Au paradis de la SF

Critique de la saison 1
Plus que jamais, les séries montrent qu'elles peuvent prendre le relais du cinéma, en prenant le temps d'aller là où le cinéma n'arrive plus à aller, et même plus loin.

Avec son idée (pas forcément originale puisqu'il s'agit d'un remake d'un film qui n'allait pas très loin), Westworld convoque tout l'imaginaire de la SF : des scientifiques dans des bases high tech qui surveillent le petit monde trop complexe qu'ils ont créé, une humanité pas très humaine à la recherche de sensations fortes, des machines plus humaines que ce que l'on voudrait. C'est du classique pour tout lecteur de Azimov, mais là où le cinéma ne se donne plus que quelques minutes pour poser les bases d'un monde et évoquer rapidement les grandes réflexions de la SF, Westworld donne toute la texture nécessaire à cet imaginaire.

Mais là où ça devient plus intéressant, c'est que la série ne déçoit pas avec de gros dialogues de type "Olala, je me demande bien si ces machines peuvent devenir autonomes", mais transmet tout cela dans la mise en scène : on voit dans les regards des scientifiques qu'ils sont parfaitement conscients des risques qui prennent avec l'intelligence artificielle, la caméra guide le spectateur pour guetter avec elle le moment où les cerveaux positroniques vont s'emballer et les acteurs jouant les machines arrivent parfaitement à faire ressentir les émotions que d'habitude seules la littérature ou des films cultes de la SF arrivent à exprimer. On retrouve ça et là des citations du livre Jurassic Park, et on a l'impression que l'on a donné des pistolets et des chapeaux de cowboys aux robots d'Azimov.

Là où la série d'HBO est encore plus futée, c'est qu'elle s'adresse à tout le monde. Avec le monde Western dans lequel l'action du parc se déroule, le spectateur se retrouve gâté, car au milieu de deux genres dont il maitrise les codes sans difficultés, grâce des décors, des costumes et des plans à couper le souffle. On retrouve toutes les figures du western (méchants, prostituées, jolis coeurs), mais aussi tous ceux de la SF (le créateur à la Frankenstein, la directrice commercial, les techniciens blasés).

Mieux encore, si la réalisation est plutôt conventionnelle, et la dose de sexe, de sang et de scénario familière des grosses productions de HBO, on sent la touche des frères Nolan au scénario. Grâce à une mise en scène simple, mais jouant parfaitement avec les détails et la musique, l'épisode pilote arrive à mettre le spectateur au milieu d'une interrogation purement SF : est-ce que j'aimerais plutôt être un touriste de ce parc formidable, ou est-ce que je voudrais prendre le parti des androïdes vivant sans le savoir l'exploitation de leurs habitants ?

Mais la perle de ce premier épisode réside dans les 15 premières minutes. Un chef d’œuvre de mise en scène qui immerge en un clin d’œil le spectateur, et arrive à nous tromper magnifiquement en jouant sur le simple fantôme du robot joué par Yul Brynner dans le film original. En somme, un nouveau coup de maître pour le petit écran !

Les critiques sans spoilers épisode par épisode, c'est ici : www.westworld-france.fr