Netflix n’est pas la seule plateforme à proposer des créations originales stimulantes. Bien que plus discrète dans sa communication, Amazon prime s’est vu doté au fil du temps un catalogue fort intéressant (American Gods, Undone, The boys,…).
Parmi ces séries, l’une d’elles s’est faite remarquer notamment via la diffusion de deux épisodes lors de la 72éme édition du festival de Cannes. Il s’agit de la dernière création de Nicolas Winding Refn : Too old to die young.
Sa filmographie l’atteste, le réalisateur danois porte une attention toute particulière à l’esthétisme de ses projets.
On aurait pu penser que le passage du film à la série passerait par une épuration de sa patte artistique afin de répondre aux impératifs du format.
Il n’en est rien.
L’auteur livre ici une fresque urbaine découpée en dix longs-métrages. Cette durée s’explique justement par la volonté de créer une œuvre atmosphérique. De nombreuses séquences sont construits afin d’avoir l’impression d’évoluer au sein d’un tableau. La caméra balaye lentement son panorama nous laissant tout le loisir de scruter l’environnement dépeint. Ces instants calmes sont paradoxaux. Ils contrastent avec l’univers violent dans lequel l’auteur nous plonge.
Le rythme n’est d’ailleurs pas le seul aspect à être en décalage avec ce monde.
Le récit est parcouru de personnages atypiques. Par exemple, il est difficile de ne pas penser à Twin Peaks lorsqu’on découvre les agents du poste de police où évolue l’officier Martin Jones. Les autres protagonistes sont soit des fonctionnaires de l’État soit des individus évoluant dans un secteur criminel. Les premiers n’hésitant pas à franchir la ligne pour appliquer la Loi et se débarrasser des seconds.
Cette diversité des points de vue permet de densifier l’intrigue. Le meurtre d’un policier devient l’élément déclencheur d’une succession d’événements bien loin de la simple quête vengeresse attendue. La trajectoire de chacun des personnages est un récit complet à lui seul.
À ce niveau, l’adoption d’un format long permet de développer suffisamment chaque trame tout en conservant ce rythme lancinant. On prend ainsi le temps de connaître les différents personnages et donc de générer de l'empathie.
De ce fait, l’impact quant au sort tragique qui peut leur être réservé se ressent sur deux niveaux bien distincts.
Le premier est émotionnel. Bien qu’étant composé d'individus plus ou moins amoraux, nous sommes curieux de connaître jusqu’où leurs actions peuvent les mener. On se retrouve donc frustré lorsque le destin les empêche d’accomplir leur funeste dessein.
Le second est sensoriel. Comme évoqué, le rythme lent s'accompagne d’un environnement sonore calme. Ainsi, lorsque des échauffourées se déclenchent, le bruit généré est décuplé. Il est un rappel à la réalité. Il participe à l’immersion dans les scènes qui se jouent. Il capte notre attention tout au long de ces séquences.
L’auteur joue ainsi intelligemment entre la forme léchée de son œuvre et le fond brutal qu’il décrit. Cette alchimie permet de happer le spectateur pour lui faire vivre entièrement cette expérience.
Au final, Too old to die young se trouve être le projet le plus abouti, et ambitieux, du réalisateur. L’esthétisme est travaillé jusqu’à rendre onirique certains passages tandis que le récit est nihiliste à bien des égards.
Il est évident que cette série ne réconciliera pas Nicolas Winding Refn avec ses détracteurs. Par contre, les autres devraient fortement apprécier ce polar de plus de douze heures !