On va sortir des sentiers battus qui consistent à encenser la saison 1 et vilipender les suivantes. La série était mauvaise dès le début, je n’ai personnellement pas tenu plus de trois épisodes.
Une des raisons de ce ratage étant que le concept même du parc n’est absolument pas plausible, notamment parce qu’il n’est absolument pas rentable.
Une telle idée n’aurait même pas intéressé les investisseurs les plus fous. Rien qu’à rémunérer les quelques cadres (les ingénieurs, les scénaristes, le fondateur…) ça représente un certain coût. Ajoutez à ça les salaires des nombreux employés, les machines de fabrications, la maintenance, les matériaux… Ajoutez encore la superficie gargantuesque du parc, rien qu’en taxe foncière ça doit représenter un pognon de dingue comme dirait Manu. Je n’ose même pas me demander si les paysages sont naturels ou si c’est de la terraformation…
Imaginez qu’un studio de cinéma actuel produise un film à 300 millions de dollars de budget pour ne le diffuser qu’à quelques dizaines de milliardaires qui en paieraient le prix fort. Un enfant comprendrait qu’il y a un hic. Cet exemple est un gros euphémisme.
Dans le monde réel, les produits de luxe type LVMH sont revendus dix fois plus cher que leur coût de production, pas l’inverse. Dans le luxe, on ne paie pas la qualité, on paie un marqueur de statut social. Le duo Nolan-Joy n’a strictement rien compris au principe de base de l’appât du gain mais voudrait nous faire croire qu’ils ont compris quelque chose à la nature humaine ?
Et puis il faut se rappeler qu’au cinéma, le western a connu un fort déclin après la fin des années 60. Mais bien sûr il n’y a aucune chance que les milliardaires se lassent d’un tel parc…
Quand on a entendu parler de l’affaire Alec Baldwin sur le tournage de Rust, cette série fait bien sourire. Le parc est dangereux, on pourrait être blessé ou tué de tas de façons différentes :
- Le concept des armes à dangerosité sélective est fumeux (sans mauvais jeu de mot…). Je ne parle même pas des armes blanches, et surtout des flèches alors qu’il y a des indiens. Comment une flèche tirée avec un arc pourrait-elle être fonctionnelle sur les androïdes, mais pas sur les humains ? Elle se transforme en mousse à la dernière seconde ?
- Les androïdes peuvent dysfonctionner.
- Il y des risques de chutes de cheval.
- Si ce sont bien des décors naturels, il y a potentiellement beaucoup d’animaux dangereux.
- Dans l’épisode 2, une prostituée aborde une cliente du parc en se montrant très « entreprenante ». Donc les androïdes ne peuvent pas faire le moindre mal aux clients, mais une agression sexuelle ça passe ?!
- Le fait qu’il y ait des enfants parmi les clients se passe de commentaires.
De nos jours, on peut porter plainte parce qu’on a trébuché sur une frite dans un fast food. Et comme les clients sont milliardaires, ils ont les moyens de se payer de très bons avocats, donc forcément… La série aurait été crédible si elle avait eu lieu dans une réalité virtuelle, et les androïdes auraient été des IA.
La série se situe à une drôle d’époque. D’une part, elle est très politiquement correcte à l’américaine façon années « woke ». Que ce soit dans et à l’extérieur du parc, il n’y a pas de racisme, l’homosexualité est complétement normalisée à l’identique de l’hétérosexualité, certaines femmes se comportent comme des hommes (chassent des primes, vont au bordel…). Sauf que ça ne tient pas la route.
Par exemple, dans Deadwood, Calamity Jane était clairement une exception à la norme féminine et n’était pas là pour faire de la mauvaise propagande. Dans Sur écoute, les personnages homosexuels respiraient l’authenticité (Kima la policière) ou l’originalité (Omar), mais pas ceux de Westworld qui trahissent les intentions grossières de Nolan-Joy. Dans Godless, même si on devinait facilement le côté progressiste de l'auteur, ça restait un minimum crédible niveau représentation des minorités ou du féminisme.
Une société progressiste très tolérante et féministe aurait probablement aboli la prostitution. Alors pourquoi mettre en scène un parc où le racisme et l’homophobie ont été gommés de la fin du XIXème siècle, mais pas le tapinage ou la peine de mort ? Pourquoi ces anachronismes ? Pourquoi serait-il socialement acceptable de violer, tuer et torturer de façon aussi réaliste dans un monde LGBT friendly ? C’est comme si Hannibal Lecter prêchait pour le mariage homosexuel du fond de sa cellule, comme si Dracula se disait antiraciste car il suce le sang des blancs comme des noirs, comme si Dark Vador félicitait Leia pour son rôle d’icone féministe pendant qu’il explose sa planète natale. On peut se passer de tels soutiens. Un scénariste n’est pas là pour montrer à quel point il est progressiste quitte à briser la suspension d’incrédulité, un scénariste est là pour raconter une histoire qui se déroule naturellement.
Le duo Nolan-Joy n’a pas sérieusement réfléchi au monde qu’il voulait représenter, et c’est capital car l’éthique et la nature de la condition humaine sont au cœur de l’intrigue. Cette série est clairement un produit de son époque, celle des faux progressistes qui confondent ingénierie social avec art. C’est inepte et contre-productif, et niveau subtilité, on est à des années lumières d’un Kubrick.
Mais la psychologie est loin d’être seulement gâchée par le coté grossièrement woke. Les clients du parc sont incontestablement des psychopathes dépravés. Le parc est beaucoup trop réaliste, les clients n’ont aucun moyen de distinguer les clients des androïdes avec certitude. Rien que cela constituerait un frein à la violence pour tout individu normalement constitué. Sans parler du risque d’accident.
Le fait de pouvoir coucher avec des androïdes dans le parc est ridicule. Un milliardaire incel aurait directement acheter un androïde pour faire ça dans l’intimité. Dans le parc, ils sont quand même filmés en permanence, et les androïdes ont déjà été « utilisés » par d’autres. Qui achèterait une poupée gonflable d’occasion ?
D’une manière générale, les personnages sont ironiquement trop artificiels.
On nous sort un méchant très méchant, l’homme en noir. On ne sait pas qui il est ni d’où il sort, il se lance dans une sorte de quête très mystérieuse, et bien évidemment à aucun moment le personnel du parc ne parle de lui ni ne tente de l’arrêter.
En plus de la caricature de méchant, on a la femme en détresse, le nigaud naïf qui découvre les règles du parc sur place, le pervers sadique, le vieux sage philosophe, le scénariste dépourvu de professionnalisme… A aucun moment ils ne ressemblent à des êtres humains authentiques.
Nolan-Joy nous représente les androïdes comme des personnages normaux avec des enjeux dramatiques normaux. Or, on se fout de ce qui pourrait leur arriver, alors pourquoi mettre en valeur leurs mésaventures et leur souffrance qui tournent en boucle ? Pour grossièrement manipuler le spectateur comme dans les histoires pour enfants. Les androïdes sont les « gentils » et il faut avoir de l'empathie pour eux, et les clients sont les « méchants » car ce sont des hédonistes cyniques.
Reste la thématique que l’on voit arrivé de très loin qui consiste à faire réfléchir sur la condition humaine en montrant les androïdes devenir humains. Ce n’est pas très original, et c’est tellement poussif. C'est aussi très prévisible pour le personnel du parc, alors pourquoi pas de formatage intégral des androïdes ? Pourquoi continuer à jouer aux apprentis sorciers quitte à mettre en danger de mort les clients ?
La série est aussi truffée de petites incohérences ici et là :
- Une femme en plein Far West qui apprend à se servir à l’âge adulte d’une arme à feu, c’est juste ridicule. A l’époque, les armes étaient des outils indispensables. Et je croyais que les femmes étaient censées être indépendantes ?!
- A la fin de l’épisode 3, cette même femme se sert de son peacemaker comme d’un revolver double action (sans réarmer le chien), bonjour le sens du détail. Nolan-Joy ne s’est pas sérieusement documenté. Le montage est d’ailleurs atroce lors des scènes d’action.
- Pourquoi certains clients sont-ils aussi couards s’ils savent très bien qu’ils ne risquent rien ?
- Le parc est régulièrement réinitialisé. Or, quel est l’intérêt ? Pourquoi faire tourner en boucle les mêmes scénarios ? Pourquoi persister à faire fonctionner les androïdes, avec tout ce que ça représente en termes de coût et de main d’œuvre pénible, même quand il n’y a pas de clients aux alentours ? Et comment font-ils si les clients sont dans les parages ?
Jonathan Nolan nous avait déjà pondu Memento, qui est un film sympathique. La narration inhabituelle y était justifiée pour des raison scénaristiques. Or dans Westworld, on abuse des omissions pour mieux manipuler et surprendre le spectateur. Quand on a déjà vu l’escroquerie Lost, on est vacciné contre ce genre de subterfuges scénaristiques.
Nolan-Joy devrait comprendre qu’ils ne sont pas là pour montrer au monde à quel point ils sont ingénieux avec leur narration alambiquée qui fuit de partout. Compliqué ne veut pas dire intelligent, et la simplicité est parfois une qualité. Cette série est avant tout un blockbuster avec du sang et du cul, alors qu’ils l’assument.
Pour conclure, c’est une série faussement cérébrale, froide et pompeuse. Si vous espériez en tirer quelque chose aux vues des critiques, vous allez vous prendre une veste(world) !