Un flic, un meurtre, un procès. The Wire commence comme une série policière banale, relatant l'enquête menée par une petite équipe de police sur une bande de dealers. Commence. Parce qu'ensuite, tout s'amplifie. Et la fiction nous plonge dans la réalité brute d'une Amérique qui ne fait pas rêver. Celle de la pauvreté, de la drogue et de la violence. Celle de la corruption politique et des rivalités de personnes. Celle des écoles pourries, de la presse avide de scoop, des mafias et des sans-abri. Celle de Baltimore.
Car le véritable héros de The Wire n'est pas McNulty le flic rebelle, ni le rigide Daniels, ni le mafieux Barksdale, ni l'ambitieux Carcetti, ni Bubbles l'indic. Non, le héros de la série, c'est Baltimore, Baltimore sous toutes les coutures, des docks à la mairie, en passant par les carrefours où le deal tient lieu de commerce de base. Baltimore sombre, Baltimore noire, Baltimore pauvre surtout, même si l'argent, comme partout y tient lieu de Loi. Baltimore attachante, aussi, jusque dans sa violence et sa misère.
Baltimore où les "gentils" ne gagnent pas face aux "méchants". D'ailleurs, y a-t-il des gentils dans The Wire ? Je ne crois pas. Il y a ceux qui sont censés faire respecter la Loi, ceux qui la transgressent, et ceux qui, ma foi, s'en accomodent comme ils peuvent. Ceux qui sont sur écoute, et ceux qui les écoutent. Ceux qui vivent, ceux qui tuent, et ceux qui meurent. Ceux qui dirigent, ou croient le faire, et ceux qui exécutent - parfois au sens propre du terme. Ceux qui aiment, aussi, quel que soit leur bord. Parce que même les méchants aiment. D'ailleurs, sont-ils vraiment méchants ? Ou sont-ils ce que la vie a fait d'eux ?
Inutile d'attendre un happy end, d'espérer voir les "bons" promus, et les tueurs en prison. Même si certains s'y retrouvent... pour un temps.
The Wire est une série unique, par sa vision sociologique de la ville et par son réalisme brutal. Par sa représentation d'une Amérique non-fantasmée, d'une police bien souvent impuissante, d'un monde politique où tous les coups sont permis. Mais aussi par le portrait qu'elle peint des gens, des petits, des sans grades, de ceux qui sont dès l'école destinés à revendre de la came au coin de la rue, ou à ramer, ramer encore pour travailler comme ils le peuvent, sur les quais, dans la rue ou dans les salles de classe. Ou des puissants, à leur niveau, qui tombent toujours sur plus puissants qu'eux-mêmes.
The Wire est pessimiste, au possible, même s'il y germe quelques graines d'espoir. Comme celle d'un délinquant pris en main par un policier anticonformiste, qui semble avoir un autre avenir que celui auquel il semblait destiné. Mais elles sont rares. Très, trop rares.
The Wire n'est pas un conte de fées.