This Is Us
7.6
This Is Us

Série NBC (2016)

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Saison 1.

C’est une déflagration. Vraiment. Dix-huit épisodes d’une puissance inouïe.

     Rares sont les fois où j’aime instantanément chacun des personnages d’une série, c’est le cas ici. Rares sont les fois où je ris et chiale autant ; où je me sens investi, émotionnellement, pour l’un, pour l’autre, pour tous. La construction, l’écriture, l’interprétation, tout m’a semblé brillant de A à Z.

     L’épisode pilot est déjà somptueux. Il nous invite dans le quotidien de plusieurs personnages : Un couple sur le point d’avoir des triplés ; un acteur de sitcom en pleine remise en question professionnelle ; une femme obèse qui se bat contre son propre corps ; un père de famille sur le point de retrouver son père biologique.

     La série s’ouvre sur une journée en particulier, celle de l’anniversaire de quatre d’entre eux. Moi qui aime ne rien voir venir, j’étais servi. En effet, on comprend à la fin des quarante-deux premières minutes, quand les enfants du couple sont nés, qu’ils sont ceux qu’on a suivis en parallèle trente-cinq années plus tard. Jack a trente-cinq ans le jour où ses enfants naissent. Kate, Randall & Kevin fêtent leurs trente-cinq ans le jour où la série a choisi de commencer à les suivre. Première d’une longue série de déflagrations dont This is us sera coutumière. D’autant que l’issue de ce pilot nous réserve une autre surprise de taille, déchirante.

     La série ne faisait que commercer que c’était déjà gagné pour moi. Ou trop beau pour être vrai : Heureusement non, les dix-sept salves suivantes conservent cette puissance. La série tire cette force de ses nombreux enchevêtrements casse-gueule. Au sein d’un même épisode elle ne cesse de voguer d’un personnage à l’autre, d’une temporalité à l’autre, entre la légèreté et le drame, le tout entre New York et Los Angeles, avec une limpidité exaltante, en soignant chacune de ses transitions.

     L’écriture y est minutieuse. Le découpage quasi miraculeux. Et plus ça avance plus elle s’ouvre : Si nous suivons le couple Rebecca/Jack avant l’arrivée de leurs marmots, nous plongerons aussi un peu plus en amont. Et bien entendu dans la temporalité suivante, quand les enfants ont une dizaine d’années, mais aussi quand ils en ont quinze. C’est vertigineux. Et triste et beau à chialer.

Et afin de parachever de me séduire, on y entend :

-          « Death with dignity », de Sufjan Stevens-          « Blues run the game », de Jackson C. Frank-          « Northern sky », de Nick Drake-          « The Wind », de Cat Stevens-          « Kola », de Damien Jurado

Du caviar. Jusqu’au bout.

     Comment se relever d’une entame pareille ? Je veux dire… Est-ce qu’il ne vaut pas mieux s’en tenir là ? C’est un tel miracle, fragile et fulgurant : Difficile d’imaginer mieux. D’autant que pour le coup, à mon humble avis, cette saison se suffit à elle-même. Elle contient déjà tout et laisse au récit des zones mystérieuses qui me plait beaucoup. Mais j’ai quand même envie de poursuivre.

     Et puis je tiens à voir ce qu’ils vont faire du destin du père ou plutôt comment ils vont l’associer aux trois enfants. Car ce n’est pas ce qu’il y a de plus réussi, je crois, ce suspense autour de sa mort. Ce moment où l’on sent que la série pense série, suspense, cliffhanger, saisons à venir etc. ça m’a peu gêné mais je comprends que ça puisse gêner, c’est hyper casse-gueule. Je garde l’impression qu’il s’agit de nous dévoiler les choses à mesure que les personnages, les enfants, l’acceptent. Si c’est le cas – C’est pouquoi j’ai hâte de poursuivre – je trouve cela très beau.


Saison2.

Moins forte car moins cohérente dans son découpage notamment, cette deuxième saison aura toutefois confirmé que le hors champ concernant la mort du père existait moins en tant que cache pour le spectateur qu’en tant que deuil irrésolu pour les trois enfants. Cette saison aura convergé vers cette impossible acceptation commune en ouvrant – via trois quatre derniers épisodes pas très convaincants par ailleurs – vers leur résurrection en marche. Il va dorénavant falloir davantage voir les autres : Toby, Déjà, surtout Miguel & probablement la nouvelle conquête de Kevin : Car ils étaient / sont / seront beaucoup dans leur capacité à tous de revivre. Bref, ça me surprend moins dans l’ensemble, mais globalement ça continue de bien me mettre sur le carreau.


Saison 3.

L’arc narratif tournait au préalable autour de la mort du père : C’était un déni généralisé dans la première saison, l’acceptation dans la seconde. C’était très beau. Parfois un peu exagéré dans ce petit côté très affecté ou ce suspense permanent, mais sans cesse compensé par une force mélodramatique inédite, une galerie de personnages passionnants, une écriture au cordeau.


S’il s’agit de tourner encore autour de cette disparition, la troisième saison sera celle de renaissances, et d’ouverture. Il sera par exemple moins question, dans le passé, de Jack que de son frère, (supposé) mort au Vietnam. La série investit donc aussi ces années-là et continue de faire chevaucher les temporalités avec la limpidité qui la caractérise. Et travaille les redéploiements de Kate, Randall & Kevin. Sur une année entière, grosso modo.


Kate est plongée dans sa grossesse puis son accouchement, aux côtés de Toby, évidemment (qu’ils sont beaux tous les deux) : la scène de la couveuse, je m’en suis pas remis. Randall se lance dans une autre aventure en tant que conseiller municipal. Quant à Kevin, il se projette avec Zoé et devra bientôt refaire face à ses addictions. La plus belle chose à voir se trouve du côté de Randall & Beth, qui traversent une crise de couple insoluble si chacun souhaite s’épanouir dans sa nouvelle vie professionnelle, la politique pour l’un, la danse pour l’autre.


Pas certain d’avoir été si ému, constamment, par une série télé que par This is us, franchement. Et notamment par cette troisième magnifique salve. C’est simple, je termine chaque épisode en miettes. Cette saison est plus belle que la précédente, plus homogène, cohérente, renouant ainsi avec l’excellence miraculeuse de la première.


Saison 4.

Il y a toujours des idées de mise en scène dans This is us. Souvent il s’agit d’échos temporels sur lesquels la série joue si bien, parfois ce sont des détails comme lorsque Randall, ici, consulte enfin un psy, se confie puis se braque, fulminant contre un tableau angoissant, une machine à café récalcitrante, avant de revenir in-extremis, quand il comprend qu’il a autant besoin de cette thérapie pour lui que pour le bien de Beth, sa femme.


Lors de sa première séance, le plan cadre systématiquement Randall, jamais la thérapeute, dont on entend la voix, mais qui reste hors champ ou seulement en amorce. C’est seulement lorsqu’il revient, décidé à s’engager dans cette thérapie, en somme, que le visage de son interlocutrice apparaît. Voilà, c’est pas grand-chose, c’est qu’un détail, mais ça fait partie des nombreuses idées qui jalonnent cette formidable série, d’une élégance exemplaire et d’une force inouïe.


Il me semblait avoir entendu dire que la saison 4 était en-dessous, que la série s’essoufflait, tournait en rond. Je pense tout le contraire : elle s’étoffe encore, sans pour autant s’éparpiller. Chaque épisode est une déflagration. Jamais autant pleuré que devant This is us, je me répète je sais, mais c’est à un tel point qu’il m’est impossible d’enchaîner deux épisodes, tant chaque salve me laisse systématiquement sur le carreau.


La saison culmine dans un quadruple épisode (aux deux-tiers) centré sur les trois frangins en crise durant la même temporalité (qu’on peut renommer le sad three) avant d’enchaîner un épisode de réunion dans leur chalet familial, où se côtoient les souvenirs, l’amour, la maladie, la mort, autour notamment d’une capsule temporelle enterrée. C’est un sommet d’écriture et de construction dramatique, c’est déchirant et merveilleux.

JanosValuska
9
Écrit par

Créée

le 5 juil. 2023

Modifiée

le 10 déc. 2024

Critique lue 225 fois

2 j'aime

JanosValuska

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