Don Quichotte au pays des hamburgers
The Newsroom, la nouvelle série estivale de HBO, a soulevé l’enthousiasme mais aussi suscité moult critiques négatives. Pour diverses raisons, il s’avère que j’ai regardé la première saison dans son entièreté tout au long de l’été, ce qui m’amène donc à en dire un mot ou deux. D’entrée, soyons clair : je n’ai vu aucune des séries précédentes d’Aaron Sorkin et je ne pense pas en avoir fort envie (quoique The West Wing puisse m’intéresser). En d’autres termes, je n’ai pas abordé cette série pour le passif de son créateur mais pour son thème : le journalisme, télévisé en l’occurrence.
Brièvement, la série nous fait suivre le quotidien de l’équipe du journal télévisé d’une chaîne américaine. Le personnage central n’est autre que son présentateur : Will McAvoy. Jusqu’aux événements du premier épisode, McAvoy est une espèce de David Pujadas avec la tête de Pierre Mondy : un type sympa, gentil avec tout le monde. Son émission est à son image et ne fait peur à personne. Or le premier épisode débute lorsque, en plein débat télévisé, il quitte soudainement son rôle de Mr Langue de Bois pour expliquer de manière enflammée pourquoi les Etats-Unis n’ont plus rien du plus grand pays du monde. Il s’agit là, déjà, d’un des meilleurs moments de la saison. Revenu d’une indispensable pause médiatique en raison du scandale suscité par sa tirade, il découvre avec horreur qu’on lui a mis une nouvelle productrice exécutive dans les pattes : Mackenzie MacHale. Or cette dernière est une idéaliste : son JT devra s’intéresser aux faits, négliger le sensationnalisme et considérer les téléspectateurs comme des gens civilisés. Autre chose : c’est aussi son ex.
En bref, The Newsroom raconte le défi relevé par l’équipe de ce JT : tenter de raconter autre chose que de la merde, alors que les autres chaînes ne se gênent pas et que la majorité des gens aime ça. Le contenu et les scores d’audimat de chaînes telles que TF1 et RTL-TVI (pour la Belgique) nous rappellent à quel point la question est loin de concerner les seuls Etats-Unis. Et rien que pour cette idée, j’applaudis. Franchement, ça fait plaisir. La question centrale pour Mackenzie MacHale, Will McAvoy et son équipe, c’est non seulement de se tenir à cette résolution mais aussi d’en gérer les conséquences : alors que McAvoy flingue à tout va (particulièrement le Tea Party), les audiences chutent dramatiquement et les grands pontes de la chaîne s’énervent. Après tout, pourquoi avoir changé une méthode qui gagnait ?
A noter que la série avance au fil d’événements réellement survenus, à commencer par l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon en 2010 (mais aussi la mort de Ben Laden, par exemple). Pour notre implication à nous, spectateurs, c’est probablement une bonne chose. Cela dit, venir expliquer après coup comment il fallait traiter tel ou tel événement est tout de même risqué, surtout que le ton adopté par la série est plutôt docte. N’ayant moi-même aucune expérience dans le domaine, je peux difficilement juger du réalisme des méthodes utilisées par l’équipe du show pour parvenir à leurs fins, mais je n’ai pas manqué de constater une bonne part de scepticisme de la part de gens (apparemment) plus au courant que moi. Toutefois, ça n’a pas entamé mon plaisir. Ne perdons pas de vue qu’il s’agit d’une fiction malgré tout.
Je suis par contre un peu plus sceptique quant aux personnages secondaires et leur vie assez inepte. Je m’en serais tout simplement bien passé. C’est pas qu’ils jouent mal, y'en a même qui m'amusent un peu, c’est qu’on ne leur a pas donné grand-chose de passionnant à faire. Or ces personnages prennent beaucoup de place. Trop, je dirais. Will McAvoy, par contre, est intéressant : le type a du mal à gérer son nouveau statut et ça transparaît plutôt bien. Le personnage de Mackenzie MacHale m’a laissé davantage dubitatif mais si l’idée était de la faire passer pour à moitié chtarbée, c’est réussi. Au moins, elle ne passe pas inaperçu. Un petit mot aussi pour Charlie Skinner, directeur de l’information de la chaîne, franchement classe dans sa manière de soutenir sa petite équipe et de faire écran contre les missiles lancés par ses propres chefs.
Je ne dirais pas que c’était un bonheur absolument continu de regarder cette série. J’ai trouvé certains épisodes plus que moyens, vers le milieu de la saison particulièrement. Ce problème a, je pense, été accentué par les espoirs suscités par le premier épisode. J’ai pourtant été remis en selle juste à temps, ce qui m’a permis de suivre et de vraiment apprécier les ultimes épisodes. En plus, si le ton est généralement sérieux, ça ne m’a pas empêché de bien me marrer assez fréquemment (la plupart du temps grâce aux répliques de MacAvoy). Alors que je n’en finis pas de pester sur le contenu des journaux télévisés français et belges, la croisade idéaliste de The Newsroom contre l’ignorance et la bêtise avait toutes les chances de récolter mon adhésion. Malgré ses défauts bien visibles, c’est au moins partiellement réussi.