God Save the Queen !
En tant que fane de l'Histoire britannique , j'attendais avec grande impatience cette série. Et je n'ai pas été déçue ! Tout d'abord la reconstitution historique est brillante , les manoirs...
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le 6 nov. 2016
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8
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Saison 1 :
La première série Netflix produite en / par l'Angleterre n'a a priori pas grand chose d'attirant, semblant capitaliser sur la fascination (quasi) universelle pour la monarchie britannique tout en misant à coup de budgets colossaux sur une reconstitution historique hyper-léchée, nous garantissant systématiquement un académisme pesant. Et puis... non ! "The Crown" s'avère dans sa première saison un parcours toujours simulant à travers une époque déjà lointaine, où "l'Empire" s'effondrait, où un certain vente de liberté soufflait déjà sur la société, mais où les mœurs étaient encore corsetés par une ensemble de règles complexes et contraignantes. La série de Peter Morgan louvoie avec élégance entre récit historique (la fin de Churchill, la tension croissante dans le Commonwealth et avec les pays en voie d'émancipation), chronique mondaine (la rocambolesque histoire d'amour contrarié entre la Princesse Margaret - lumineuse Vanessa Kirby, qui rend un bel hommage à cette figure scandaleuse - et Peter Townsend) et introspection "psychologique" : ce sont sans doute les ravages sur sa famille (et sur elle-même, encore jeune et pleine d'espoirs) que cause la soumission de la Reine Elizabeth (débutante) aux règles de sa position politique et de son rôle symbolique en une époque difficile pour la nation britannique, qui constituent le sujet le plus fort de cette première saison. Le fait que les scénaristes ne reculent jamais devant la complexité intellectuelle, morale ou juridique des dilemmes auxquels fait face Elizabeth, et nous accompagnent patiemment, sans aucune volonté simplificatrice, à travers le labyrinthe d'une vie soumise malgré elle à un appareil terrifiant, constitue le cœur de la réussite de "The Crown". Et si la mise en scène, parfois véritablement inspirée, injecte là-dedans de superbes moments d'émotion et de lyrisme - dignes des grands films d'un David Lean, auquel on pense parfois -, et si les acteurs sont généralement superbes (la palme revenant au vétéran John Lithgow, magnifique incarnation de Churchill), eh bien c'est là une double cerise sur un gâteau ma foi fort roboratif.
[Critique écrite en 2018]
Saison 2:
La seconde saison de "The Crown" s'avère contre toute attente encore supérieure à la première, à la fois plus riche en moments d'émotion (contenue, bien entendu, nous sommes quand même ici dans la haute société anglaise du tout début des années 60 !) et plus extraordinaire dans la manière dont elle nous fait découvrir ou redécouvrir des moments-clés de l'histoire du Royaume Uni : l'affaire du Canal de Suez, la "rébellion" pro-soviétique du pouvoir ghanéen en pleine guerre froide, l'affaire Profumo... La diversification des thèmes déroute d'abord un peu, l'effacement de la femme derrière "la Couronne", qui était le grand thème de la première saison étant désormais consommé : chaque épisode ou presque devient un petit film d'une heure avec son sujet, son scénario, voire sa mise en scène particuliers. Ce pourrait être la limite de l'exercice pour cause d'éparpillement, cela devient un atout tant à chaque fois, la magie opère, et dans des registres différents. Les épisodes les plus extraordinaires sont sans doute ceux sur la modernisation de l'image de la Reine après un discours calamiteux, sur la rencontre littéralement bouleversante avec Jackie Kennedy, et bien sûr la relation torride mais malsaine entre la Princesse Margaret et le scandaleux et bohème photographe Armstrong-Jones. L'avant-dernier épisode, superbe, tranchant avec le reste, nous plonge dans l'enfance du Prince Philip et ses origines allemandes et nous vaut un flashback glaçant dans l'Allemagne nazie, tout en évoquant en parallèle la difficile éducation d'un Prince Charles trop sensible, trop rêveur pour répondre aux attentes de son père et, on s'en doute, à son destin (non réalisé, nous le savons aujourd'hui) de futur monarque.
Mais s'il faut retenir un thème de cette seconde saison, c'est celui de l'amour entre Elizabeth et Philip, qui ouvre et referme la saison avec les moments les plus intenses (le voyage autour du monde de Philip, son implication - avérée ? - dans l'affaire Profumo), un amour étouffé par le carcan des personnages que chacun doit jouer, mais qui palpite encore : plus que celle de Claire Foy, parfois un peu embarrassée dans son application à reproduire le plus justement possible les mimiques de la véritable Reine Elizabeth II, c'est l'interprétation vibrante de Matt Smith qui fait basculer "The Crown" vers l'excellence.
Pourvu que la troisième saison, annoncée avec un casting différent, ne vienne pas gâcher tout cela, "The Crown' restera probablement l'une des toutes meilleures séries jamais produites par Netflix.
[Critique écrite en 2019]
Saison 3 :
Si notre enthousiasme face à la troisième saison de "The Crown", une série que nous avons portée au pinacle lors de la diffusion de ses deux premières saisons, est un peu moindre, c'est que, comme la majorité des téléspectateurs, le changement complet du casting opéré par les showrunners nous a laissés frustrés, comme orphelins : il nous a fallu nous réhabituer à de nouveaux visages alors que nous avions appris à tant aimer Claire Foy et Vanessa Kirby. Et si l'étonnante introduction très "méta" du premier épisode confirme que les responsables de "The Crown" savaient bien que la pilule sera dure à avaler pour nous, même l'immense et indiscutable talent d'Olivia Colman nous laissera longtemps indifférents. Il faut admettre que le nouveau casting serait lui aussi impeccable, si ce n'était la contre-performance très gênante d'une Helena Bonham Carter qui ne prend jamais la pleine dimension de son personnage.
Et puis, il faut bien reconnaître aussi que l'effacement progressif de l'importance de la monarchie dans les affaires politiques ne contribue pas à rendre les scénarios de ces dix nouveau épisodes aussi mémorables que ceux des précédents... Avec deux exceptions, heureusement remarquables, qui hissent quand même in extremis "The Crown" sur le haut du panier des séries de l'année : il y a d'abord l'extraordinaire troisième épisode, aussi spectaculaire que terrible, sur la catastrophe d'Aberfan, épisode qui ouvre de plus un questionnement profond sur la personnalité de la Reine Elizabeth ; ce coup d'éclat n'est pas le seul, puisque le magnifique épisode consacré à l'immersion du Prince Charles dans la culture galloise, et son cruel retour à la réalité, s'avère littéralement bouleversant. Deux heures hors du commun, qui nous aident à supporter plusieurs baisses d'intensité de la saison, et qui nous permettent en outre d'attendre avec confiance une quatrième saison.
[Critique écrite en 2020]
Saison 4 :
La nouvelle saison de The Crown était, forcément, la plus attendue de toutes, parce qu’avec l’entrée en scène de l’idole globale que fut Lady Di, ainsi que de Margareth Thatcher, monstre politique qui marquera son époque autant que Sir Winston Churchill la sienne, The Crown touchait cette fois à deux mythes quasi-contemporains, et que, par conséquent, le pari des showrunners devenait sensiblement plus risqué… Et il faut bien admettre que Gillian Anderson semble souvent trop dans l’effort, tant elle cherche, peut-être pénalisée par l’absence d’une vraie ressemblance physique, à trouver la vérité du personnage de Thatcher dans l’imitation de sa voix, de ses expressions, de sa gestuelle et de ses poses. Le même reproche peut être fait à Josh O’Connor, qui semble beaucoup moins à l’aise en Prince Charles que dans la saison précédente, avec ses regards fuyants et sa tête toujours baissée (… même si l’on veut bien admettre que la personnalité troublée et trouble du Prince justifie cette rigidité alarmante !).
A l’inverse, le choix de la quasi-inconnue Emma Corrin pour interpréter la Princess of Wales est une formidable réussite, tant la jeune femme irradie en permanence une lumière éblouissante et justifie pleinement à l’écran le culte universel que suscita dans la réalité la jeune princesse. Les 4 épisodes (seulement !) centrés sur elle (Episode 2 : "The Balmoral Test" ; épisode 3 : "Fairytale" ; épisode 6 : "Terra Nullius", et dans une moindre mesure l’épisode 9, "Avalanche"…) sont des réussites majeures, conjuguant éblouissement et douleur devant les souffrances d’une jeune femme aussi brillante, littéralement broyée par le comportement de son mari et par l’indifférence presque criminelle de la famille Windsor. La série s’élève alors à de telles hauteurs d’intelligence et de classe qu’on souffre un peu lorsque, à chaque fois, l’épisode suivant nous oblige à quitter l’intimité de Diana Spencer pour explorer d’autres aspects de l’histoire de la monarchie anglaise.
Certains ont regretté aussi que la série n’analyse pas plus l’impact socio-économique du leadership Thatcher sur la Grande-Bretagne, mais on veut bien admettre que ce n’est pas là le sujet central de The Crown. Et on leur rétorque que ce qui est montré de Margareth Thatcher est déjà singulièrement accablant : son mépris pour les classes laborieuses, paradoxalement combiné avec une haine sauvage envers l’aristocratie, son indifférence vis-à-vis de la misère qui s’étend sur le pays, la violence avec laquelle elle a lancé le pays dans la Guerre des Malouines (même si, en face, la junte des généraux tortionnaires argentins méritait bien cette leçon !), son racisme profond, exprimé sans réserve vis-à-vis des leaders des pays du Commonwealth, son indéboulonnable certitude en ses choix, même contre tout le reste du gouvernement… tout est bien ici, bel et bien montré, jusque dans le fait qu’Elizabeth, toute traditionnelle qu’elle soit, et confinée à son rôle sans autorité aucune, ne puisse plus supporter sa First Minister (voir le formidable huitième épisode 48 :1, grand moment d’abjection politique !).
La saison se referme de manière intense par un dernier épisode, le bien nommé War, qui concentre en 54 minutes deux crises majeures : la rébellion des députés conservateurs contre Thatcher qui conduira au départ anticipé de celle-ci, et la véritable – et terrible – déclaration de guerre (et de haine !) du Prince Charles à son épouse, qui va entraîner les évènements dramatiques que l’on a encore en mémoire. Préparons-nous donc psychologiquement à la cinquième saison… qui, l’année prochaine, devrait a priori à nouveau opérer un remplacement des acteurs dans certains rôles principaux…
On en tremble à l’avance !
[Critique écrite en 2020]
https://www.benzinemag.net/2020/11/21/netflix-the-crown-saison-4-la-serie-confrontee-a-deux-mythes/
Saison 5 :
La reine est morte (The Queen is dead!), et Charles est enfin roi. Harry vient de publier un énorme brûlot - qu'il prétend pourtant avoir édulcoré - contre sa famille. C'est dire si le timing est idéal pour regarder la saison 5 de The Crown qui raconte, entre autres, la fameuse conversation téléphonique de Charles et Camelia, où sera cité l'inoubliable tampon, et l'interview dévastateur donné par Diana à la BBC. Cette conjonction de l'histoire et de l'actualité ajoute un du piquant à une saison qui, malheureusement, en manquerait...
... Et qui est sans doute la moins intéressante de toutes, à date : un autre changement des acteurs des rôles principaux - dont on aurait pu se passer - rend à nouveau difficile toute empathie avec des personnages qui nous semblent étrangers. Imelda Staunton, qui reste dans notre esprit marquée par son rôle tyrannique dans Harry Potter, n'a pas le talent d'Olivia Colman, même si physiquement elle ressemble plus à Elisabeth. Elizabeth Debicki, avec sa sensibilité à fleur de peau,fait une Diana touchante, mais vraiment trop grande pour que ce ne soit pas gênant. Dominic West est un Charles acceptable, mais sans plus, même si son ultime rencontre avec Diana nous offre un moment magnifique de mélancolie, se transformant peu à peu en aigreur, puis en colère : l'un des meilleurs passages de cette cinquième saison, qui manque cruellement d'émotion.
Finalement, le meilleur épisode est le troisième (Mou Mou), consacré à Mohamed Al Fayed, père de Dodi, qui rafraîchit agréablement une série semblant sombrer dans la même morosité qu'Elizabeth, dans une atmosphère (prématurée) de fin de règne ! Du coup, on a hâte - et on craint ! - d'en arriver au tunnel fatal du Pont de l'Alma, qui devrait être une sorte de couronnement morbide de toute cette longue, peut-être même trop longue histoire.
[Critique écrite en 2023]
Saison 6 :
La sixième et dernière saison de la série phare de Netflix, The Crown (une série tellement bonne qu’à elle seule, elle contrebalance quasiment toutes les errances qualitatives de la plateforme !) était celle de tous les dangers : il fallait d’abord réussir à traiter LE moment que toute la planète attendait, l’accident de voiture à Paris de Diana, et puis, tout aussi difficile, conclure ce grand roman à la fois épique et intime d’une monarque à nulle autre pareille, Elizabeth II. On peut donc se déclarer satisfait que ces deux défis de taille aient été bien relevés par Peter Morgan et son équipe : il aurait été dommage de les voir se planter dans la dernière ligne droite après cinq saisons aussi impeccables !
Pour le récit des dernières semaines de vie de la Princesse Diana (Elizabeth Debicki, parfaite…), de sa mort dans l’accident du Tunnel du Pont de l’Alma, et de de l’impact dévastateur de cette disparition dans le monde et sur la monarchie britannique, les cinq premiers épisodes de cette dernière saison volent haut, très haut même. Le suspense est souvent insoutenable, puisqu’on sait tous ce qui va advenir, mais The Crown évite de jouer la carte de l’émotion facile et garde une vraie rigueur au cours de ces cinq heures essentielles. Cinq heures d’une œuvre télévisée qui devaient forcément être le couronnement d’années d’un travail plus que sérieux, tant au niveau historique que cinématographique (oui, cinématographique, on choisit soigneusement ces mots, car à l’heure où un autre Anglais, Ridley Scott, se ridiculise avec son Napoleon, il est impossible de ne pas comparer les délires de ce vieillard suffisant et hargneux avec ce que nous a offert Peter Morgan !) : cinq heures que l’on pourra qualifier de « parfaites ».
Bien sûr, les conspirationnistes de tout poil pesteront que la série adopte le point de vue de la Couronne d’Angleterre, ou plutôt celui de la Police Française et de Scotland Yard, sur ce qui n’est très probablement qu’un accident. Bien sûr, même en faisant une pause d’un mois dans sa mise en ligne pour que la pression sanguine du téléspectateur puisse redescendre d’un cran, la série a du mal à s’en remettre, à reprendre sa trajectoire : les épisodes six et sept (sur les amourettes entre William et Kate Middleton !) sont relativement fades, ennuyeux presque, mais c’est peut-être nous qui, décidément, n’avons pas la tête à ça !
The Crown se ressaisit dans ses trois derniers épisodes, qui traitent tous plus moins de la mort – celle de la Princesse Margaret, celles, futures de Philip et Elizabeth, qu’il faut bien planifier dans les moindres détails -, mais surtout des dernières hésitations d’Elizabeth : faut-il continuer à régner jusqu’à la fin, ou vaut-il mieux passer le relais (le sceptre) à Charles qui s’impatiente de plus en plus ? Bien entendu, nous connaissons tous la réponse à cette question, mais elle est l’occasion de confronter la Reine à ses souvenirs (cette fameuse nuit de célébration de la fin de la guerre au Ritz), mais aussi à la femme qu’elle a été, et qu’elle n’est plus : le retour symbolique de ses précédentes incarnations (Claire Foy et Olivia Colman) , pour artificiel qu’il puisse sembler, n’est dénué ni de pertinence, ni d’émotion. EMOTION, voici un mot qu’on n’a pas eu beaucoup l’occasion d’utiliser pour célébrer une série qui a surtout fait preuve d’intelligence, mais le dixième et dernier épisode de la dernière saison, Sleep, Dearie Sleep, durant une heure et quart, régulièrement élégiaque, nous laissera avec des larmes plein les yeux.
[Critique écrite en 2023]
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Créée
le 24 déc. 2023
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