Game of Balls

Qui a fait de Michael Jordan un héros, un demi-dieu moderne ? S’est-il forgé lui-même son propre destin, par sa seule volonté de fer et beaucoup de travail ? Est-il né dans la bonne famille ? Est-ce dû à l'éducation reçue de ses parents et de ses frères, lui apprenant à se battre sur toutes les balles comme si c’était la dernière de sa vie qu’il touchait ? Ou est-ce plutôt les rencontres qui ont été déterminantes dans sa vie, qui ont fait de lui l’homme qu’il est devenu ? La bonne réponse, s'il y en a une, se cache sûrement derrière toutes ces questions.

Et qui a fait de cette équipe des Bulls de Chicago ce taureau inarrêtable, remportant cinq titres de la NBA en sept ans ? Michael Jordan ? Ses co-équipiers Scottie Pippen, Dennis Rodman, etc. ? Son entraîneur, Phil Jackson ? Son manager, Jerry Krause, ou son président ? La presse ? Les fans ?

On va donc naviguer entre les périodes clé de l'histoire du club pour tenter de comprendre comment cet homme-dieu et cette équipe masculine sont devenus des mythes américains, à travers les différents épisodes de ce documentaire et sa narration alternant les timelines.

La série se concentre sur une année paroxystique, la saison 1997-1998, et sur cette tension diffuse qui accompagnait alors les Chicago Bulls, en nous faisant partager autant le point de vue de ceux qui composaient l’équipe, que de ceux qui la dirigeaient ou commentaient leurs exploits sur le terrain, dans la sueur, le champagne moussant, et un déversement d'hormones mâles (peu de place ici laissée au sexe féminin).

Attendus par tout le monde, les joueurs et sa star principale tentent de (sur)vivre dans cette agitation médiatique constante, ne contrôlant même plus leur image. C'est d'ailleurs avec une volonté certaine de reprendre possession de leur récit que Michael Jordan et ses coéquipiers se mettent en scène dans ce documentaire, au détriment d'autres, comme Jerry Krause décédé en 2017, n'étant plus ici pour se défendre. Cette narration renforçant leur propre mythe draine toutes les critiques imaginables de biais subjectifs du regard. Soit, un documentaire n'est de toute façon qu'un point de vue sur l'histoire, jamais totalement objectif.

L’équipe qui accumule les trophées et que tout le monde croit invincible ne repose en fait que sur un équilibre instable. Leur célébrité peut-être non désirée, est vécue par beaucoup comme un fardeau, une couronne posée sur la tête de rois qui ne souhaitent parfois plus qu'une chose : abdiquer, en finir, pour se libérer de ce poids énorme et retrouver un désir de vivre, autrement qu'en étant confinés dans leur chambre d'hôtel pour trouver un peu de paix intérieur. Derrière de réelles amitiés forgées avec le temps se cachent aussi des haines cordiales, beaucoup d’égos froissés, de la rancune et de la frustration emmagasinées jusqu’à plus soif. La marmite bout et ne demande qu’à exploser. Trop d’adrénaline, de pression (et d'argent) en jeu.

Sur ces fondements instables, l’équipe parviendra-t-elle à conquérir son sixième titre ? Là est tout le brio de cette série, construire un redoutable suspens via l’interview classique de tous les acteurs principaux (ou presque), entrelaçant des images de leurs performances sur le terrain narrant ce moment capital pour le monde de la NBA et cette communauté sportive.

Derrière celle-ci, se dessine aussi la psychologie complexe d’une équipe de basket-ball de légende composée et entourée d’une série d’individus au caractère fort, quelquefois perdus dans leur propre psyché, à la recherche d'eux-mêmes, tous désireux d’être en paix avec leur égo. Certains sont en quête de légitimité, d'autres de revanche, avec cette envie de prouver à ceux qui les avaient maudits de quoi ils étaient capables, pantins articulés d’un petit théâtre humain, accrochés aux fils de la (mal)chance et de la destinée jusqu’à aujourd’hui encore. Leur histoire nous est racontée d’une brillante manière par ce documentaire intense et passionnant à suivre.