Descente aux enfers

Après le moyen "The Haunted Palace" ( je ne regarde pas Joseon, mais j'ai vu les audiences) et l'insipide "Trigger", Kim Young-Kwang nous revient cette année avec du lourd, et cet excellent thriller/polar psychologique totalement amoral. Comme le laisse entendre le titre, on va souvent marcher sur le fil du rasoir. Les coréens ne lui ont pas accordé le mérite auquel il devait avoir droit, car en bons faux-culs moralisateurs, le sujet de la drogue tel qu'on en parle ici reste un tabou sociétal. Le tabac et l'alcool qui sont des fléaux nationaux et font des dizaines de milliers de morts par an, par contre, ça passe crème. Hypocrisie quand tu nous tiens. Autre chose, ce K-drama n'a absolument rien à voir avec la série américaine "Breaking Bad" comme certains imbéciles ont pu l'écrire sur certains sites ou forums. "Walking on Thin Ice" est avant tout une série politiquement incorrecte dans laquelle 95% des protagonistes sont du mauvais coté de la barrière, soit par choix, soit par désespoir.

Nous sommes en 2021. Kang Eun-Su(Lee Young-Ae) est une femme de 45 ans qui travaille dans une superette à mi temps après avoir bossé dans une banque. Elle est mariée et à une fille de 15 ans. Son mari, cadre de cette même banque, est atteint d'un cancer du pancréas en phase terminale. Mais Il a caché sa maladie à tout le monde. Pire, il a hypothéqué sa maison et placé toutes leurs économies dans la cryptomonnaie. Ils sont ruinés et la famille n'a pas les moyens de payer les frais médicaux. Eun Su est au bord du désespoir, la banque étant sur le point de tout leur saisir. Sa vie va basculer quand un membre du gang "Phantom", poursuivi par la police atterrit chez elle et laisse un sac rempli de plusieurs kilos de méthamphétamine. Mais au moment d'appeler la police, elle décide de revendre la drogue en contactant un dealer connu dans le milieu de la nuit à Gangnam. Elle ignore que ce mystérieux individu n'est autre que le prof de dessin de sa fille, Lee Gyeong(Kim Young Kwang). Ce duo improbable commence à sévir mais ils sont rapidement pris dans un engrenage infernal. Surtout qu'un flic chevronné de la brigade des stups, Jang, Tae Gu(Parc Yong Woo) va rapidement remonter la piste. Le piège commence à se refermer sur eux.

Déjà il faut bien comprendre dans ce drama, que même si on va s'attacher à notre duo, il ne faudra jamais occulter le fait que ce sont avant tout des dealers de drogue, des pourvoyeurs de mort. Au diable l'éthique, la droiture et la morale, Eun Su et Lee Gyeong seront liés par un pacte commercial, mais ils poursuivent un but diffèrent. Si pour la mère de famille, c'est avant tout pour sauver sa famille, pour Lee Gyeong, il faudra attendre la fin de la série pour tout comprendre. Eun Su ne se pose jamais la moindre question, ni se soucie des dommages collatéraux. Son instinct de survie a pris le pas sur sa lucidité et ses responsabilités. Mais une chose est claire, ils ne font pas tout ça dans un but purement mercantile. Même si tout ce trafic par d'un bon sentiment, on ne peut pas cautionner la revente de drogue, surtout si cela atteint des ados comme on le verra durant ce récit noir et souvent malaisant. On s'attend à tout moment à l'instant où l'héroïne va se prendre un retour de karma dans la gueule. Car cette fuite en avant dans le milieu du crime semble sans retour possible et il faudra en assumer toutes les conséquences. Méfiants l'un envers l'autre, ils vont progressivement se lier et se faire confiance.

Si on fait abstraction du fait qu'une mère de famille se mue en revendeuse de méth aussi rapidement et facilement que ça, le scenario est très bon, parce que on avance crescendo. L'introduction met l'eau à la bouche, puis ça se calme un peu, pour repartir de plus belle à mi parcours où on passe en mode thriller avec beaucoup de suspense. D'abord pris en étau entre les propriétaires de la came, puis par les flics, nos deux héros devront jouer des coudes. Autant "James" est à l'aise après des années dans ce milieu, on s'étonnera de l'apprentissage vitesse grand V de notre mère de famille. Elle affiche une aisance et un courage qui défie l'entendement parfois dans un milieu qu'elle ne connait pas. En dehors de l'intrigue principale se greffe des sous intrigues qui rendent l'ensemble très palpitant. En fait, on est jamais dans l'attente parce que le rythme est infernal, comme durant une chasse à l'homme. On ne sait jamais ce qui se cache derrière une porte fermée. Il y a des cliffhanger plus ou moins téléphonés quasiment à chaque épisode, ce qui donne envie de "binge watcher". Cette histoire est plus profonde qu’elle n’en a l’air, puisqu’elle mettra en évidence les différences sociales et le fossé qui sépare les pauvres des riches.

Dans sa logique, Eun-Su se dit que goûter au bonheur avec de l'argent facile, après avoir galérer des années du fait de la stupidité de son mari, n'est que justice. Elle va apprendre à justifier ses actes délictueux. Une chose que j'ai apprécié dans la drama, c'est que l'on ne fera jamais l'éloge de la drogue, bien au contraire. On verra de nombreuses scènes, impliquant l'un des antagonistes principaux, qui insistent sur le fait que la méth rend fou et renvoie l'image d'une personne pathétique et méprisable. L'interprétation de Do Sang-Woo dans le rôle de l'ignoble junkie Kang Hwi-Rim, un héritier Chaebol, est tout simplement éblouissante et magistrale. De tous les cotés, une seule question viendra à l'esprit durant l'histoire, à savoir jusqu'où est-on prêt à aller pour survivre? Niveau acting, rien à dire, ils sont tous très convaincants et performants, Kim Young-Kwang, Park Yong-Woo et Lee Young-Ae sont criants de vérité. Mais j'ai été surtout bufflé par la réalisation et la mise en scène. Ça envoie du lourd: la photographie et la scénographie sont à tomber par terre, notamment durant des plans sous la neige. Les scènes d'action sont aussi très réussies et réalistes. Et le scénario bien que simple, est tortueux à souhaits multipliant les fausses pistes et les rebondissements jusqu'au bout.

On ne sait pas qui va s’en sortir jusqu’au final, car on est dans la spirale de la descente aux enfers. C’est aussi très bouleversant, parce que authentique et sincère dans le propos. Il y a beaucoup de souffrance, de violence physique, mais c’est un récit poignant qui prend aux tripes du but à la fin, et qui va faire s’interroger sur nos certitudes. Nous avons à faire à des personnages complexes, souvent torturés, dont on suit les péripéties avec un plaisir coupable. On peut leur trouver des circonstances atténuantes, mais il ne faudra jamais perdre à l’esprit qu’ils ont franchi le Rubicon, et que par leur choix, des gens vont être blessés et tués. La conclusion qui s'impose, va retrouver un semblant de moralité, mais surtout de justice, pour boucler la boucle. En effet, on est toujours rattrapé, soit par notre conscience, soit par le karma. Alors après toute cette douleur, une lueur d'espoir est-elle enfin possible? En définitive,12 épisodes d’une richesse et d’une densité absolue. Et même la toute fin est à votre discrétion, une idée de génie. Ah j'allais oublier le gimmick musical de chaque épisode, magnifique! Un des meilleurs dramas du genre de l'année 2025. Merci.

Main Theme: Lyle - Blue Eyes

Additionnel OST: JAIMIE -Fragile Life

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