Saison 1 :
Expérience limite au succès passablement improbable - surtout si l'on considère son triomphe sur les écrans télévisuels anglais, puis américains dans une version il est vrai beaucoup moins "contondante" -, "The Office" atteint régulièrement les sommets comiques ambitieusement visés par Gervais et Merchant, même si le mécanisme narratif qui justifie la série (le fameux principe du "mockumentary" qui a fait son chemin depuis, avec une caméra portée par un journaliste visiblement éberlué par l'abjection quotidienne qu'il découvre) n'est pas tout-à-fait cohérent ni crédible. Certains moments de cette première saison de la première oeuvre maîtresse de Gervais sont tellement culottés, tellement gênants (et donc difficilement supportables) qu'il est difficile de ne pas admirer l'inconscience générale du projet. Ricky Gervais, livrant ici un personnage "monstrueux" qui mérite bien de passer à la postérité, a su en outre s'entourer d'une bien belle équipe d'acteurs, et en premier lieu le délicieux - et touchant - Martin Freeman qui entamait sa trajectoire vers la célébrité, mais également un Mackenzie Crook qui réussissait l'exploit d'être aussi insupportable que David Brent. Il faut aussi reconnaître que, 20 ans plus tard, "The Office" n'a rien perdu de sa pertinence quant à la description - fondée sur l'expérience des auteurs - de l'horreur de la vie en entreprise. Le visionnage de "The Office" devrait être obligatoire à quiconque doit assumer un poste de management !
[Critique écrite en 2020 à partir de notes prises en 2004]
Saison 2 :
Bien sûr, on ne peut pas dire que ce second volet apporte quoique ce soit de neuf au dispositif narratif (faux reportage) ou même aux personnages tordus de "The Office", mais notre plaisir reste immense (rires gênés + regards incrédules...). On notera toutefois pour mémoire l'absolue réussite du dernier épisode, où Ricky Gervais semble baisser la garde, en quittant pour trente secondes son masque de brute imbécile, et se laissant aller - enfin - devant l'annonce de son licenciement. On appréciera aussi le joli tour de force lorsqu'un autre personnage débranche son micro et quitte l'image pour aller poser à la femme de sa vie la question de leur futur: un joli pied-de-nez au voyeurisme de la télé-réalité ! [Critique écrite en 2004]
The Christmas Specials :
On comprend que Ricky Gervais et sa joyeuse équipe aient eu envie de faire faire un dernier tour de piste aux "héros" névrosés de "The Office", et même de leur offrir une dernière chance. On comprend moins l'enthousiasme critique devant ces deux derniers épisodes qui peinent finalement à retrouver l'équilibre miraculeux de la série, entre gêne et dérision. C'est que faire couler David Brent dans une vie médiocre après son départ est un tantinet trop facile (on a droit aux poncifs les plus évidents de la médiocrité la plus glauque : la vie de VRP vendant des produits d'entretien miracle, l'apparition comme célébrité locale dans des clubs, la drague sur Internet, etc...), et surtout que, pour que "The Office" fonctionne vraiment, on a besoin des interactions entre tous les personnages bizarres et touchants... [Critique écrite en 2004]