Il était une fois, une série très populaire des années 2010. On en parlait en abondance sur les réseaux sociaux, on attendait impatiemment le prochain épisode, et on pensait que jamais la hype ne se dissiperait. Il se trouve que ce fut le cas, car plus les saisons avançaient et plus les téléspectateurs semblaient perdre de l’intérêt, au profit d’autres séries…
Il ne s’agit pas de Walking Dead, comme la page le laissera subtilement deviner.
Ces dernières années nous avons vécu une forme de « Vikings-mania ». Bien que se déroulant dans un univers fantasy fictif, Skyrim s’inspire allègrement de leur société, tandis que Assassin’s Creed Valhalla ferme cette boucle. Au milieu de tout cela, la série Vikings a fait son bonhomme de chemin, avec plus ou moins de succès. Qu’est-ce qui peut expliquer un tel engouement pour cette société ? D’après mon interprétation, peut-être biaisée, ils peuvent fasciner par le côté « européen non chrétien », qui permet pour le public occidental de « s’identifier » et de se « dépayser » en même temps. Je pense aussi qu’on découvre encore beaucoup de choses sur eux qui brisent certains de nos préjugés. C’étaient des barbares ? Non, car si certes ils ont commis pillages et conquêtes, ils étaient aussi de grands marchands et explorateurs. Ils étaient machistes ? Non, en réalité c’était l’une des sociétés les plus égalitaires de son temps. Ils ne sont pas allés bien loin ? Au contraire, ils pourraient même avoir « découvert » l’Amérique bien avant les autres (enfin sauf les Amérindiens, évidemment).
Et il faut dire que le concept m’a séduit. La série était dynamique et efficace, et progressait à un rythme idéal. C’est une restitution historique davantage de fond que de forme. J’entends par là que même sans m’y connaître en histoire, je sais que des « approximations » ont été faites, ce pourquoi plus d’un a grincé des dents. Mais Michel Hirst a affirmé que l’intention était volontaire, si bien que la série se méprend plutôt à une fiction inspirée de faits réels.
Ce point ne m’a pas trop dérangé : au-delà de ces erreurs, il y a un effort de poser une atmosphère. Les décors, les musiques et les rituels génèrent une ambiance immersive. Ce qui m’intéressait, c’était de voir les interactions des Vikings entre différents peuples, et les opportunités ne manquaient pas : Angleterre et France chrétiennes, l’Espagne et le Maghreb musulmans, la Russie orthodoxe offrent des échanges vraiment passionnants. Des batailles souvent, mais aussi des négociations, des conversions, et surtout comment une société peut appréhender l’autre.
Pourquoi un timide 6/10, dans ce cas ? Pour ne pas être original, je suis des personnes ayant préféré la première partie de la série à la seconde, et je vais par conséquent spoiler un peu beaucoup.
Les intentions semblaient claires plus la série progressait : elle se déroulerait sur deux générations, d’abord sur celle de Ragnar, puis de ses fils. Certains personnages continuent leur arc « narratif » (historique ?) sur la seconde génération mais globalement on se focalise davantage sur les péripéties de la jeunesse. Cette décision a impliqué une structure changeante : là où les trois premières saisons contenaient une dizaine d’épisodes, les trois dernières en avaient le double, avec la deuxième partie de la saison 4 faisant office de transition.
Ainsi, quitte à paraître nostalgique et rabat-joie, la première moitié de la série m’avait parue mieux écrite, mieux ficelée, plus passionnante. Ragnar Lothbrok était porté un Travis Fimmel charismatique, au parcours haletant, dont les interactions avec le prête Athelstan et le roi Egbert n’avaient de cesse de me fasciner. Floki avait cette aura de mystère et de folie dont la série avait besoin, Lagertha était une guerrière badass aux dilemmes bien présents, et Rollo un homme à la loyauté vacillante dans l’ombre de son frère. Tout une flopée de personnages dont le voyage recelait de nombreuses promesses pour la plupart bien exécutées.
En principe, les fils de Ragnar avaient tout pour reprendre le flambeau. Bjorn était le grand guerrier, Ubbe l’explorateur, Ivar l’exclu, mais Hviserk et Sigur… Bon, pas grand-chose. Mais faute d’un traitement trop hasardeux, aucun de ces personnages n’a atteint la superbe (hormis Ubbe qui s’en sort encore) : Bjorn est devenu un bovin gueulard, Ivar un méchant de série B, Sigur a été tué sans raison, et Hvitserk… Je ne sais pas trop. Quant à d’anciens personnages, comme Lagerta et Floki, ils ont eu l’air d’errer au gré des besoins du scénario.
Certains défauts de la série transparaissaient pourtant dès le début. Bien qu’accrocheuses, les batailles perdaient en impact par leur multitude, et on sentait déjà les limites budgétaires de la série (repoussées heureusement au fur et à mesure). Elle a souvent aussi eu du mal avec la mort des personnages : là où Ragnar tuant le jarl puis le roi était logique dans son cheminent, la mort d’Athelstan paraît sortie de nulle part. Et tandis que la série a brillamment mis en scène les fins de Ragnar et d’Egbert, les errances sur les parcours des personnages a débuté peu après.
Disons que la série a pris la fâcheuse habitude de traiter ses personnages « au hasard ». On a un concept alléchant, puis ils partent à gauche et à droite, changent de camp comme de chemise, et puis lorsqu’on ne sait plus quoi en faire, il n’a qu’à mourir poignardé par un autre personnage, ou au ralenti sur le champ de bataille sous un chant profond ! Telles ont été les destinées de trop nombreuses figures qui donnent une impression d’improvisations scénaristique.
À cela se rajoute une redondance des intrigues. Je n’ai rien contre les séries longues, sinon je n’aurais pas autant apprécié Lost ou Buffy. Sauf qu’ici on alterne juste entre trahisons, batailles et exploration sans réellement présenter des variations. Puisque la série avait tué la plupart de ses personnages vers la fin, les derniers épisodes m’ont paru vides et étirés.
Est-ce que Vikings aurait dû se cantonner à ses quatre premières saisons ? Je l’ignore, car Michael Hirst semble déterminé à encore réaliser une autre série. J’aurais passé un bon moment globalement, mais l’amère sensation de déception est sûrement une conséquence d’un manque de maîtrise sur le long terme.