Il semblerait illusoire de vouloir résumer les quatre saisons de cette série si dense. Je m'accorde avec un avis qui semble être assez partagé : la première saison, portée (surtout) par Evan Rachel Wood et Anthony Hopkins, est la meilleure. Elle fait même probablement partie des meilleures saisons de série jamais créées, mêlant un divertissement total dans un western déjanté, une intrigue futuriste et dystopique pleine de rebondissements, et des questionnements philosophiques sur la nature humaine qui donnent de la profondeur à l'ensemble.
Une longue décrépitude ?
La suite n'est-elle allée que de mal en pis ? Ce serait un petit peu sévère. La saison 2 et ses multiples parcs, si elle peut sur certains points sembler moins réussie, n'en reste pas moins divertissante et donne toujours matière à réflexion, avec un dénouement qui tutoie les hauteurs de la précédente.
Admettons que la saison 3, en revanche, a déçu. Avec son lot de nouveaux personnages (un Aaron Paul très juste, un Vincent Cassel caricatural, entre autres) et surtout son intrigue de plus en plus cryptique, a sûrement laissé beaucoup de monde sur la route.
Et pourtant, la saison 4 (que je viens de finir au moment d'écrire ce texte) vaut le détour. Le scénario ne rattrape pas tous les errements de sa grande soeur, loin de là (d'où sort la nouvelle Clementine ? Comment Charlotte récupère-t-elle Caleb ? Comment Dolores contrôle-t-elle tous ces humains, et Charlotte en est-elle consciente ?). Les intrigues qu'elle développe, en revanche, se tiennent plutôt bien, et rappellent parfois ce qui faisait la réussite de la première : à la fin des fins, qui contrôle le jeu ? L'humanité est-elle intrinsèquement violente ? Qu'est-ce que la transcendance, et peut-on forcer quelqu'un à la souhaiter ?
Une nouvelle victime de la rentabilité
Elle propose surtout un dénouement intéressant et intriguant, en forme de retour à la case départ avec des implications encore plus grandes. Et pourtant, Westworld, avec ses (grandes) qualités et ses (agaçants) défauts, n'aura pas le droit à une cinquième et ultime saison, que les scénaristes avaient pourtant prévus comme étant le point final de l'histoire qu'ils ont développé pendant plus de 6 ans. La faute à un budget conséquent, qui se ressent dans le soin apporté à l'image et dans des effets spéciaux grandioses et impeccables.
La frustration domine donc, surtout si on avait l'espoir que cette dernière saison donne plus de sens et de consistance à certaines intrigues un petit peu floues. En ce sens, Westworld n'est qu'une énième preuve de l'effet délétère de la recherche de rentabilité sur la création artistique, et n'est pas sans rappeler, par exemple le sort réservé par une chaîne concurrente à HBO à la nouvelle série des créateurs de l'immense Dark, 1899.
Quelques jours après la Palme d'Or de Justine Triet pour Anatomie d'une chute, entendons son discours où elle dit, entre autres choses, qu'elle n'a pu réaliser ce grand film que parce qu'elle a eu l'occasion de se tromper et d'en produire d'autres qui n'ont pas connu un franc succès commercial. Essayons de se réconforter en se disant que l'on pourra toujours re-regarder avec plaisir la première saison (au moins) de Westworld. Et espérons qu'il existe un monde, ni trop lointain ni trop fantasmé, où les scénaristes auront l'occasion de mener à bien leurs récits, même quand ces derniers ne rapportent pas autant d'argent qu'escompté.