Un plan pourrait synthétiser une grande partie de United States of Tara, dans son ultime et troisième saison.
A priori anecdotique, il dépeint pourtant bien la dimension psychologique de cet ovni télévisuel.
Tara ( Toni Colette, déroutante et excellente dans toutes ses "versions") se contemple dans la glace de sa salle de bains et ouvre le miroir qui démultiplie son propre visage . Cette mère de famille artiste au caractère trompeusement fort et trempé souffre de TDI ( Troubles Dissociatifs de l'Identité), maladie bien réelle rarement évoquée à l'écran et ici constamment au centre de la narration, cannibalisant tout sur son passage.
Tara devra en effet entreprendre une véritable "traversée du miroir"pour affronter ses démons, car toute pathologie psychiatrique ne survient rarement sans raison et n'est en réalité que la manifestation, la conséquence d'un trouble enfoui bien plus profond, refoulé depuis des années. De quête d'identité, d'image il est presque toujours question dans le scénario truculent et dramatique signé de la plume piquante de Diablo Cody, qui ne tombe jamais dans le grotesque.
Si les alter ego de Tara participent au comique des situations servi par une avalanche de répliques cinglantes et sans filtre, la série prend cependant rapidement un versant bien plus sombre, en explorant et décryptant les douloureuses séquelles d'un trauma, dont la quête éperdue de son identité. Rarement "elle-même", Tara se décline, disparaît derrière une variété de "surmoi trash" incarnant ses angoisses, son sentiment de culpabilité, voire son enfance volée, autant de facettes d'une même personnalité décimée représentant à la fois un exutoire dans les situations de panique et un véritable processus d'auto destruction au fil du temps. La série ne présente jamais vraiment un parti pris égocentrique, se focalisant également sur l'évolution des proches de Tara, de sa famille touchée aussi de plein fouet par sa maladie, tentant de sauver les apparences jusqu'à se résigner avec courage de la situation.
Ainsi Charmaine, sa soeur, souffre de l'attention envahissante portée à Tara, peinant à trouver un sens à son existence. Max le mari brave toutes les tempêtes en tentant d'instaurer un climat de normalité ( tout relatif).
Il y a surtout Kate et Marshall, les deux ados successivement effrayés, angoissés ( vont-ils devenir à leur tour fous ?) et prêts à tout pour s'accomplir indépendamment, en composant avec un quotidien peut-être pas idyllique mais qui aura eu au moins le mérite de les faire mûrir bien plus vite que les autres jeunes de leur âge et acquérir une ouverture d'esprit au dessus de la moyenne ( pour preuve les répliques les plus sages sont celles qu'ils prononcent ).Leur parcours agit comme un prisme dans le cheminement de Tara souffrant de ne pouvoir leur apporter stabilité et équilibre. S'ils optent tous deux pour l'évasion ( par le cinéma pour Marshall , par les airs pour Kate), cette émancipation ne les empêche pas de revendiquer leurs origines dysfonctionnelles et hors normes, qui les ont finalement consolidé et armé pour l'avenir. Tous deux s'affranchissent des stigmates en dépit de l'absence de repères.
Série atypique qui envoie valser les préjugés et le concept de "normalité", United States of Tara fascine par son écriture constamment débridée, brouillant les pistes entre "bon" et "mauvais", "cinglé" et "sain d'esprit" jusqu'à remettre en question la notion d'humanité dans toute sa complexité. Tara et les autres sortent des cases et pas parce qu'il leur en manque...