Une série dérivée de Fate/Stay night centrée sur la cuisine ? "Très peu pour moi" me suis-je dit... Et puis la curiosité m'a happé lentement, cachée dans l'obscurité, à ronger les barrières du désintérêt anticipé. Je ne le regrette pas, cette série reste captivante, et, si la préparation culinaire s'offre une place de choix, elle n'est pas l'unique ressort narratif. L'occasion d'observer les personnages dans un contexte plus serein est particulièrement intéressant ; l'anime dégouline de bons sentiments et contre toute attente, la sauce prend.
Pendant le visionnement de la série, je suis passé de l'état dubitatif (est-ce que je regarde vraiment cela ?) à l'amusement gêné et enfin à une forme d'appétit mental pour ce morceau de culture japonaise dont je n'avais quasiment aucune connaissance. Une petite frayeur m'a saisi après avoir regardé les deux premiers épisodes puisque certains éléments étaient réutilisés. Heureusement, ce "défaut" n'a pas perduré.
Alors, certes, les dessins n'ont rien d'exceptionnels mais ils suffisent à servir la modeste ambition de la série. Quant à la musique, l'opening est suffisamment déjanté et colle bien à l'esprit de l'œuvre (l'animation ne vous laisse aucun doute quant au contenu du sujet) et l'ending se déguste comme une sucrerie de l'après-midi accompagnée de sa boisson chaude (l'effet stéréo, dans un premier temps étrange, parvient finalement à vous caresser le conduit auditif après plusieurs tentatives).
Pour ce qui est des personnages, ils sont conformes à leurs mentalités d'origine (Stay/Fate night, le jeu), malgré les situations ubuesques (la première apparition de Lancer est très étonnante). Si vous regardez cette série, il vous faut oublier quasiment toute notion de tension liée à la guerre du Graal, de drame et surtout de chronologie des évènements sinon vous serez perdu dans les méandres des paradoxes temporels !
Certains clins d'œil sont, majoritairement, judicieusement disséminés (épisode spécifique sur Archer ; références aux origines géographiques de certains servants ; instruments de mesure et diamants chez Rin, renvoyant à la précédente guerre du Graal...), d'autres trop explicites (relation entre Rin et Sakura par exemple). Parmi les moments particulièrement attrayant, le repas spécial pour Ilya, celui de Sakura pour son frère, les souvenirs de Shirou et la partie de volley dantesque sont des temps forts qui parsèment l'anime et laissent entrevoir les personnalités diverses.
Au sein de ces individus, les Servants tirent généralement plus leur épingle du jeu (notamment Lancer, Archer, Caster, Assassin et Rider, mais Ilya réussit à s'extirper malgré tout). Quelques petits nouveaux font leur apparition (aux temple et restaurant, je n'en dirait pas plus ;-) ...). Shinji brille par son absence, un choix cohérent en considérant sa capacité à gangréner n'importe quelle situation, néanmoins cela ne sera probablement pas du goût de tous. Enfin, Saber perd de son caractère pugnace (pas une transformation en armure ni d'entraînement "musclé" si je ne m'abuse, dommage).
Un regret tout de même en ce qui concerne la relation de Shirou avec les autres personnages centraux, j'aurais apprécié plus de situations témoignant de son embarras avec cette pointe exquise de candeur sentimentale (tant pis pour mon côté fleur bleue, d'autres s'en réjouiront !). Cette absence, ou tout du moins cet amenuisement du romantisme édulcore, de mon point de vue, les caractères des protagonistes, surtout celui de Rin, très en retrait, chose plutôt étrange lorsque l'on connaît ses vengeances mûrement réfléchies.
En conclusion, cet anime, sans grands moyens, réussit à conquérir des horizons entraperçus dans le visual novel. La perfection n'est pas là, néanmoins cette parenthèse agréable à la douceur sucrée retranscrit adroitement la partie rayonnante de l'âme de cet univers. L'apport culturel, sans avoir l'air d'y toucher, figure aussi parmi les bons points. Une série sans prétention qui réjouira les fins gourmets de la licence, et peut-être également au-delà de cette sphère. Bonne dégustation !