On ne va pas se mentir. Vous avez entendu parler de True detective parce que vous n’avez pas pu faire autrement. Tout le monde a parlé de True detective. Et il y avait de quoi remarquez : HBO demeure la chaîne légendaire à l’origine des créations les plus géniales que le ciné et la télé réunis aient produit. The wire, The Soprano, Six feet under, et j’en passe. Précurseur, HBO a inventé un genre : celui de la série de (grande) qualité. Et puis True detective est aussi une des rares séries à offrir deux têtes d’affiche de cinéma de premier plan. Si on ne présente plus Woody Harrelson, tueur né extraordinaire et Larry Flint de génie, Matthew McConaughey (prononcez McConauwey) n’est pas non plus en manque de notoriété, après l’entame d’une deuxième carrière plus que réussie (Mud, Dallas buyers club, etc.) Enfin, True detective promettait une enquête d’un genre un peu nouveau. La Louisiane est la nouvelle Californie et ces terres arides, et luxuriantes, aussi belles que dangereuses, mystérieuses et attirantes ont tendance à devenir un nouvel eldorado de la création.
À ces promesses, il faut encore greffer la réalisation très propre de Cary Fukunaga (choisi par le créateur de la série), oscillant entre le classique et le remarquable, sur huit épisodes magnifiques, cette ambiance caractéristique, alternant le scabreux et un volet mystique bien égrené, le pitch qui va avec, cette enquête policière perdue entre rednecks, politicards, hommes de foi, une police coincée et limitée, et puis, surtout, ces deux fortes personnalités que sont Rust Cohle et Martin Hart.
Le second présente les atours d’un homme de famille et un professionnel respectable, il souffre de ses démons et souffre aussi de la rédemption qu’il ne parvient pas à trouver. Le premier, bien plus sombre, implacable, sans émotion apparente, buté et excellent policier, semble nourrir un secret plus inavouable, une honte qu’il masque par une incapacité à mentir. De plus, il aime vivre selon des principes, se connaît sans fard et ponctue ses discours de maximes et autres assertions hautement philosophiques et politiquement peu correctes.
True detective se déroule selon un rythme lent mais maîtrisé, instillant doutes et suspicions à la manière d’un puzzle savamment orchestré.
Mais.
Il y a un mais, et il est de taille. On pourrait s’en tenir à ces indéniables (grandes) qualités, s’en contenter et ne pas aller plus loin (pour ne pas dire jusqu’au bout). Certains le font, et il est difficile de les en blâmer, tant il est facile de se laisser envoûter, voire subjuguer par la richesse qu’offre True detective. Pour autant, Nic Pizzolatto a conçu une histoire, et pas simplement de beaux plans qui s’enchaînent. L’homme derrière la série a fait les choses en entier. La suite se fera avec d’autres personnages parce que ce premier cycle est conçu pour s’achever au bout du huitième épisode. Pizzolatto nous raconte une belle histoire. Il se refuse à la facilité, ne sombre pas dans le twist bas de gamme (il va jusqu’à considérer que ça gâche tout, peut-être n’a t-il pas vu Fight club), et abouti à ce qu’il avait prévu. Sauf que si on va jusqu’au bout, on s’aperçoit bien des différences qui existent entre un tableau de maître et une série policière. Le tableau vous présente tout ce qu’il a d’un seul coup, même s’il faut parfois longtemps pour tout découvrir. Une série fonctionne à l’envers : quoi qu’elle semble vous présenter, vous ne pouvez être sûrs de rien jusqu’à la fin. True detective se referme simplement, après avoir un peu poussé la caricature de ses héros, finalement moins complexes qu’il n’y paraissait, et clôt son cycle de manière vraiment classique. Le volet mystique et les vilains affreux consanguins ne sont pas si originaux. Ils sont même par trop prévisibles. Les cliffanghers, sans surprise finale, se révèlent un peu vains, le mysticisme n’en est qu’un de plus, surfant sur les mêmes bases, s’alliant aux mêmes stéréotypes fantasmatiques de la puissance corrompue, pédophile et sanguinaire. True detective est une série trop sage qui nous a un peu pris de haut.
À la lumière de la réalité, le voyage n’en est pas moins beau. Il est juste moins extraordinaire. True detective mérite que vous la regardiez. Mais que vous la regardiez pour celle qu’elle est et rien d’autre.