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C’est un peu par hasard que je me suis décidé à regarder cette série, lors d’une de ces soirées ou l'on passe 1h à retourner Netflix à la recherche de nouveauté alors qu’on a déjà une liste de 90 films et séries qui nous attendent… Mais je ne suis pas déçu du voyage.


UN PEU DE CONTEXTE

The Naked Director c’est l’histoire vraie de l’homme qui a révolutionné l’industrie pornographique au japon dans les années 80-90 et de sa comparse Kuroki Kaoru pour laquelle j’ai développé une certaine admiration. Surnommé « le réalisateur nu » en raison de son look extravagant, cet ex employé de porte-à-porte victime de Netorare (les « man of culture » comprendront ^^) va faire une reconversion professionnelle dans l’industrie du X pour s’attaquer aux mœurs d’une société qu’il juge trop puritaine, quitte à risquer la prison pour défendre ses convictions. Tantôt admiré sur les plateaux télé, tantôt conspué et poursuivis par la justice, tantôt riche et célèbre, tantôt en conflit avec des clans de Yakuza, Toru Muranishi est un personnage pour le moins fascinant de par son ambition quasi mégalo, sa philosophie avant-gardiste et son audace artistique. Un leader charismatique dont l’ascension fulgurante n’a d’égale que sa misérable et triste chute… Mais c’est surtout à Kuroki Koaoru qu’il doit son succès, une femme qui arrivera à point nommé dans sa vie et dont le charme, la candeur et le dévergondage vont littéralement bouleverser la société et ses mœurs dès son premier film qui est aujourd’hui historique (j'ai trouvé l'original mais seulement en censuré sniff). Toru Muranishi lui-même a déclaré à propos de ce film et son actrice :

Avant de filmer, mon image de Kuroki Kaoru était l’image d’une jeune fille qui courait dans l’herbe. Pendant le tournage je la pinçais un peu, je serrais fort sa chair, je tâtais pour voir qu’elles étaient ses limites et elle répondait assez bien. C’est pourquoi j’ai pensé sur le moment qu’il valait mieux rajouter des éléments SM, et je me suis pris au jeu, chose que nous n’avions pas prévu de faire lors du tournage. Le seul problème c’est que nous n’avions pas encore d’expérience avec des tournages SM, donc quand nous avons commencé à filmer j’ai décidé de me lancer. La réponse de Kuroki Kaoru a été d’une violence presque animale, c’était incroyable, je la voyais se métamorphoser devant moi.
En 86, il est encore rare qu’une femme prenne l’initiative et s’engage dans un rapport sexuel sans cacher son désir. Le fait qu’une étudiante inscrite dans une université nationale puisse assouvir ses désirs et laisser parler ses instincts sexuels avec liberté a ouvert la voie de la libération des désir sexuels des femmes. Jusqu'à présent dans les films de romance porno il n’était possible de représenter l’érotisme que sous un angle criminel, une agression, un viol, ou une molestation, ce film a mis les femmes et les hommes sur un point d’égalité. Jusque-là je n’avais jamais pensé qu’une femme pouvait faire une chose pareille. Ce film a changé la culture sexuelle au Japon, c’est un film qui a fait prendre conscience aux gens qu’il était acceptable de faire ce genre de chose, il a montré qu’il était normal pour les femmes d’être désinhibé, et animal, et d’assumer leurs désirs.

Voilà qui donne une idée de l’impact médiatique et sociale de cette œuvre. Et c’est ça qui rend la série si intéressante, au-delà de la simple pornographie il s’agit surtout de raconter l'évolution des mœurs nippone à une époque où elles étaient encore plus étouffantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Ce qui est intéressant dans la pornographie c’est qu’elle reflète la morale de toute une civilisation, les limites de l’acceptable, l’image des femmes, des rapports humains en générale et la liberté sexuel.


The Naked Director se place également dans un contexte historique bien particulier, à la fin de l’aire Showa avec un empereur en fin de vie, plus vraiment apte à diriger le pays. A cette période les gangs de Yakuza sont au sommet de leur puissance, ce sont eux qui contrôlent toute l’économie du pays et la police totalement corrompu est à leurs ordre. Il faut comprendre que le Japon se remet encore difficile de la guerre, occupé par les américains jusqu’en 1951 ce n’est qu’en 1956 que la situation économique se stabilise. Puis en 1973 la guerre froide engendre un choc pétrolier alors que le pays en était dépendant a 100%, l’économie du pays s’écroule à nouveau et c’est de cette crise que les Yakuza, déjà bien en place depuis le départ des américains, vont tirer leur pouvoir politique. Les trafics en tout genre avec les triade chinoise et coréenne font tourner l’économie du pays jusqu'à ce qu’un nouvel empereur soit intronisé en 1989 et promulgue un décret antigang en 1992. Pour plus de détails je vous recommande ces 2 vidéos de Louis-San :

https://www.youtube.com/watch?v=qP8izD_-5XM

https://www.youtube.com/watch?v=ZAXBRnUJ0Yw

CASTING / REALISATION

Bien, maintenant que le contexte est posé vous avez la majorité des éléments culturels nécessaire à la bonne compréhension de la série. Parlons donc de sa réalisation et de son casting.


Je suis épaté par la liberté que Netflix a accordé à son réalisateur pour traité le sujet, car évidement nous allons voir des scènes de tournage plutôt explicite et on connaît aussi la propension de Netflix à faire de la propagande idéologique. Fort heureusement pour nous, il était surement impossible d’imposer ce genre de vision et de réécriture historique à des Japonais, un peuple bien plus intègre et fier que ne le sont devenu les occidentaux et leur cutlure du martyr issu du catholicisme… De faite, son réalisateur Masaharu Take à pu exprimer son art librement et cela se ressent. Je trouve les scènes de sexe admirablement traité, la mise en scène parvient à ne rien censuré tout en restant parfaitement regardable. On montre vraiment les choses mais sans vulgarité, avec un certain esthétique érotique, en particulier dans la scène capitale évoqué plus haut. Cette scène est vraiment très réussie, déjà par la manière dont elle est amenée dans le récit, avec un dialogue sur fond de silence lourd mais pas pesant, juste intimiste, une confession qui laisse entrevoir une attirance mutuelle entre l’actrice et le réalisateur, la monté de l’excitation, le calme avant la tempête, bruyante et sauvage. L’ambiance, le ton, le rythme, le visuel, sont parfaitement maitrisé et la symbiose des acteurs est crédible et bigrement efficace, c’est beau, c’est émouvant/touchant, ce n’est pas du sexe « fan service » ni idéologisé par Netflix, c’est un vrai moment de cinéma. Cette scène torride qui dure pas moins de 6min (15 si on inclut la montée d’excitation) se devait d’être percutante car elle est capitale dans le déroulement des évènements et la relation ambiguë que vont entretenir les deux protagonistes. Une sorte de « je t’aime moi non plus » qui restera du non-dit et qui n’aurait pas été aussi déchirante si l’émotion de la scène et la synergie des acteurs n’avait pas fait mouche.


La performance des acteurs est également à souligner. Les Japonais sont plutôt habitués à un surjeu, à des comédies et des extravagances faciales hérité du théâtre traditionnel Kabuki et des mangas (ou tout simplement de leur langage bien plus expressif et gestuel que le nôtre). Des mimiques assez déconcertantes pour nous occidentaux davantage familiarisé avec un jeu réaliste et crédible. Or vous serez étonné de voir ici un jeu parfaitement incarné. Takayuki Yamada l’acteur qui interprète Toru Muranishi est, je trouve, très charismatique tandis que Misato Morita qui interprète Kuroki Kaoru (et dont c’est le premier rôle) a un charme absolument hypnotique et envoutant. Les seconds rôles ne sont pas en reste par exemple Jun Kunimura dont le visage ne vous sera sans doute pas inconnu puisqu’il jouait déjà les Yakuza dans Kill Bill.

POINT DE VUE PERSONNELLLE


Je n’aime pas m’enfermer dans des cases militantes, c’est un danger pour l’esprit qui ne peut conduire qu’à l’extrémisme avec la mort de l’individue et de sa pensée critique, comme le développe très bien la philosophe Simone Weil. De plus, je ne me considère pas légitime de me qualifier de féministe puisque je n’agis pas au sens militant du terme, je ne fais que théoriser et construire mes propres valeurs car ma philosophie de vie c’est « devient meilleur et la société sera meilleurs ». A mes yeux le militantisme est un acte individuel et non collectif car s'est un travail sur soit avant tout,changer les autres est impossible, se changer soit même n'est pas plus évident mais c'est plus efficace. Néanmoins, si je devais définir mes convictions féministes elle se rapproche en grande partie du mouvement Pro-Sexe bien que je n’adhère pas à la thèse « body positive » et que je ne peux pas piffrer Virginie Despantes dont les discours sont plus misandre que réellement pro sexe (sexe positive).


Je suis pour ma part convaincu que le sexe régit tous les comportements sociaux et que les taboo qu’il véhicule notamment à cause de préjugé moraux instaurés par les religions (chrétien et musulman en tête) sont incontestablement la source d’à peu près tous les problèmes de sexisme et l’inconfort des rapports entre les genres. Déconstruire ses taboo et réformer la moralité est l’enjeu principale de la société. En cela je me rapproche aussi des féministes radicales et des Femen pour leur militantisme anti-théiste et TERF (Trans Exclusive Radical Feminism). Et je m’oppose de facto assez fortement au féminisme libéral qui domine actuellement le débat public avec des discours abolitionniste (c'est-à-dire ni plus ni moins que du slut shaming envers les travailleuses du sexe et une stigmatisation de la misère sexuelle des hommes que ce même féminisme crée, un jolie cercle vvicieux en somme) et pro islam (le voile serait un symbole d’émancipation contre le patriarcat colonialiste blanc, gros lol). Cette branche qui a donné naissance aux SJW et a ensuite muté en wokisme depuis quelques années avec toutes ses dérives fachiste et misandre qu’on lui connait (ce serait trop long de rentré dans le détail mais c'est tellement présent qu'a moins d'être aveugle vous voyez tous a peu près les conséquences néfaste de cette secte)… Sans parler du fait que la question de genre a grandement viré au ridicule ces dernières année et n’apporte finalement que plus de constructivisme social et donc de division « ethnologique » au lieu d’en résoudre les problèmes fondamentaux.


Bref, avec de tel conviction vous comprendrez donc pourquoi cette série m’a tant parlé et pourquoi j’admire véritablement ses deux protagonistes pour la révolution sexuelle qu’ils ont initié dans leur pays, voir dans le monde. Ce sont à mon sens des figures majeur de ce mouvement et c’est pourquoi je voulais/devais aborder ce thème. PS : Je vous invite aussi à lire ma critique de l’anime Shimoseka qui aborde également cette question.

BILAN

The Naked Director fut une excellente découverte qui parvient a traité un sujet complexe avec brio. Le seul reproche que j’aurais à faire c’est que le début est sans doute trop expéditif tandis que la fin est à contrario trop lente. J’ai été absolument captivé par la première saison mais plutôt déçu par la seconde même si l’ensemble reste très bon et fait d’elle une série Must Have de Netflix. J’aurais aimé que la série s’attarde un peu plus sur les répercussions du travail de l’artiste, notamment pour ce qui est de l’éducation sexuelle et des changements de mœurs qui ont forcément dû avoir un impact sur le style vestimentaire ou les « buraku kusoku » ces fameux règlements scolaires ultra strict. Cependant, si beaucoup de choses restent implicite et sans doute assez (trop) obscure pour les personnes sans aucune connaissance du contexte exprimé plus haut, l’évolution des moeurs se ressent par les costumes, les maquillages, l’effet de mode qui se développe autour de la pornographie avec des actrice interviewé sur des plateau télé, etc. A un moment on voit même Toru Muranishi faire un discours politique en place publique (évènement qui n’est d’ailleurs pas du tout développé ou utilisé par la suite, ça fait partie de ces choses trop superficiellement évoqués je trouve), discours dans lequel il déclare que, grâce à son travail d’émancipation des taboos sexuels, les crimes sexuels ont drastiquement chuté dans le pays. On aurait aimé plus de détail de ce genre mais la série n’as pas de vocation documentaliste même si la plupart des faits racontés son vrais. Quoi qu’il en soit, si la culture porn, le féminisme pro-sexe ou l’histoire du Japon vous intéresse je vous recommande fortement cette série.

Nixotane
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le 8 août 2022

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