Fût un temps, en effet, où j’avais érigé Antoine Daniel dans mon panthéon, aux côtés de Christian Bale et de Petyr Baelish. La note que je laisse à cette émission est un témoignage de cet âge d’or. Bien sûr, découvrir Antoine Daniel aujourd’hui vaut toujours le détour. Mais il faut faire face à une bien triste réalité : l’émission est désormais en baisse constante.
Mais commençons par le commencement, l’époque où tout était beau et brillant et qu’il est temps de rattraper si vous ne l’avez pas connue, même si les punchlines sont périmées depuis lors.
Antoine Daniel ne fait pas dans le politiquement correct. Il est incisif, souvent vulgaire, mais avec une forme d’énergie et de second degré qui ne donne pas une impression de gratuité. Cela en devient même extrêmement jouissif. Comme l’indique le nom de l’émission, et en vertu de son projet originel, le montage est rapide, nerveux, on est sous le feu de sa mitraillette pendant cinq, dix minutes d’une suite d’expressions jubilatoires et de skeches très brefs. La part large est donnée aux réactions faciales d’Antoine face aux vidéos qu’il analyse, qui permettent de véhiculer toute la violence de ces découvertes sans s’encombrer de mots et avec une identification optimale. Ceci et une savante maîtrise des punchlines contribuent à créer une impression de proximité et de complicité avec le youtuber qui faisait d’Antoine Daniel notre meilleur pote à tous, avec nos private jokes à peine partagées par quelques dizaines de milliers de personnes…
En plus de cela, le sus-cité d’Antoine Daniel apparaît attendrissant de modestie et nous présente son émission avec du recul, soucieux de ne pas s’enliser dans la facilité d’une éternelle répétition. Sa philosophie anti « média-dinosaure » lui donne même des accents révolutionnaires fédérateurs, qui le rendent adorable à la manière d’un Mélenchon (bien que cette comparaison n’engage que moi).
Mais c’est justement là que le mât s’est mis à blesser. Ses propos autrefois bien argumentés se sont peut-être un peu trop crispés, et tandis qu’il explorait de nouvelles pistes pour éviter la stagnation de son émission, il a fait des choix d’évolution qui n’apparaissent pas forcément judicieux.
Ainsi, si c’est tout à son honneur de vouloir proposer une nouvelle formule, il semble avoir perdu le dynamisme d’autrefois, et ceci à peu près depuis le deuxième épisode sur le Japon. Ses sketches se sont allongés, pour des blagues qui ne supportent pas forcément un temps plus long et tombent parfois dans le ridicule. Se déclarant lui-même épuisé par les punchlines qu’on lui répète ad nauseam, il les a mises de côté sans pour autant réussir à recréer le rythme et la familiarité qu’elles assuraient jusqu’alors. Son humour par l’absurde semble trop artificiel ; trop omniprésent il a perdu de sa valeur. Et c’est là qu’on a véritablement une sensation d’enlisement.
Finalement, on perçoit du côté d’Antoine une « professionnalisation », que ce soit du point de vue du simple matériel ou des collaborations qu’il multiplie, peut-être à outrance ? Il a perdu la simplicité d’antan du type mal coiffé avec une caméra dégueulasse et un papier peint douteux. Et il donne de ce fait l’impression de devenir précisément ce qu’il critique fervemment.
Mais qu’importe, je crois encore en Antoine Daniel. Je sais qu’il est capable du meilleur, et il n’a pas encore fait du pire, donc je compte sur lui pour faire demi-tour avant de l’atteindre. Tout a un temps, celui du type nerveux dans une image moisie et floue est peut-être révolu pour de bon, mais cette période d’errance prendra peut-être fin elle aussi.
En attendant, je suis toujours en recherche d’un mari. Dépêchez-vous, pendant ce temps Mathieu Sommet remonte très très dangereusement dans mon estime.