La Liste Finale (The Terminal List, en états-unien…) est l’une des nouvelles séries TV les mieux notées par le public sur l’IMDb, ce qui peut indiscutablement tenter le téléspectateur européen ayant décidé de se distraire à peu de frais devant l’un de ces thrillers d’espionnage / militaires dont les USA sont gros producteurs et gros consommateurs : un passe-temps sans conséquence pourvu que l’on ne s’offusque pas trop de certaines connotations réactionnaires et pro-armes auxquelles on est habitué à force de suivre les aventures d’un Jack Ryan ou d’un Jack Reacher par exemple. Et La Liste Finale commence de manière totalement prévisible par une embuscade dans laquelle tombe un escadron de Nayy SEALS au Moyen-Orient, filmée efficacement par le bourrin de service et habitué du genre, Antoine Fuqua. Quand l’unique survivant de l’opération, James Reece, rentre au bercail, il s’aperçoit rapidement que sa vie et celle de sa famille sont en grave danger, et que le piège dans lequel il est tombé dissimule une solide conspiration établie sur le sol états-unien. Jusque-là, rien à dire, la série se regarde en mode pilotage automatique, avec le sentiment pas déplaisant de parcourir une histoire déjà vue et revue, quasiment à l’identique, une bonne demi-douzaine de fois. A la limite, on appréciera même la possibilité émergeant dans le second épisode que tout ça ne soit que le fruit des cogitations du cerveau malade de notre héros, ce qui nous promet une ambiguïté, un trouble, voire une complexité que l’on n’espérait même pas…
Et puis, patatras, tout s’effondre au troisième épisode, lorsque Reece devient une infernale machine à tuer, officiant à la fois comme juge et bourreau, recréant le délire fasciste d’un Rambo Ver 2.0 réglant lui-même ses comptes à l’aide de son armement ultra-sophistiqué et de sa technique de soldat d’exception. Pas d’état d’âme, pas de pitié, pas d’hésitation, mais au contraire une escalade accélérée dans la violence infligée aux ennemis, décrits systématiquement comme « non-humains », ne méritant pas d’exister, juste bons à exterminer de la manière la plus radicale possible. A l’épisode 4, se déroulant au Mexique, qui voit Peerce torturer et tuer le chef des « sicarios » responsable de ses malheurs, le sommet de l’abjection est atteint lors d’une scène de barbarie absolue qui discrédite à tout jamais toute l’équipe ayant trempé dans cette série, et en premier lieu Christ Pratt, qui ne se contente pas d’être un mauvais acteur, mais, co-producteur de cette ordure, cautionne totalement l’usage de la torture et de la peine de mort immédiatement appliquée à tous les ennemis de l’armée US, qu’ils soient extérieurs ou intérieurs.
Mais comme le pire est toujours possible, le cinquième épisode, le mieux noté par le public, voit Reece élaborer et conduire une action terroriste en plein cœur de San Francisco, sans cesser d’être clairement justifié et supporté par le scénario et, on l’a dit, par le public de la série, visiblement ivre de sang et prêt à attaquer une nouvelle fois la Maison Blanche pour y déloger les pourris qui détiennent le pouvoir. La rhétorique d’extrême-droite fasciste, le discours trumpien, les délires conspirationnistes, la définition du patriotisme comme vénération des armes et de leur maniement, la vision du soldat comme seul garant de la Vérité et de la Loi, l'assimilation de la justice à la vengeance individuelle, la sacralisation de la peine de mort, tout est là.
Il est difficile ensuite de continuer à regarder la Liste Finale, si ce n’est pour recenser son interminable liste d’obscénités. Et déplorer, malheureusement, son alignement complet avec la montée en puissance dans les démocraties occidentales des idées les plus nauséabondes. La suite ? C’est simple, Reece nous joue justement son petit Rambo (version First Blood) dans un sixième épisode qui, lui, prête – enfin ! – un peu à rire, avant que la partie thriller ne se boucle par une série de révélations téléphonées dans les deux derniers épisodes, dont tout le monde avait évidemment deviné depuis le début les twists qui se préparaient. Mais cette médiocrité annoncée n’est clairement rien devant l’abjection de tout ce qui a précédé…
S’il nous reste à la fin deux motifs de satisfaction, c’est que le choix – très à la mode en ce moment – d’une image uniformément sombre et donc souvent illisible, nos a épargné les détails des atrocités commises par notre « héros », mais surtout qu’il sera sans doute difficile, en l’état des choses, de faire pire que cette Liste Finale, que Trump et ses disciples doivent se passer en boucle en préparant la guerre civile dont ils rêvent. Et dont nous, les "woke", serons - dans leurs rêves - les premières victimes.
[Critique écrite en 2022]