Leçon de vie
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le 29 mars 2023
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(ATTENTION : quelques spoilers).
Urgences, que j'ai découvert à l'adolescence et qui m'a intéressé durant sa pire période - post saison 8 -, puis m'a plu quand j'ai posé les yeux sur ses premières saisons, allait-il supporter une nouvelle vision, en 2020 ? Pouvais-je être trompé par l'incroyable nostalgie que son générique cultissime provoque invariablement à chaque écoute ? La réponse est non : la série médicale, qui a débuté en 1994, a gardé sa puissance, au point même que cette deuxième vision me fasse reconsidérer à la hausse l'estime que je lui portais. Au point d'en venir à penser que les (cinq) premières saisons sont réellement… sous-estimées.
Se basant sur un pool de personnages merveilleux, Urgences multiplie les tours de force, lors des premières saisons, par les dynamiques que les scénaristes arrivent à impulser au sein d'un groupe de médecins très humains, tout à la fois faillibles, très pros et attachants. Les 22 épisodes de chaque saison s'enchaînent sans que l'intérêt que l'on porte à la série ne soit dû à des facilités quelconques : les cas ne sont pas spectaculaires - ou si peu -, mais réalistes, et la mise en scène n'y est pas belle, mais efficace - le règne de la steadi-cam, c'est ici. Et si les déboires et histoires amicales et amoureuses des médecins sont importantes, elles ne vampirisent pas le show pour le phagocyter de l'intérieur, comme elles le feront plus tard. Non, les histoires privées des médecins ne sont pas négligées, au contraire, et sont traitées avec soin, mais Urgences étant une série avant tout médicale, les caméras sont braquées vers l'intérieur de l'hôpital. Ce faisant, le show, très low-profil dans ses meilleures années - les cinq premières -, laissent hors-champs des événements, plus ou moins importants, de la vie des protagonistes, alors que d'autres séries, plus clinquantes, en auraient fait tout leur miel - suivez mon regard vers l'horripilante Grey's Anatomy. Série de gauche - sans ostentation, ni moraline - et de "cols bleus", Urgences fait le pari du réalisme sans outrance spectaculaire, avec un énorme succès, public - entre 20 et 30 millions de téléspectateurs de moyenne, 45 millions (!) à son pic pour le génial "Les Eaux de l'Enfer" (saison 2, épisode 7) - et critique.
Cette feuille de route est conservée jusqu'au départ, attendu, programmé, logique de la futur star George Clooney - même a posteriori, en 2020, on perçoit bien que la place de l'acteur, qui n'est pourtant pas le meilleur du cast, est avant tout au cinéma. Le départ de son personnage provoque le délitement progressif du show, car les dynamiques qu'il parvenait à créer autour de lui, avec son meilleur ami Mark Green, sa chef Kerry Weaver, son âme-sœur Carol Hathaway, laissent un vide qui ne sera jamais remplacé, par aucun autre personnage. L'arrivée de Goran Visnjic pour jouer le "beau" Luka Kovac, au début de la saison suivante, impose une comparaison très cruelle pour l'acteur croate, qui était supposé remplacer Mr Nespresso, ce qu'il ne fera jamais, même symboliquement. Comprenant qu'ils viennent de perdre le maillon fort du crew, les scénaristes tentent de compenser en remplissant jusqu'à ras-bord la saison 6, puis les suivantes, d'événements spectaculaires - fusillade, bagarre, explosion, assassinat, affrontement psychologique entre un médecin et un serial killer (!!!), etc. -, dont la rapide succession au sein d'une même saison - la 6e, donc - étonne par son invraisemblance. Et si l'assassinat en question, qu'aucun fan du show n'a pu oublier, représente l'acmé très réussie, lui, de la nouvelle politique scénaristique, il plante aussi les clous du cercueil dans lequel Urgences va inlassablement se fondre, saison après saison, jusqu'à sa mort très tardive en 2009, lors de sa 15e saison. Laquelle, comble de la gêne, ne fera que regarder dans le rétroviseur pour admirer sa gloire passée, en invitant lors de l'épisode final tous les anciens du cast à venir dire au revoir, comme des cheveux sur la soupe, à la série mourante.
Si elle a donc été plus longtemps mauvaise que géniale, puisque son âge d'or dure de la 1e et la 5e saison et que la série a duré en tout 15 longues saisons, Urgences reste, n'en doutez point, un must absolu des années 90 et la meilleure série médicale qui ait jamais vu le jour. Il suffit, pour cela, d'oublier qu'elle continue quand George la quitte…(bon, on veut bien sauver quelques épisodes de la saison 6, dont le 21, mais pas plus).
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le 19 sept. 2020
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