Je ne sais pas vous, mais pour moi, les Beatles, c'est... AUTRE CHOSE. Même si Bowie, Peter Hammill, Cohen ou le Velvet Underground ont été plus essentiels à la constitution de mes goûts musicaux, je ne vois pas qui peut dépasser les Beatles en génie absolu dans l'histoire de la musique moderne. Ce qui est inouï avec "Get Back", mise en forme des heures et des heures de films réalisés en 1969 lors de sessions studios des Fab Four - assez mal en point, déjà, on le sait - visant à la préparation d'un concert qui n'aura pas vraiment lieu (quelques chansons sans public jouées sur le toit du studio, et c'est tout), c'est qu'il témoigne de la simple humanité de Lennon, McCartney, Harrison, Starr (des gens comme les autres après tout, ce dont on ne doutait pas, en fait...) tout en nous foudroyant régulièrement par des éclats impensables de ce fameux génie. Du coup, le visionnage de ces 8 heures de film (car il n'y a aucune raison de qualifier "The Beatles : Get Back" de série TV, c'est un film de 8h divisé en 3 parties, c'est tout) s'apparente à une expérience quasi hallucinatoire, un trip dans un monde à la fois quotidien et irréel. Au cœur de la Musique. Au cœur de l'une des Musiques les plus belles et les plus importantes qui soient.
Et, honnêtement, je n'ai absolument aucune opinion sur le fait que ça soit Peter Jackson qui ait réalisé la sélection et la compilation de ces 8 heures d'images et de musique, je ne sais pas si c'est bien fait ou mal fait. Je pense qu'un vrai documentariste (Depardon, par exemple) aurait sans doute réalisé quelque chose de meilleur, de plus juste, de plus révélateur, etc. Mais je m'en fous complètement, en fait.
Alors, pour parler un peu plus, un peu mieux de "The Beatles : Get Back", je vais reprendre ci-dessous, en l'adaptant à mon propre ressenti, un beau texte de Michael J. Sheehy, qu'il a partagé sur Facebook :
Ce que j'aime :
- La manière stupéfiante (sans doute pour moi le meilleur du film) dont des mélodies géniales apparaissent par magie sous les doigts de McCartney, qui vont devenir les grandes chansons que le monde entier connaît.
- Lennon qui se pointe à Twickenham les mains dans les poches, ne ramenant avec lui que Yoko et son propre humour de merde.
- Yoko Ono, au milieu de la pièce, sans un sourire, sans un mot (quelques bisous à John), forcément ignorée par tout le monde.
- La manière dont les tensions et les rancunes entre les quatre sont (mal) dissimulées par les plaisanteries, le manque de communication et l'agressivité latente.
- L'amour de tous pour les classiques du blues, du rock'n'roll, de la country music, qui montre combien la musique des Beatles, aussi novatrice ait-elle été, ne vient pas de nulle part...
- Les clopes partout, l'absence de cendriers, les verres de jus d'orange de merde, le bordel général avec les micros mal orientés (George Martin explique patiemment le problème...).
- La reconnaissance de la date de la naissance d'Elvis Presley (John salue, Paul dit : "God save our gracious King").
- George Harrison qui arrive, lui avec des chansons quasiment finies, et qui ne seront pas très bien reçues par les autres, alors qu'elles sont formidables ("All Things Must Pass" en témoignera !).
- Cette conversation absurde entre Lennon et McCartney à propos de la crise de George Harrison, volée par un micro caché à la cafétéria.
- La joie visible sur le visage de Billy Preston pendant la quasi totalité des sessions.
- La politisation bien venue des paroles de Get Back en réaction au discours anti-immigrants de l'extrême-droite britannique, au point où se demande pourquoi les Beatles n'ont jamais pris la décision de politiser certaines de leurs chansons (ce dont Lennon ne se privera pas, par la suite...). Il y a aussi l'improvisation Preston-Lennon sur l'égalité raciale...
- L'air ahuri de Heather McCartney quand elle regarde Yoko Ono en train de hululer au micro.
- Quand George aide Ringo sur "Octopus's Garden".
- La manière dont, lorsqu'ils jouent ensemble, les quatre montent en puissance, et la musique qu'ils font se met à planer à une hauteur inimaginable.
- l'énergie "punk" de McCartney au cours du set sur le toit, surtout quand les menaces d'interdiction par la police se font pressantes.
- l'apparition occasionnelle et pourtant frappante de fragments de chansons qui deviendront des marqueurs des futurs albums solo de chacun (et en particulier cette première version de "Jealous Guy" en "On the Road to Marrakech").
... mais surtout ...
- en dépit des conflits, du ressentiment, de l'usure... la complicité, voire l'amour entre John, Paul, George et Ringo, qui finit toujours par ressortir.
Let It Be ? No, All You Need is Love !
[Critique écrite en 2022]