« Money, money, money » ♪
Tant pis si la vidéo est aussi vide de contenu que le crâne de ton futur gosse que tu foutras devant les Ch’tis à Mikonos et le journal de Claire Chazal. Tant pis si les blagues sont foireuses, et les sponsors trop obvious, encore plus repérables que NKM en opération communication dans le métro parisien.
Avec la création il y a quelques mois des chaînes Studio Movies et Studio Gaming, le Studio Bagel est tombé au plus bas. Dès le départ un appel muet aux sponsors, le Studio Bagel qui travaillait déjà pour Orangina, fait maintenant la promotion de films et de jeux vidéos sur des chaînes dédiées…
Je ne prétends pas donner des leçons de sociologie, mais c’est assez représentatif de la manière dont fonctionnent les médias actuels et particulièrement internet. Sur YouTube ce n’est un secret pour personne : depuis 5 ans, les apprentis podcasteurs à la Norman et Cyprien, les let’s playeurs Minecraft ou encore les pros des tutos maquillage ce sont multipliés avec plus ou moins de succès, appâtés par le grand espace de liberté (plus ou moins surveillé) qu’offre cette plateforme, et par le succès et les possibles revenus à la clef.
Et ça, ça donne par exemple la société de production Studio Bagel, agglomérat hétéroclite de Youtubers qui culmine à plus de 40 millions de vue par mois (faites le calcul, si 1 000 vues correspondent à 1 euros…). Elle est rachetée cette année à 60% par Canal + qui, comprenant l’influence des jeunes médias, a déjà fait main basse sur Bapt et Gaël, Maxime Musqua, La Ferme Jérôme, Monsieur Poulpe, etc…
J’aurais tendance à dire que lorsque l’argent atteint un milieu, en l’occurrence Internet, le risque inhérent est que certaines personnes au départ douées des meilleures intentions fassent de leur loisir un métier, et perdent parfois en cours de route l’envie, le plaisir et la motivation. Le problème n’étant pas les sommes impliquées, mais bien l’intelligence, l’originalité et la pertinence des vidéos… autant de jolis noms communs qui ne sont ici plus au rendez-vous.
Ce n’est bien sûr pas une fatalité ! Salut les Geek, Le Fossoyeur, Suricate, Le Rire Jaune, What The Cut (quoique…), Axolot, e-penser, Bonjour Tristesse, Data Gueule, et récemment FrenchBall (l’équipe de FrenchNerd nous faisant l’honneur de revenir en course après la dernière du Visiteur du Futur)… J’ai pleins de raisons de croire que YouTube français n’est pas mort, loin de là.
Mais même ailleurs. Il suffit de voir comment le millionnaire suédois PewDiePie a, pour plus d’indépendance, décidé de quitter son gigantesque network, lui-même acheté par Disney pour 2,5 milliard de dollars… tout ça tout en restant humble, reconnaissant envers son public, et en continuant de donner à des associations de temps en temps. How sweet.
Sans forcément passer par l’humanitaire, le maître mot pour maîtriser son succès et continuer de fournir un bon contenu semble être l’indépendance. Par exemple, Matthieu Sommet, en engageant lui-même un assistant auquel il reverse la moitié de son salaire, s’accorde le luxe de parler ce qu’il veut, comme il veut. On peut tout lui reprocher sauf de faire du fan service. Sortir deux vidéos par mois au moins (au lieu d’une environ la saison dernière) lui permet aussi (en théorie) de doubler ses revenus, ce qui fait qu’il peut continuer de nourrir grassement son chat tout en réagissant plus vite à l’actualité.
Surproduit ne veux donc pas dire mauvais. Mais la dépersonnalisation d’une chaîne par de multiples sponsoring et achats provoque bien souvent une décroissance de l’intérêt des Youtubers pour leur propres vidéos.
Et la dernière chose dont Internet a besoin est bien de gens qui ont perdu l’envie de toujours mieux faire et se satisfont de vidéos médiocres.
Non, on a déjà la télé pour ça.
_______________________________________________________
http://www.senscritique.com/liste/Le_meilleur_et_le_pire_de_Youtube_selon_mon_humble_personne/452268