The Americans s’est conclue en 2018 par une sixième saison. La critique est enthousiaste, le grand public l’ignore, les prix couronnant la série sont rares.
Écrit par un ancien agent de la CIA, le scénario se base sur l’histoire vraie des « illégaux », un programme d’agents soviétiques évoluant sous une fausse identité comme des citoyens américains lambda. Ils forment pendant des décennies des couples artificiels, font des enfants, les élèvent sans leur révéler leur réelle identité et activité, s’insèrent dans la société…tout en accomplissant différentes missions pour le service de renseignement russe. Cela va de la collecte d’informations aux assassinats, en passant par l'infiltration (certaines pouvant durer des années).
Une série d’espionnage mais pas seulement, elle s’intéresse à parts égales aux notions de couple, de parentalité, du quotidien, de l’affirmation de soi, du mensonge, de la loyauté.
Le pitch est ambitieux, le scénario de la série l’est davantage, grâce notamment aux témoignages d’anciens espions et du soin apporté à l’écriture.
L'histoire commence sous l’ère Reagan. La reconstitution de cette période est très bien dosée, sans effet appuyé, nous voilà projetés dans la réalité d’un quotidien banal. Le travail abattu par les équipes des décors, maquillage et costume est énorme et précis. La bande originale se montre aussi pointue en creusant pour chercher des trésors tout sauf évidents des années 80.
C’est une série mélancolique et tendue, avec des temps suspendus, de longs silences. Le rythme se montre implacable sans chercher à créer de la tension artificiellement. Les scènes d’actions, de meurtres, y sont sèches et brutales. Rien n’est manichéen, il n’y a que du doute, de la subtilité, du travestissement, des nuances, du questionnement.
Côté interprétation, je m’incline. Le couple formé par le directeur de casting est (info people) devenu un couple à la ville quelques mois après le début de la série. Il est composé par Kerry Russel et Matthew Rhys. Le personnage féminin est dingue de brutalité, d’engagement, de sécheresse, de certitude. Le personnage masculin, tout aussi efficace dans son travail d’espion que sa partenaire, demeure empli de questionnements sur son pays d’origine, et sur celui dans lequel il vit depuis plusieurs décennies. Le duo de comédiens est impeccable. La justesse, la précision du jeu, les regards, la manière dont il joue avec le rythme de leur corps, c’est un délice ne serait-ce que de les regarder jouer. A souligner, la performance d'Alison Wright dans un second rôle. Cette actrice arrive à faire de son personnage un aimant à empathie.
L’histoire dont les fondements sont établis dès le début du show, trouve un développement de qualité tout au long de ses 75 épisodes, le tout conclu avec un superbe épisode final tout en tension. C’est un exploit quand on connaît le nombre de séries qui ont des saisons inégales ou qui ne savent pas bien finir. The Americans évite tous ces écueils, elle a su rendre un dernier épisode de grande qualité, sans avoir recours à de grosses scènes d'actions ou d'explosions, non, juste grâce à son écriture dense et subtile.
On pourrait être triste que ce soit terminé, mais on préfère être plein de gratitude d'avoir eu une si bonne et juste compagnie.