/17/netflix-stranger-things-saison-3-montagnes-russes/


Saison 4 - 1ère partie :

Attendions-nous encore quelque chose de Stranger Things après le choc de la découverte de la première saison en 2016 (6 ans déjà !), et deux saisons qui poursuivaient largement dans la même veine, quelque fois avec succès, et d’autres sans réussir à ranimer la flamme des débuts ? Trois ans se sont écoulés, et l’on sait que, à l’âge des personnages – et surtout des acteurs ! – de la série, c’est l’écart qui sépare les enfants des adolescents, et les adolescents de jeunes adultes : curieusement, alors que ce décalage temporel permettait au Duffer Brothers de relancer leur série avec des personnages plus mûrs, et donc de partir naturellement dans de nouvelles directions, en particulier dans les rapports entre les enfants / adolescents et leurs parents, le scénario ne prend pas acte de ces trois années, et nous demande de ne pas croire ce que nos yeux voient et d’imaginer que nous avons toujours les mêmes enfants devant les yeux… C’est dommage, mais ce n’est pas si gênant que ça, et après tout, notre attachement aux héros de Stranger Things peut bien résister à cet effort de croyance !

Sinon, il est clair que Ross et Matt Duffer ont décidé de tout changer dans leur série ! D’abord, et ça se ressent, le format : avec des durées d’épisodes s’approchant des 90 minutes caractéristiques du film de cinéma, chaque épisode ressemble maintenant à un long métrage. Mieux encore, il y a dans la mise en scène des sept épisodes de cette « première partie » de la quatrième saison une sorte de sérieux qui tranche clairement avec le goût pour la démonstration de savoir-faire et l’exercice de style qui pouvait s’avérer irritant jusqu’alors : avec l’aide de deux réalisateurs comme le talentueux Nimrod Antal (primé à Cannes en 2004) et le très expérimenté Shawn Levy, également producteur de franchises populaires, il est clair que l’on cible ici plus les standards du blockbuster hollywoodien classique que le format télévisuel.

En abandonnant largement le domaine de la SF, et en choisissant un mélange d’horreur (on a le droit de penser régulièrement à Fear Street, que le scénario de cette quatrième saison évoque) et d’action (en particulier pour la partie « soviétique » de l’histoire ainsi que la guerre entre les deux mystérieuses organisations qui essaient toutes deux de mettre la main sur Eleven, sorte d’arme ultime dont rêvent les Etats-Unis), Stranger Things prend une autre voie, qui rafraîchit le concept de base et ravive notre intérêt émoussé au fil des ans.

Mais, et nombre de fans trouveront que c’est le plus important, Stranger Things avance (enfin !) un peu plus sur le fond de son sujet, à savoir la nature de l’upside down. Même si l’on n’aura pas encore de réponses concrètes pour l’instant (en attendant les deux épisodes finaux dont on espère beaucoup…), il est clairement passionnant de mieux explorer le concept de passages entre notre monde et celui, inversé, des monstres, de revenir sur le passé d’Eleven, pour comprendre ce qui a bien pu se passer dans ce mystérieux laboratoire où elle a été créée. Et surtout, le septième épisode, brillant, nous propose un joli tour de force scénaristique (était-ce dans la tête des Duffer Brothers depuis le début ?) en liant les différents fils de l’histoire. C’est là une vraie et excellente surprise !

Du point de vue « politique » (car Stranger things a quelque chose de plus « sérieux » désormais, on l’a dit…) il est intéressant de voir la série approfondir le thème – important car de plus en plus d’actualité – du fascisme qui se dissimule derrière la normalité apparente d’une société bien lisse – et la facilité avec laquelle la violence, attisée par la peur, naît dans le creuset de la religion et de la bien-pensance, et ce même au cœur de la riche Californie où Eleven est exilée : rien d’original, certes, mais c’est important de le dire et de le répéter.

Bien sûr, Stranger Things pousse le bouchon bien trop loin avec les aventures de Hopper au goulag (avec un petit côté amusant de Tintin au Pays des Soviets, peut-être ?) dont la crédibilité est proche du zéro absolu : reste que notre sympathie pour le personnage, délicieusement interprété par un David Harbour qui se délecte de pouvoir se transformer en improbable Rambo, et le charisme de l’excellent acteur allemand Tom Wlaschiha dans le rôle d’un improbable gardien / traître / allié de Hopper, font facilement passer la pilule un peu amère du grand n’importe quoi.

Les deux derniers épisodes, qui seront mis en ligne le 1er juillet, seront évidemment décisifs, même si une cinquième saison est d’ores et déjà prévue.

[Critique écrite en 2022]

https://www.benzinemag.net/2022/06/11/netflix-stranger-things-saison-4-volume-1-une-nouvelle-proposition-et-une-reussite/

Saison 4 - Seconde partie :

On connaît désormais la stratégie de Netflix pour répondre à la récente hémorragie d’abonnements, et l’un des axes choisis a été l’arrêt de la diffusion systématique des séries en une seule fois, afin de forcer les fans à rester sur la plateforme. Avec cette quatrième saison de Stranger Things, cette stratégie devient assez caricaturale, les deux derniers épisodes ayant été retardés d’un mois, afin de garantir sans doute les abonnements des mois de juin et juillet. D’un autre côté, la durée totale de ce final approchant les 4 heures, les Duffer Brothers auraient très bien pu les diviser en bien plus d’épisodes et Netflix faire durer bien plus le plaisir : estimons-nous donc heureux…

La vraie question est plutôt de savoir si cette conclusion de l’avant-dernière saison de l’une des séries phares de Netflix va satisfaire les fidèles, après sept épisodes qui en avaient stimulé (renouvelé ?) l’intérêt. Et la réponse est malheureusement incertaine. Si les frères Duffer prennent clairement leur œuvre très au sérieux, puisqu’ils ont réalisé ces deux épisodes, c’est du côté du scénario que Stranger Things se met à clocher sérieusement.

Papa, l’avant-dernier épisode, plus sombre que les précédents, fonctionne bien en tant que préparation pour le grand final, et sert surtout à clore le sujet du laboratoire et des rapports entre Eleven et son abominable « papa » manipulateur. Malheureusement, la partie russe – la partie « adulte » de l’histoire – semble définitivement déconnectée du reste, et n’ajoute pas grand-chose, si ce n’est quelques plaisanteries et un peu d’action traditionnelle dans la lutte contre les Démogorgons.

Le problème est plutôt cet interminable dernier épisode, The Piggy Back, qui aurait pu être facilement coupé d’une quarantaine de minutes, et qui n’apporte aucune résolution claire au combat entre nos jeunes héros et Vecna / Un. Était-ce vraiment nécessaire de monter une situation aussi compliquée que cette idée de connexion – qui ne servira à rien, en fait – entre des personnages géographiquement éloignés, pour aboutir de toute manière à l’inévitable – et prévisible – duel de super-pouvoirs entre El et Vecna ? Pourquoi les Frères Duffer hésitent-ils tant à sacrifier un personnage principal, envers et contre toute logique, alors que tout le monde sait bien depuis Game of Thrones que la mort des « héros » est l’un des éléments de satisfaction des téléspectateurs ? Pourquoi tant d’incohérences et d’approximation dans un scénario à trous, indigne de la qualité générale de la série, et qui met à mal la croyance du téléspectateur ? A quoi riment ces loooongues – et assez niaises – scènes de retrouvailles qu’on pourrait zapper sans problème ?

Soyons sincères, tout n’est pas mauvais dans cet épisode, et la partie tournant autour de Eddie est très divertissante : que ce soit la scène wtf mais jouissive de l’interprétation par notre « metalhead » du Master of Puppets de Metallica afin d’attirer les chauves-souris (… et qui nous laisse espérer que ce titre connaîtra un même regain de popularité que le Running Up That Hill de Kate Bush ?), au encore cette attraction naissante entre Will et Eddie, qui nous attache encore aux deux personnages.

Et puis, il y a ces derniers plans apocalyptiques qui laissent entendre que la dernière saison ne pourra plus a priori suivre le même canevas que les précédentes (des enfants / ados luttant contre des démons à l’insu du monde adulte) : espérons que ce changement d’échelle qui semble inévitable apporte un nouveau souffle à une série qui aurait gagné à se terminer plus tôt.

[Critique écrite en 2023]

https://www.benzinemag.net/2022/07/05/netflix-stranger-things-saison-4-volume-2-un-grand-final-decevant/

EricDebarnot
7
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le 22 déc. 2023

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Eric BBYoda

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