Cette dystopie, où le peuple américain vote pour le héros Lindbergh au lieu de Roosevelt en 1940, l'aviateur voulant eviter son pays d'entrer en guerre mais laissant la nation se gangréner de l'interieur en exacerbant la haine anti juifs, est une très belle réussite formelle, mais laisse un amer gout d'inachevé lors de son dernier episode.
Une mini série c'est bien quand elle est justement equilibrée. Si ici les deux premiers segments posent les enjeux en introduisant les personnages et le contexte conduisant à cette election inédite, la conclusion est trop rapide, et d'autant plus frustrante que le développement etait bien foutu, la tension et les violences montant crescendo. Tout est bien maitrisé, rythme plutot lent mais sans baisse de régime, personnages profonds avec chacun ses idées et se donnant les moyens pour parvenir à ses fins, enjeux politiques et personnels, globaux et à plus petite echelle, sont mixés intelligemment, avec toujours cette question de fond à travers notre identification de l'un ou l'autre des caractères: qu'aurions nous fait, ressenti et comment aurait on réagi à leur place, juif ou pas juif ?
C'est une série vraiment prenante, grâce essentiellement à la reconstitution de ces early 40s (on s'y croirait tant le souci du détail est poussé), et au jeu des acteurs, tous excellentissimes.
Quelles grandes prestations de Morgan Spector (fidèle à ses principes jusqu'au bout), de Turturro (pas evident d'etre le rabbin qui "pactise" avec l'ennemi en toute bonne foi), de Ryder (agaçante et touchante à la fois dans son manque affectif), de Zoe Kazan (sobrement lumineuse en epouse fidèle et forte), d'Anthony Boyle (stupéfiant en jeune homme brisé qui essaye de se faire une belle place dans la vie malgré son handicap et ses convictions passées), et des enfants ultra convaincants.
La note aurait été plus haute avec deux episodes de plus et un scénario qui aurait pu détailler cet enchainement d'evenements qui nous tombent dessus, certains n'etant pas du tout expliqué, d'autres incomplets. Ca fait fin baclée, comme si les auteurs ne voulaient pas prendre le risque de trop heurter certaines sensibilités ou etant incapables d'approfondir et mettre en lumière deux ou trois volets de l'histoire qui pourtant paraissent essentiels au devenir des personnages, et même de la suite de l'Histoire avec un grand H.
Le role d'Alvin et de l'armée canadienne, le mystère de la disparition de l'avion, comment le Rabbin peut etre arrété, Evelyn en fuite, et se retrouver tous les deux dans les derniers plans tranquilles chez eux, le plan des boites à bulletin brulées c'est bien mais quid de la suite, le devenir de certains seconds roles...
Dommage que ces maladresses finales ternissent un peu ce show qui jusque là déroulait un brillant tableau d'une Amerique en proie à ses démons ataviques. Mais ce n'est pas une raison pour bouder le plaisir pris durant quelques heures plus que plaisantes.