Je ressors du visionnage quelque peu sceptique :
L'anime a très certainement une unité, que je salue et apprécie volontiers, mais c'est dans son articulation que quelque chose cloche.
Un problème de rythme ?
Tout semble s'enchaîner sous la forme de multiples cliffhangers dans la première partie, je dirais jusqu'à l'épisode 5, ce qui donne une impression de rythme frénétique, tel d'ailleurs qu'on en devient dépassé par les éléments de l'enquête. Et je comprendrais totalement qu'on ait abandonné la réflexion à ce stade-là, l'ayant moi-même fait, me laissant porter par les enquêteurs en herbe.
Mais en même temps, on abreuve le spectateur d'une série de flashbacks sur le sujet de l'enquête, particulièrement marqués par leur improbabilité (attention à prendre dans le sens : "wtf"), à tel point que l'on se demande une bonne partie du temps comment le duo va parvenir à résoudre l'enquête, voire, s'il va y arriver.
C'est ça : la quantité d'information donnée au spectateur par rapport à ce que sait et vient à savoir (on empiète sur le deuxième point de ma critique) l'équipe, donne un contraste tel qu'on a une double impression de rythme frénétique et lent (conséquence de ce premier), et cela ne résulte pas en un équilibre : par la suite, dans la deuxième partie, les flashbacks se faisant moins au profit des interventions directes du duo, l'idée de lenteur de leur réalité s'accentue.
Donc j'en viens au deuxième point :
Cette peur du "tiré par les cheveux" de chaque instant, qui est sous-jacente à toute l'intrigue, et semble venir à être matérialisée.
Oui, "semble venir à être matérialisée", car j'ai non seulement eu du mal avec les éléments de réponse apportés, mais aussi avec la façon d'arriver à la vérité sur le passé de la docteure. Y ont-ils seulement réellement accédé, à cette vérité ? Les indices me semblent largement pauvres par rapport à ce que soulève le mystère : "subete ga F", un témoignage sur les événements liés à "F", quelques infos par ci par là de l'entourage du labo, mais surtout, le gloubiboulga pseudo-profond de la docteure dans ses entrevues avec l'étudiante, là est peut-être le problème, si la clé provient de là.
Donc il en résulte d'une impression de "manquements", que peut-être d'autres épisodes auraient permis de combler, le problème c'est que que cela dure 11 épisodes - pas 12 - et que ça donne aussi l'impression d'un parti-pris, donc d'un "manquement" intégré et admis, qu'il conviendrait de respecter ? simplement de questionner ?
Ces deux points noirs étant admis : passons au positif
Les personnages.
J'ai bien aimé la relation du professeur et de l'étudiante, d'ailleurs elle me semble même canon. On a un prof-ado, passif au possible, donc qui nourrit éventuellement (de façon toxique ?) l'amour de la jeune fille, qui se retrouve ainsi à user de toute son énergie à presque l'adouber jusqu'en être frustrée, en dépit des capacités qu'elle a qu'elle pourrait développer. C'est cohérent. Et c'est d'autant plus prenant qu'elle évolue, bien sûr, mais qu'une composante vient la renforcer : celle du passé commun autour d'une asymétrie rapprochée (leur relation perçue différemment au temps de la grande différence d'âge, et de la sphère familiale) qui lui donne un côté "cocon", "intime".
La relation évoluant classiquement, comme dans tout bon manga/anime, la passivité du prof-ado vient laisser place à l'action, jusqu'à la fin, où elle esquive habilement le cliché du happy ending amoureux grossier et ostentatoire. Donc la "toxicité", seul réel enjeu autour de la qualité de la relation, est évincée, et l'enjeu résolu.
Puis, il y a cet espèce de triangle des destins autour des trois personnages particulièrement remarquable dans la mise en scène, que j'ai apprécié pour l'originalité de la démarche. J'ai d'ailleurs cru au début que tout l'intérêt de l'animé résidait dedans : une portée philosophico-sociale, (voire métaphysique ?) autour des personnages, dans des parallèles de relations et parcours de vie.
Par contre, les personnages pris seuls ne sont pas remarquables, quoiqu'ils ont chacun leur unité (j'ai d'ailleurs de la sympathie pour la jeune étudiante, et un désintérêt plus grand pour celle dont on exagère la portée des considérations, jusqu'en lui donner une philosophie bancale). Et ce n'est pas plus mal.
Autre chose, j'ai aimé que l'on présente une sphère sociale presque dans ses subtilités intimes indirectement au coeur de l'intrigue, celui du Japon des "plus de 10", cette bourgeoisie japonaise inaccessible marquée par l'entresoi, qui relie les personnages et est d'ailleurs même au fondement de leur interaction (tout fonctionne par réseau). Force est de constater qu'il y a un côté social dans cet anime qu'il me semble que l'on met rarement en scène (ou que je vois peut-être peu, dans ces cas-là ne pas tenir compte de ce que je viens de dire), et qui est pourtant très instructeur.
Bref, un animé à voir tout même, pour les bonnes idées et les notes justes qui le teintent, et bien sûr pour le chara-design d'Inio Asano.