Big Brother is Misogyne
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le 17 oct. 2017
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« The Handmaid’s Tale » est avant tout une histoire de survie. Un portrait de femme absolument déchirant qui montre la tragédie d’une résistance aussi physique que mentale. D’ailleurs, la série commence de cette façon, par l’évasion (mais de quoi ? De qui ?) de June et de sa famille. Après son arrestation, on la découvre dans son rôle de servante. Vous ne serez clairement pas ménagé, on rentre directement dans le vif du sujet. Nous suivons June au plus près du quotidien tout en la découvrant au fur et à mesure que les souvenirs s’entrechoquent dans sa mémoire. La mémoire, voilà bien ce qui définit un individu et qui permet entre autre à ces femmes de survivre. Retrouver l’être aimé, ne pas oublier qui l’on est ou ce que l’on vaut.
Cette tension anxiogène et la description sinueuse des codes de cette dictature sont soutenues par une mise en scène sensible. La caméra s’efface et sait prendre la bonne distance. Tour à tour émouvante en serrant délicatement sur le visage des personnages puis froide dans son regard frontal sur les rituels (les séquences du rituel de fécondation font penser au cinéma de l’autrichien Michael Haneke, réalisateur de « Funny Games » ou « Le Ruban Blanc »). La photographie, très soignée, montre des couleurs chaudes mais coupées par une sorte de voile blanchâtre, étouffant en quelque sorte tout éclat. Une symbolique visuelle qui ne lâchera pas l’évolution de l’histoire.
Pas une seule fois « The Handmaid’s Tale » ne cède à la facilité. Chaque épisode prend bien son temps pour faire ressentir tous les enjeux primordiaux. Des petites intrigues qui finissent par déployer leur force émotionnelle. Chaque personnage est éclairé d’une façon particulièrement fine, occultant tout manichéisme. Entre révolte, résignation, acclimatation ou tyrannie, tout se trouble, se mélange pour donner une sensation irréelle à ce qui se présente. Cela donne parfois l’impression de ne pas savoir qui a véritablement voulu ce changement radical. Les instigateurs donnent parfois l’impression de subir presque autant que les victimes (au moins moralement). Un regard fort, ambigu et finalement assez juste.
Le récit joue sur une constante peur viscérale qui ne demande qu’à exploser. Il n’y a pas de place pour le bonheur car il est systématiquement repris. Le passage de l’accouchement d’une des servantes est vraiment poignant. Cet instant magique dans la vie d’une femme, magnifiquement soutenu par les autres servantes, est contrebalancé par le fait que son bébé lui sera de toute façon enlevé. D’autres scènes similaires feront l’effet d’une gifle. La banalisation du viol, l’interdiction de se cultiver, de penser, de ne pas pouvoir disposer de son corps et autres sévices imposés pourraient annihiler tout espoir d’humanité. Elle est pourtant bien là, cette humanité, nichée au cœur des ténèbres.
L’esprit humain est en toute circonstance insondable. L’histoire l’a prouvé dans de nombreuses périodes, notamment les plus effroyables. Sans discours enflammé ou manifestation engagée, « The Handmaid’s Tale » montre les petites révoltes ou victoires qui se diffusent au fil des épisodes. Des petites choses qui sembleraient dérisoires pour nous mais qui sont vitales pour elles. Alors un sourire, une larme de joie, un regard compatissant suffisent à redonner l’espoir. « Je ne suis pas seule », une phrase gravée que June va amplifier par ces actes. Entre concessions et avancées, elle joue avec les Waterford pour mieux abuser de leurs règles.
Cette société soi-disante paradisiaque ne ressemble à aucune autre. Elle ne peut cependant nous empêcher de nous rappeler les moments les plus sombres de l’humanité. Les voyages entre passé et présent dans la série n’arrivent pas à nous faire comprendre ce que l’Amérique a gagné avec ce changement réactionnaire et violent. Pire, de manière cynique, elle ressemble terriblement à notre époque actuelle. Évidemment, nous sommes loin de ce que montre la série mais ce sentiment de haine, de frustration, d’intolérance, de résignation et ce souci chez certains groupes de faire reculer des acquis humains alertent sur notre façon de regarder la série. Serait-elle le miroir d’un futur qui se dessine ? Sans céder à la facilité, « The Handmaid’s Tale » montre que l’individu peut toujours prendre sa destinée en main.
Cette saison 1 constitue un des résultats les plus profonds et émouvants proposés à la télévision américaine. C’est également le récit d’anticipation le plus réaliste depuis « Les Fils de l’Homme » (2006), chef-d’œuvre d’Alfonso Cuaron. Dix épisodes incroyablement pensés, précis et forts dans leur conception. La dureté des images n’empêcheront jamais l’émotion d’éclore au fond de vous. Le choquant n’occulte jamais la beauté de ces femmes, leur combat et la volonté de s’accrocher à la vie. Beaucoup de choses sont encore à découvrir, que ce soit dans le fonctionnement du système ou les secrets des personnages. La suite s’annonce musclée mais espérons que les auteurs garderont le même style.
Créée
le 21 oct. 2020
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