Malgré de multiples recommandations, j'aurais mis du temps avant de me lancer dans The Wire. Il m'a fallu la découverte, puis l'immense claque de Treme, série créée par le même David Simon pour qu'enfin je la visionne, et quelle claque ! Cinq immenses saisons au coeur de Baltimore, où l'on immerge dès les premières secondes sans jamais y en sortir, tout le long passionnant, haletant et capable de nous faire passer par tout un panel d'émotion.
D'abord au côté des policiers, c'est surtout au cœur des rues de Baltimore que The Wire nous immerge, sachant aborder plusieurs thèmes et changer de terrains de jeux, de la drogue à la politique en passant par la situation sociale ou les médias, chaque cas renvoyant aux fondations et bases de l'Amérique d'aujourd'hui. The Wire c'est avant tout un bijou d'écriture, tant dans les personnages, que dans leurs évolutions, les relations qu'ils vont entretenir ainsi que le déroulement de chaque saison. Ils ne se perdent jamais en cours de route, tous sont consistants, tant les premiers rôles que ceux plus en retrait, pouvant parfois réapparaître après une longue absence. Sur tous les aspects, ils ne manquent jamais d'idées et de créativités, frôlant souvent la perfection et sachant régulièrement se renouveler pour ne pas tourner en rond. Tout le long ambigu, David Simon prône le réalisme et donc évite tout manichéisme ou figure héroïque. Alternant entre vie privée et professionnelle des personnages, aucun n'est parfait, chacun essaye juste de survivre à sa façon et ils sont tout le temps consistants, il prend bien le temps d'évoquer les racines et la condition dans laquelle tu grandis et l'influence que ça aura sur ce que tu deviendras.
Une fois la qualité d'écriture évoqué, la deuxième claque de The Wire vient de la façon de la mettre en scène. Jouant régulièrement sur plusieurs tableaux, la série passe d'un thème à un autre et/ou d'un personnage à un autre avec autant d'aisance que de talent. L'intensité est au rendez-vous, tout comme la tension et The Wire sait prendre son temps lorsqu'il faut, avec subtilité, développer un personnage ou une thématique. David Simon nous fait voyager dans plusieurs endroits et aspects de Baltimore, rendant tout le long la série passionnante, haletante et provoquant un effet d'addiction, impossible d'en décrocher. Optant parfois pour un style plus documentaire et ayant une certaine science du détail, The Wire alterne bien les différents styles, que ce soit le côté thriller ou drame, tout en y maintenant un suspense constant, que ce soit sur les personnages, enjeux ou finalité de chaque saison. La force de The Wire se trouve surtout dans le panel d'émotion qu'il arrive à dégager, que ce soit dans la dramaturgie ou la légèreté et on s'attache à certains personnages tandis que d'autres nous répugnent, mais aucun ne laisse vraiment indifférent.
En nous emmenant au cœur de Baltimore, David Simon met en place une violence se trouvant à tous les étages de la société, dans la rue de manière la plus primitive qu'il soit jusqu'aux classes les plus hautes. Jouant sur plusieurs tableaux, il ne néglige jamais le fond de sa série, mettant en place une analyse sociale qui renvoie inévitablement aux États-Unis et ses institutions. Il alterne les points de vue, que ce soit dans la misère et la noirceur des quartiers les plus pauvres où diverses bandes se font la guerre jusqu'aux médias ainsi que ceux qui dirigent et donc l'envers du décors (les bonnes questions expédiées, l'ambition, la corruption, le populisme et tout un passionnant tableau politique). C'est surtout au cœur du quotidien de la police qu'il nous emmène, que ce soit dans les bureaux, les enquêtes ou dans la rue, la façon dont ils sont traités et comment ils tentent de s'organiser face à toute cette violence. Peu à peu The Wire s'intéresse à la façon dont les gamins peuvent se sortir, ou au contraire s'enfoncer, dans la misère et la violence, la façon dont ils sont, ou non, aidés.
Si le réalisme est à ce point présent, tout comme les diverses émotions que l'on peut ressentir à l'égard de divers personnages, c'est aussi grâce aux interprétations. Si mes principaux coups de cœur vont à Dominic West, Idris Elba, Wood Harris, Andre Royo, Tristan Wilds, Hassan Johnson et Wendell Pierce, respectivement dans la peau de McNulty, Stringer Bell, Avon Barksdale, Bubbles, Michael Lee, Wee-Bey et Bunk, tous les acteurs sont impeccables, sachant bien retranscrire les émotions et évolution de leurs personnages. La réussite vient aussi de la musique, ainsi que son utilisation, sublimant un générique mémorable et on ne peut qu'apprécier la science du détail de David Simon, notamment dans la reconstitution des rues, des trafics, écoles ou encore dock de Baltimore.
On ne peut qu'user de superlatif lorsqu'on évoque The Wire, somptueuse série qui, durant cinq saisons, nous aura plongé au cœur de Baltimore et mis en valeur, avec intelligence et subtilité , les défaillances de ses institutions et la violence engendrée. Passionnante et capable de provoquer tout un panel d'émotion, elle bénéficie surtout d'une extraordinaire qualité d'écriture et d'une mise en scène qui se montre à la hauteur et la sublime. David Simon récidivera avec Treme, autre immense série où il nous plonge dans la Nouvelle-Orléans après le passage de l'ouragan Katrina.