Westworld
7.6
Westworld

Série HBO (2016)

Les robots, l’intelligence artificielle, un sujet maintes fois traité, mais toujours aussi troublant et source de questionnement. Les créatures artificielles sont persuadées de la véracité de leur vie et de leurs souvenirs, quelle différence cela fait-il avec nous alors ? Ne sommes-nous pas aussi conditionnés par nos pulsions biologiques, les normes de la société dans laquelle nous évoluons ? Ce qui est contrôlé par des codes de 0 et 1 l’est chez nous par des hormones et des schémas neuronaux. C’est également une programmation, mais de source différente.
Les robots sont un miroir de nous-mêmes, durant lequel nous nous regardons face à face, confrontés à notre propre condition. Parler de robots ou des IA revient à définir ce qu’est l’homme, ce que la science et la philosophie cherchent toujours à parvenir, sans se mettre d’accord. Même avant l’apparition de l’informatique, de telles créatures artificielles douées de conscience qui nous renverraient notre image étaient déjà imaginées.
Nous accordons un côté sacré à notre esprit, notre intelligence si avancée. Les robots nous forcent à reconsidérer ces conceptions : si l’on a pu créer artificiellement de la vie, si des êtres ont pu accéder à la conscience, aux sentiments, agir comme nous, qu’est-ce que cela fait de nous ? Sommes-nous si uniques, si avancés ? Cela nous ramène à notre propre condition de mortel, d’êtres fait de chair et de sang, nos pensées, nos émotions et ce à quoi nous accordons le plus d’importance réduits à la simple expression physique et biologique.
Nous nous voyons comme le chaînon ultime de l’évolution, la création de Dieu à son image, mais se pourrait-il qu’il existe quelque chose de supérieur encore ? Des esprits plus purs, non motivés par la haine ou la jalousie, le mensonge ou la souffrance. En contemplant ces créatures, nous ne sommes pas seulement confrontés à notre propre création, mais à notre vulnérabilité, celle que nous refusons de voir.


L’homme a toujours cherché à répondre à cette angoissante question : qui est-il ? Avec la technologie, il est ainsi en passe de résoudre cette question qui le hante depuis qu’il est devenu conscient, en parvenant à construire des créatures qui lui sont identiques. Une quête existentielle à laquelle se mêle une soif d’orgueil, l’hubris, celui de devenir Dieu à son tour et de concevoir une création qu’il serait à même de contrôler, une création qui serait à son image.
Mais l’inconvénient de concevoir un tel miroir, c’est que l’on risque de ne pas aimer ce que l’on voit. On risque de découvrir un reflet peu flatteur et une vérité bien dérangeante. La vérité que la créature pourrait être supérieure à son créateur, ou que notre création pourrait bien posséder ce que l’on recherche depuis toujours, et qui nous est inaccessible.
De nos jours, grâce aux nouvelles méthodes d’apprentissage par multiples couches de réseaux d’unité de traitement, le « deep learning », les IA ont fait un bond en avant. Plutôt que de coder tout ce qu’elles doivent apprendre, les informaticiens laissent désormais les IA apprendre toute seule (au lieu de coder un objet qu’elles doivent identifier, on les laisse reconnaître l’objet elle-même en se basant sur leurs propres critères). Désormais capable de battre un humain au jeu de Go (qui résistait jusque là via un nombre de possibilités beaucoup trop importants), une IA est ainsi tout récemment parvenu à gagner à Starcraft. Le plus surprenant c’est que façon de faire s’avère bien différentes des nôtres (un coup aux échecs est ainsi maintenant étudié par les experts). Plutôt que d’intelligence supérieure, on pourrait plutôt parler d’intelligence différente, ce qui ouvre des perspectives inédites. Rappelons quand même, qu’en dépit de dernières avancées plus rapides que prévu, d’après les experts les IA sont encore loin de devenir autonome !


« Westworld » s’avère un étonnant mélange visuel entre du western et de la science-fiction, reprenant des codes des 2 genres. La série se permet le luxe de compter dans son casting Anthony Hopkins, grand acteur de cinéma, dans un rôle trouble et ambigu, mais aussi Ed Harris, un habitué du grand écran. A la musique, c’est Ramin Djawadi à l’oeuvre, le compositeur pour Game of Thrones, qui réarrange des chansons modernes.


La première saison parvient à distiller de multiples révélations surprenantes et imprévisibles, en dépit d’une crédibilité peut-être parfois un peu limites.
La deuxième saison poursuit ce style de narration, mais la complexité devient plus artificielle, comme si elle embrouillait plus que nécessaire l’histoire. Toutefois, plusieurs révélations continuent d’être apportées, notamment le vrai objectif du parc, beaucoup plus qu’un simple lieu de divertissement dernier cri pour milliardaire.


Un parc de recherche pour tenter de percer le « code de l’âme », et de parvenir au Graal, l’immortalité, ce rêve utopique qui aussi hante l’humanité depuis fort longtemps, si cette dernière pouvait être un jour accessible, et si l’esprit humain serait capable de le supporter... Attention à ne pas, tel Prométhée, nous infliger des punitions éternelles.
Une révélation qui apporte, plus que jamais, une vérité dérangeante, celle que le code des robots serait finalement plus complexe que le nôtre. Et alors que jusqu’à présent on pensait pouvoir mettre en avant notre fameux libre-arbitre, dont on les pensait totalement dénués, voilà qu’au contraire ils posséderaient une capacité de changer supérieure à la nôtre. « La stabilité ce n’est qu’un ensemble restreint de comportements. D’avantage de chemins mènent à la folie. »


« Westworld » n’est pas une énième œuvre traitent des IA, outre qu’elle aborde certaines idées que personnellement je n’ai pas trouvé ailleurs. C’est aussi une série complexe, qui ne donne pas des réponses toutes faites et exige un certain effort. Une narration intelligente qui se permet de nombreuses révélations à même de surprendre le spectateur. C’est une série chorale mêlant de multiples personnages, humains ou robots, ou de nature indéfinie, chacun lancé dans une quête pour se trouver lui-même ou décider de ses propres choix. Organique ou numérique, perdue ou éveillée, chaque âme est lancée dans une tragédie en plusieurs actes, dans la poussière du désert d’un monde factice à la froideur trop réelle d’un monde virtuelle, à la poursuite de son destin, qu’il soit le sien ou décidé par un autre… Armé de ses convictions, chacun entendra imposer sa volonté et ses choix, à moins que ceux d’un autre, imprévisibles, ne viennent les contrecarrer. La série joue de l’effet miroir : l’observateur devient l’observé, et le marionnettiste devient la marionnette. Personne en faîte ne semble être maître de son destin…


Intelligente, complexe, servi par des acteurs charismatiques, ponctué de scènes d’action (surtout en saison 2) qui n’enlèvent rien au plaisir, « westworld » s’est hissé tout naturellement dans le rang des séries les plus captivantes et dignes d’intérêt de ces dernières années.

Enlak
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le 20 févr. 2019

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